C'est le quotidien français Le Monde qui a fait de graves révélations concernant trois prélas maliens qui détiennent des comptes bien remplis en Suisse et dont l'église semble ignorer jusqu'à leur existence. C'est Mgr Jean Zerbo, archevêque de Bamako qui vient d'être créé cardinal le 21 mai dernier, qui est cité en premier dans les documents du SwissLeaks.
Sept comptes bancaires sont ouverts par la Conférence épiscopale du Mali (CEM) le 25 novembre 2002 à 9h dans une agence bancaire du Crédit Lyonnais à Monaco. Trois codes personnels sont créés pour les trois prêtres cités dans l'enquête avec une répartition égale des montants disponibles à leur profit.
Aux dernières nouvelles, les comptes seraient crédités de 12 millions d'euros et rémunérés au taux d'intérêt de 5% par an. Cette banque deviendra une filiale de la banque suisse HSBC et les comptes portent désormais des codes qui renvoient directement chez les helvétiques. A cette date, Mgr Zerbo était le responsable financier de l'église catholique malienne, mais deux autres noms sont cités. Il s'agit de l'évêque de San, Jean Gabriel Diarra et de l'ex-Secrétaire général de la CEM, Cyprien Dakouo.
Les trois prêtres promus cardinaux
Parmi les questions qui se posent, celle de l'origine des 12 millions d'euros soit 7,8 milliards de FCFA est la plus pressante. Seuls 2,7% des 17 millions de Maliens sont de confession chrétienne. S'agit-il de dons reçus de ces fidèles et qui auraient échappé aux comptes officiels d'une église qui prône sans cesse la transparence? Ou bien, serait-ce un legs reçu des premiers responsables de la CEM auxquels ont succédés les mis en cause?
Coïncidence troublante: ces hommes à la tête d'une telle fortune sont promus cardinaux. La cérémonie devant officialiser leur nouveau statut est prévue le 28 juin prochain. Il n'existe que 221 prêtres de ce rang dans toute l'Eglise catholique.
Quoi qu'il en soit, les réponses obtenues par le Monde sont plus que partielles. L'abbé Noël Somboro, actuellement en charge des finances de la CEM affirme "ne pas avoir envie d'aller fouiller dans les archives pour savoir d'où vient l'argent", ajoutant qu'il "n'en a pas le temps". Plus étonnant encore pour un responsable financier, il soutient même ne pas savoir ce que signifie un compte off-shore.
Au niveau du fisc malien, Mathias Konaté, responsable de la législation, affirme qu'aucun compte en suisse n'a été déclaré au nom de l'église catholique malienne.
l'Eglise "propre et transparente"
Quand Jean Zerbo a été cueilli à froid par les journalistes à la fin d'une messe, le prélats surpris s'est contenté de répondre ironiquement : "moi, un compte en suisse? Serais-je riche sans le savoir?". Mais quand les preuves de l'existence des sept comptes contenant 12 millions d'euros lui sont fournies, il affirme qu'il s'agissait juste "d'un système hérité de l'Ordre des missionnaires d'Afrique".
Hier mercredi 31 mai, dans la soirée, un communiqué de la CEM parvenu à Le360 Afrique est venu pour démentir les informations diffusées et relayées par toute la presse malienne. "La Conférence Episcopale du Mali s’inscrit en faux contre les allégations affirmant que certains Evêques auraient procédé à un détournement de fonds des fidèles catholiques", affirme le document. Ce dernier ajoute également que "la CEM fonctionne en toute transparence", qu'elle "dispose d'une commission des finances", etc. Bref, pas un seul mot n'est dit ni à propos des 7 comptes, ni concernant les trois codes attribués par le HSBC aux cardinaux Zerbo, Dakouo et Diarra.