«Sur invitation du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, le président de la République islamique de Mauritanie, pays frère, Mohamed Cheikh El Ghazouani, effectue une visite d’Etat de trois jours en Algérie, du 27 au 29 décembre 2021», souligne un communiqué de la présidence algérienne. «La visite intervient dans le cadre du renforcement des relations bilatérales et du raffermissement de la coopération au mieux des intérêts des deux pays frères», ajoute la même source.
Toutefois, cette visite à caractère bilatéral, à première vue, sera certainement certainement l'occasion pour le président mauritanien de renouveler son offre de médiation dans la crise diplomatique entre Alger et Rabat.
Car faut-il le rappeler, Mohamed Cheikh El Ghazouani, ardent défenseur de l’intégration maghrébine, s’est porté très tôt candidat pour servir de conciliateur entre ses deux voisins du Nord.
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Dans une interview au magazine libanais Al Iqtissad wal Aamal, il est revenu sur cette visite en Algérie et sur la volonté de la Mauritanie de jouer sa partition pour aider à aplanir le différend entre le Maroc et l’Algérie.
«C’est inimaginable l’ampleur du coût que les peuples de la région paient en raison de l’échec d’une union maghrébine forte, efficace et intégrée. Nous sommes conscients des difficultés que rencontre ce rêve et nous regrettons les obstacles qui se dressent sur son chemin», a laissé entendre le président mauritanien, avant d’ajouter: «la Mauritanie est toujours prête à jouer un rôle majeur dans le rétablissement de la cohésion entre les pays maghrébins».
En octobre dernier, Mohamed Cheikh el Ghazouani avait clairement manifesté sa disposition à jouer «un rôle de facilitateur», entre les deux pays frontaliers avec la Mauritanie.
Et lors de cette visite, il misera sur la position délicate d’équilibrisme de la Mauritanie sur la question du Sahara. Outre la «neutralité active» de Nouakchott sur ce dossier qui plombe les relations entre le Maroc et l’Algérie, le président El Ghazouani a des atouts pour rapprocher les points de vue des deux pays.
Il bénéficie du capital de sympathie de la part des dirigeants marocains et algériens. Il pourra également compter sur le fait que les deux pays rivalisent d’ardeur pour consolider leurs relations avec la Mauritanie. Et à ce titre, la position géographique et stratégique de la Mauritanie, en tant que trait d’union entre l’Afrique du Nord et la CEDEAO, fait qu’il a des atouts pour peser au niveau de la région. Cela est d’autant plus vrai qu’Alger, qui a longtemps délaissé le continent, est de plus en plus intéressée par le marché africain dans le cadre de sa politique de diversification économique. Et la Mauritanie constitue pour elle une porte d’entrée unique vers ce marché.
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Notons toutefois que ce n’est pas la première tentative mauritanienne sur ce dossier. Juste après la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, le ministre des Affaires étrangères mauritanien, Ismail ould Cheikh Ahmed, avait eu, le 30 août dernier, des entretiens téléphoniques avec les chefs de diplomatie des deux pays, Nasser Bourita du Maroc et Ramtane Lamamra de l’Algérie.
Reste à savoir si la volonté du président mauritanien permettra d’infléchir la position de son homologue algérien. Ce n’est pas sûr. Abdelmadjid Tebboune et les généraux qui l’entourent ne semblent pas disposés à un retour rapide à une situation normale des relations entre les deux pays. De plus, l’Algérie a refusé les tentatives de médiations de nombreux pays, notamment ceux du Golfe.
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Si les chances de succès de la médiation mauritanienne sont minces, les suites de cette visite de trois jours du président mauritanien seront très scrutées. En effet, depuis la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, sur initiative des autorités algériennes, les dirigeants algériens multiplient les initiatives régionales dans le but d’isoler le Maroc. Comme les visites de Kaïs Saied en Algérie, puis de Abdelmadjid Tebboune à Tunis, et l’annonce de «la création d’un nouvel espace régional inclusif» par ces deux chefs d’Etat, dont les contours sont loin d’être définis. Ce nouvel ensemble est-il appelé à remplacer l’Union du Maghreb arabe (UMA), et avec quels pays membres?
Une chose est toutefois sûre. Du côté de la Mauritanie, toute politique visant à isoler le Maroc au niveau de la région est d’emblée vouée à l’échec. Les relations entre la Mauritanie et le Maroc sont en effet au beau fixe et le Royaume est devenu très stratégique pour tout ce qui a trait à l’approvisionnement de la Mauritanie en divers produits. La Mauritanie constitue aussi le passage stratégique des camionneurs marocains qui approvisionnent l’Afrique de l’Ouest pour de nombreux produits, notamment les légumes et les fruits. Et les relations multidimensionnelles entre les deux pays se sont renforcées dans tous les domaines depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Cheikh el Ghazouani.
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Cette visite intervient à un mois du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba avec de nombreux enjeux au niveau de la région. Outre la désignation des représentants du Maghreb au Conseil paix et sécurité de l’Union africaine, le Maroc et la Tunisie s’étant positionnés pour occuper le poste, l’octroi du statut d’observateur à Israël au sein de l’organisation panafricaine, divise au sein de la région. En minorité sur ce dossier au sein de l’UA, l’Algérie compte beaucoup sur les soutiens de Tunis et de Nouakchott.
Bref, l’ombre du Maroc planera sur ce déplacement de trois jours du président mauritanien en Algérie...