On connaît un peu plus sur la sortie du site algeriepatriotique.com de la semaine dernière sur une prétendue «décision récente prise par les autorités mauritaniennes de fermer le poste frontalier de Guergarate et de le remplacer par un nouveau poste entre les frontières mauritano-algériennes, près de Tindouf, privant ainsi le Maroc d’un accès direct à la région subsaharienne et au continent noir via la Mauritanie».
En clair, cette sortie était un avant-goût de l’annonce du lancement d’un poste frontalier entre l’Algérie et la Mauritanie. Le premier entre les deux voisins maghrébins depuis leurs indépendances!
Une décision que le gouvernement algérien avait réactivée lors de la Grande commission mixte réunissant les deux pays en décembre 2016, à la veille du retour du Maroc au sein de l’Union africaine, et qu’il tente de concrétiser actuellement malgré la fermeture de la frontière, érigée en zone militaire par la Mauritanie. Seulement, avec l’adhésion du Maroc à la CEDEAO en décembre prochain, Alger se voit de plus en plus isolé et essaye de s’ouvrir sur l’Afrique en espérant une ouverture sur les marchés subsahariens via la Mauritanie.
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Toutefois, si les deux voisins sont restés plus de 55 ans après l’indépendance de l’Algérie et 57 ans après celle de la Mauritanie sans disposer d’un seul poste frontalier, c’est qu’il n’y avait pas du tout d’enjeux. D’ailleurs, le lancement le mercredi 20 septembre 2017 des travaux du poste frontalier du côté algérien a été révélé par un site pro-«Polisario» (futurosahara.net) qui s’offusquait que "la guerre des postes frontaliers" laissait au carreau les séparatistes. Aucun officiel civil ou militaire de haut rang mauritanien n’a fait le déplacement, alors qu’il s’agit de la pose de la première pierre d'un poste frontalier entre les deux pays.
Il faut souligner aussi qu’en plus de l’absence d’enjeux économiques, ce poste frontalier constitue un véritable casse-tête pour les autorités mauritaniennes qui étudient, avec les Algériens, les moyens techniques et matériels nécessaires pour la concrétisation et l’ouverture de ce poste frontalier. Il faut dire que Tindouf et Zouerate, la grande ville du nord mauritanien, la plus proche de la frontière, est distantes de plus de 700 km à vol d’oiseau, alors que les deux cités ne sont pas reliées par une route bitumée.
Du coup, dans cette région saharienne où pullulent des trafiquants de toutes sortes, il faudra toute une logistique civile et militaire pour assurer le fonctionnement de ce poste frontalier perdu en plein désert. Auquel il faut alors se demander quels sont les produits qui vont y transiter.
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Dès lors, on se demande pourquoi tout ce tintamarre pour ce poste-frontalier, allant jusqu’à parler de «guerre des postes frontaliers» entre celui qui vient juste d'être tracé sur des sables mouvants, à 75 km de Tindouf à la frontière mauritano-algérienne, et celui de Guergarate à la frontière maroco-mauritanienne. Certains allant même jusqu’à parler d’un "détournement du flux des échanges Maroc-Mauritanie-Afrique par le nouvel axe Algérie-Mauritanie-Afrique".
La réalité est tout autre. Ce poste qui sera officiellement ouvert dans 2 mois, selon les sources du site pro-polisario, ne peut constituer en aucun cas un concurrent de celui de Guergarate, comme le prétendent les Algériens, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, il faut souligner que les échanges commerciaux entre la Mauritanie et l’Algérie par la voie terrestre sont plus que négligeables, voire nuls. Les seuls échanges connus au niveau de cette frontière longue de 380 km sont constitués des produits de la contrebande (cigarettes, carburant, etc.) et des produits alimentaires issus de dons destinés aux populations des camps de Tindouf, détournés et vendus au nord de la Mauritanie. En plus bien évidement des produits illicites comme la drogue que trafiquent les groupuscules terroristes du nord malien, ayant des accointances avec certaines populations de la région de Tindouf.
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Tout le contraire de la frontière maroco-mauritanienne, devenue un passage névralgique pour la Mauritanie. Ce canal est aujourd’hui la porte de ravitaillement de la Mauritanie en denrées alimentaires de toutes sortes : légumes (pomme-de-terre, carottes, oignons, choux, aubergine, etc.), fruits (oranges, mandarines, melons, pêche, raisins, etc.), farine, huiles, ustensiles plastiques, produits laitiers et dérivés, textiles, matériels électrique, aluminium, etc. Ainsi, en l’absence de liaisons maritimes régulières, presque tous les produits passent via ce poste frontalier.
Ainsi, quotidiennement, ce sont des dizaines et des dizaines de camions de 18 à 25 tonnes qui traversent la frontière de Guergarate pour approvisionner les marchés mauritaniens, mais aussi de plus en plus sénégalais et malien, et même au-delà. Les échanges commerciaux entre les deux pays dépassent actuellement 1,5 milliard de dirhams, sans parler des échanges informels.
Il faut 48 heures pour approvisionner tout le marché mauritanien en légume et fruit à partir du Maroc, il faudra beaucoup plus de temps du côté algérien, si jamais l’offre existe. En effet, contrairement au Maroc, l’Algérie importe presque tous les produits alimentaires dont la Mauritanie a besoin, notamment les fruits et légumes et autres produits alimentaires.
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Ensuite, à côté des échanges de marchandises, le poste de Guergarate est devenu un passage obligé pour de nombreux touristes souhaitant visiter la Mauritanie via le Maroc. Plus de 40.0000 touristes sont annuellement enregistrés au niveau de ce poste frontalier.
D’ailleurs, afin de booster ce flux, le président mauritanien avait réduit le coût du visa de 120 euros à 40 euros (55 euros pour des entrées multiples). Et les touristes véhiculés sont obligés de s’acquitter d’une taxe à l’entrée de 450 euros par véhicule.
Un rôle que ne pourra pas jouer le poste algéro-mauritanien du fait qu’à cause de l’insécurité dans cette région classée zone rouge par le Quai d’Orsay et de nombreuses autres chancelleries occidentales, aucun touriste ne se hasardera à emprunter ce passage.
Par ailleurs, ce poste frontalier de Guergarate constitue aussi de plus en plus la voie préférée des immigrés mauritaniens, sénégalais, maliens et autres ouest-africains résidant en Europe.
Enfin, du côté des recettes, le poste de Guergarate est source de recettes douanières et fiscales importantes pour la douane et le Trésor mauritanien. A titre d'illustration, les camionneurs marocains transitant quotidiennement la frontière y laissent des recettes importantes. Ainsi chaque camion de 25 tonnes s'acquitte d'un droit de douane de 787 000 ouguiyas, soit 1.900 euros. A cela s'ajoutent les frais de visas et autres taxes versées au Trésor mauritanien.
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C’est dire que le poste frontalier de Guergarate est devenu plus que stratégique pour la Mauritanie. En plus des approvisionnements en divers produits, il constitue une source de recettes importante pour le Trésor et la douane mauritanienne.
Avec l’intégration du Maroc au sein de la CEDEAO et la mise en place du hub de Dakhla avec un port en eau profonde, le poste frontalier de Guergarate devrait stimuler davantage les échanges entre le Maroc et le reste du continent avec la création d’une zone de libre-échange entraînant de facto une libre circulation des biens entre les deux parties. Et le couloir de la Mauritanie sera ainsi davantage plus dynamique.
En clair, l’annonce rapportée par la presse sécuritaire algérienne faisant état de la volonté des «autorités mauritaniennes de fermer le poste frontalier de Guergarate et de le remplacer par un nouveau poste entre les frontières mauritano-algériennes, près de Tindouf,….» prête à sourire, tellement elle relève de la chimère..
Pour la Mauritanie, le poste frontalier algero-mauritanien, sans enjeux économiques, vise surtout à sécuriser le pays face aux crimes transfrontaliers: trafics de cigarettes et de drogue, immigration clandestine, terrorisme…, en permettant ainsi l’accès au territoire mauritanien via un seul poste en provenance d’Algérie.
Partant, "la guerre des postes frontaliers" de Tindouf et Guergarate, vu les enjeux économiques, n’aura pas lieu. Car, comme disent les Ivoiriens, entre les deux postes, «il n’y a pas match».