FMI. Droits de tirage spéciaux: tout aux pays riches et des miettes pour l’Afrique

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Le 24/08/2021 à 14h32, mis à jour le 24/08/2021 à 15h07

Les pays riches ont snobé l’Afrique lors de l’allocation générale des Droits de tirages spéciaux (DTS). Contrairement aux promesses lors du sommet de Paris en mai dernier, l’Afrique n’a perçu que des miettes. Et cinq pays du continent se sont accaparés plus de 37% du montant alloué à l'Afrique.

Début août, le conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international a acté l’allocation générale de 456 milliards de DTS, soit 650 milliards de dollars, visant à améliorer les liquidités des économies mondiales. Cette décision est entrée en vigueur le lundi 23 août. Et c’est la plus importante allocation de DTS de l’histoire du FMI, ce qui va certainement constituer une bouffée d’oxygène pour de nombreux pays touchés durement par les effets de la pandémie de Covid-19.

Seulement, les pays riches, qui disposent pourtant du mécanisme de la planche à billets en injectant plus de 16.000 milliards de dollars pour la relance de leurs économies, viennent de priver le continent africain et les pays en développement de la manne des DTS du FMI.

Ainsi, après avoir fait saliver les dirigeants du continent en leur faisant miroiter une réallocation de DTS du FMI pour 100 milliards de dollars lors du Sommet de Paris, dédié à la relance post-Covid-19 en Afrique, qui s’est tenu en mai 2021 dans la capitale française, les pays développés se sont rétractés. Pourtant, les pays africains attendaient tellement de cette initiative et de la réallocation des DTS que 19 chefs d’Etat, 2 chefs de gouvernement et 2 ministres des Finances du continent avaient fait le déplacement à Paris, malgré la pandémie de Covid-19.

Faisant partie de l’initiative du président français Emmanuel Macron pour renforcer les investissements sur le continent africain, la réallocation des DTS, comme mécanisme à même de contribuer au financement des économies africaines, avait été soutenue par certains pays développés. «Nous sommes prêts à réallouer les DTS pour constituer un tour de table qui s’élève à au moins 100 milliards de dollars pour l’Afrique», avait annoncé Macron.

Ce mécanisme, en triplant ainsi la part de l’Afrique au niveau de l’allocation en DTS, allait permettre aux pays africains de bénéficier de financements sans s’endetter davantage, sachant que les recours aux emprunts commencent à asphyxier de nombreuses économies africaines et les services de la dette pèsent lourdement sur les finances publiques de très nombreux pays du continent.

Finalement, les pays riches ont opté pour une répartition du montant émis proportionnellement à la quote-part de chaque pays membre du FMI. Ainsi, le Conseil des gouverneurs du FMI a décidé que pour cette allocation générale, les DTS seraient distribués en proportion du poids spécifique des pays et de leur contribution aux ressources du FMI.

Autrement dit, les dirigeants des pays riches ont préféré procéder à un tirage exceptionnel de DTS pour leurs propres comptes. Et c’est naturellement les grandes puissances économiques qui en tirent le plus de bénéfices, alors que cette idée avait au départ été avancée, par certains dirigeants, pour soutenir les pays en développement qui font face aux effets de la crise sanitaire et ainsi les accompagner lors de la relance post-Covid-19.

Ainsi, selon le mode choisi, ce sont les plus grandes puissances économiques qui recevront les plus gros montants, avec à leur tête les Etats-Unis qui bénéficient de 118 milliards de dollars, devant la Chine (43 milliards de dollars). En clair, les dirigeants des pays riches ont préféré procéder à un tirage exceptionnel de DTS pour leurs propres comptes.

Quant à l’Afrique, prise globalement, elle ne bénéficie que de 33 milliards de dollars, sur un total de 650 milliards de dollars. Une goutte d'eau quand on sait que les besoins de financement du continent pour pouvoir contrer les effets de la pandémie du Covid-19 sont estimés à 285 milliards de dollars d’ici 2025. C’est l’Afrique du Sud qui est le premier bénéficiaire africain de ce tirage spécial avec 4,3 milliards de dollars, devant le Nigéria (3,5 milliards de dollars) et l’Egypte (2,9 milliards de dollars). Ensuite suivent la RDC (1,5 milliard de dollars) et le Maroc (1,2 milliard de dollars. Ainsi, ces cinq pays bénéficient-ils d'un montant global de 12,4 milliards de dollars, soit 37,60% du montant global alloué à l’Afrique.

Et comme conseil, la directrice générale du FMI «recommande aux autorités d’utiliser (les DTS) pour répondre aux besoins urgents et au redressement des réserves de change».

Tant attendue, cette allocation de DTS est de la poudre aux yeux pour les dirigeants africains, sachant que le continent devra faire face à un déficit de près de 300 milliards de dollars d’ici fin 2023. «Nous sommes réunis ici pour inverser ce qui s’est développé, un décalage très risqué entre les économies avancées et les pays en développement, en particulier en Afrique», soulignait pourtant Kristalina Georgieva, directrice du FMI lors de cette rencontre, rappelant que le PIB de l’Afrique devrait se situer à seulement 3,2% en 2021, contre 6% pour le reste du monde.

Bref, après avoir fait miroiter 100 milliards de dollars de DTS, les pays développés montrent, une fois de plus, comme ça a été le cas avec les vaccins anti-Covid-19, que l’Afrique ne doit compter que sur elle-même pour s’en sortir. 

Par Moussa Diop
Le 24/08/2021 à 14h32, mis à jour le 24/08/2021 à 15h07