Aïd al-Adha: au Maroc, en Algérie et en Tunisie, le mouton du sacrifice sera plus cher

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Le 23/06/2022 à 15h39, mis à jour le 23/06/2022 à 16h28

Le prix du mouton du sacrifice de l'Aïd al-Adha s’annonce plus élevé que lors des années passées au Maroc, en Algérie et en Tunisie. La sécheresse et la hausse des prix des aliments de bétail sont évoquées comme raisons par les éleveurs. Autorités et professionnels essayent de limiter la hausse.

A un peu plus de deux semaines de la fête de l’Aïd al-Adha, tous les regards sont braqués sur le mouton du sacrifice et surtout sur son prix. Au Maghreb, mais pas seulement, c’est l’envolée des prix qui domine. Et il fallait s’y attendre: presque tous les facteurs sont réunis pour une hausse des prix des moutons au niveau de la région. En tête des justifications avancées ça et là par les éleveurs, il y a bien évidemment la cherté des aliments de bétail à cause notamment de la conjonction de deux facteurs fondamentaux: la sécheresse, qui a réduit les pâturages, et la flambée des prix des céréales entrant dans le processus de fabrication des aliments de bétail.

Ainsi, à quelques jours de la fête, si globalement les moutons sont disponibles en quantités suffisantes, leurs prix ont partout pris l’ascenseur, alors que le pouvoir d’achat des populations a pris un rude coup à cause de la flambée des prix, notamment ceux des produits alimentaires et des carburants. Le mouton aura un goût relativement amer cette année.

Au Maroc, l’offre est globalement abondante. Le nombre des animaux de sacrifice est estimé à plus de 7 millions d’ovins et caprins pour une demande estimée à 6 millions de têtes. Du coup, les autorités rassurent sur le niveau des prix en avançant que ceux-ci sont au même niveau que lors de la campagne précédente et resteront abordables pour les Marocains. Toujours selons elles, les moutons sont disponibles pour toutes les bourses, soit à partir de 1.000 dirhams (900 dollars, soit 1 dollar = 10 dirhams).

Toutefois, à l’approche de la fête de l’Aïd al-Adha, tout semble indiquer une hausse relative des prix due notamment à l’augmentation des quantités de fourrage à cause de la sécheresse. Selon plusieurs éleveurs interrogés par Le360, le prix des moutons, toutes races et tous calibres confondus, a augmenté à cause de la sécheresse. «C’est une année très particulière. Le prix des moutons a augmenté de 20%», affirme un éleveur. D’autres estiment que le Sardi, race très prisée pour sa viande savoureuse, se vendra cette année jusqu’à 9.000 dirhams (900 dollars), alors que pour les autres moutons, de qualité moyenne, les prix devront osciller entre 2.000 (200 dollars) et 4.000 dirhams (400 dollars), et ceux de qualité supérieure dépasseront les 5.000 dirhams (500 dollars).

Selon les éleveurs, la hausse se justifie par la forte augmentation du prix du fourrage qui varie de 40 à 50%. Outre la hausse des prix, ils ont aussi été obligés d’acheter d’importantes quantités de fourrage et d’aliments de bétail à cause de la sécheresse qui a réduit fortement les surfaces de pâturage.

En Algérie aussi, les prix des moutons s’annoncent élevés. Et contrairement au Maroc et à la Tunisie, selon la Fédération nationale des éleveurs et de l’élevage (Fnee), si les prix ont flambé à l’approche de la fête, c’est que l’offre n’est pas assez importante par rapport à la demande.

Globalement, les prix des moutons de sacrifice de deux ans varient entre 45.000 (308 dollars,soit 1 dollar = 146 dinars algériens) et 60.000 dinars algériens (411 dollars). Pour les béliers, il faut débourser entre 50.000 dinars (342 dollars) et 110.000 dinars (753 dollars). Dans certaines régions, le prix du mouton a atteint 140.000 dinars (959 dollars). En moyenne, les hausses varient de 5.000 à plus de 10.000 dinars, selon les régions et en fonction des caractéristiques de l’animal. C’est-à-dire que dans certains cas, les hausses peuvent atteindre 30% du prix pratiqué en temps normal. Outre la hausse des prix des aliments de bétail, le transport et les autres charges (main-d’œuvre, soins vétérinaires…) sont avancés pour justifier la forte hausse des prix des moutons.

Selon l’Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa), cette hausse est logique et s'inscrit dans le sillage de la hausse des prix des viandes rouges depuis le mois de ramadan, consécutive à l’augmentation du prix des aliments de bétail dont le quintal est passé de 3.000 dinars à 5.800 dinars, soit presque le double.

En plus de l’impact du coût du fourrage, selon l’Association de protection du consommateur (Apoce), cette flambée des prix des moutons de sacrifice s’explique aussi par le rôle néfaste des intermédiaires qui achètent les moutons auprès des éleveurs à des prix bas et les acheminent vers les grandes villes à des prix élevés afin d'augmenter fortement leurs marges. Le témoignage des éleveurs vient confirmer cet argument. Selon l’un d’entre eux témoignant sur la chaîne Bilad, des moutons achetés entre 25.000 et 35.000 dinars à l’éleveur sont revendus par les intermédiaires à plus de 60.000 dinars.

Du coup, des voix s’élèvent afin que les autorités mettent en place des stratégies pour casser la flambée des prix, telles que la mise en place de points de vente directs où les éleveurs pourront directement s’adresser aux acheteurs sans passer par les intermédiaires. Un procédé qui se traduirait par une baisse des prix grâce à la disparition de la marge de ces derniers. Ainsi, dans certaines régions comme Bouira, les autorités locales ont ouvert une cinquantaine de points de vente afin d’y attirer directement un maximum d’éleveurs de la région et ceux limitrophes.

En Tunisie, les autorités et professionnels ont fixé le prix référentiel de la vente des moutons de sacrifice à 14 dinars (4,60 dollars) pour le kilo vif dans les points de vente relevant de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP). La décision a été prise le mercredi 22 juin par les différentes parties prenantes du secteur de l’élevage ovin dont des représentants du Groupement interprofessionnel des viandes rouges, de l’Office de l’élevage et des pâturages ainsi que de l’UTAP. Ce prix, en hausse de 1 dinar par rapport à celui de l’année dernière, soit une hausse de 7,7%, est jugé approprié pour les éleveurs et les vendeurs de moutons destinés au sacrifice.

Ce prix est un référentiel qui sera appliqué au niveau des points de vente relevant de l’UTAP. Et il dépendra aussi de la race des moutons. Toutefois, de nombreux Tunisiens vont acheter leurs moutons au marché et le prix dépendra beaucoup de l’offre et de la demande au niveau de ce lieu, mais aussi des coûts supportés par les éleveurs. A ce titre, selon les informations recueillies auprès du Syndicat national des agriculteurs (Synagri), le prix du mouton de sacrifice devrait augmenter cette année d’environ 20% par rapport à celui de l’année dernière. 

Selon leurs estimations, le prix des moutons de sacrifice de 7 mois pesant 50 kg devrait varier entre 750 dinars tunisiens (247 dollars) et 800 dinars (267 dollars), alors que celui des animaux de 60 à 70 kg devraient évoluer entre 1.000 dinars (329 dollars) et 1.100 dinars (362 dollars). Pour d’autres sources, la hausse devrait être de 10% seulement grâce notamment au prix fixé par les autorités pour le fourrage.

Cette hausse est justifiée par plusieurs facteurs dont l’augmentation du coût du fourrage dans le sillage de la hausse des cours des céréales, le déficit pluviométrique qui a entrainé une réduction des surfaces de pâturage et les marges des nombreux intermédiaires. Et selon les observateurs, des hausses plus fortes sont à prévoir pendant les 10 derniers jours avant l’Aïd, période considérée comme celle du pic de la hausse des prix des moutons.

Reste qu’avec une hausse significative des prix, il y a un risque que certains éleveurs n’arrivent pas à écouler leurs moutons destinés au sacrifice durant la fête de l’Aïd al-Adha et se retrouvent avec des animaux qu’ils seront obligés de nourrir avec des aliments de bétail de plus en plus chers. 

Par Moussa Diop
Le 23/06/2022 à 15h39, mis à jour le 23/06/2022 à 16h28