Grosse inquiétude sur les campagnes de vaccination contre le Covid-19 en Afrique. L’annonce de l’arrêt des livraisons de vaccins par Serum Institute of India (SII) inquiète les autorités sanitaires africaines. Et il y a de quoi s’inquiéter sachant que le géant indien des vaccins est à date d’aujourd’hui le principal pourvoyeur de vaccins au continent via le mécanisme Covax initié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Alliance mondiale pour les vaccins.
Ainsi, à date d’aujourd’hui, le continent africain a reçu un peu plus de 30 millions de doses de vaccins, essentiellement d’AstraZeneca-Oxford.
La situation va se corser encore plus dans les semaines à venir. En effet, l’indien Serum Institute of India, qui fabrique sous licence le vaccin AstraZeneca-Oxford et qui approvisionne directement certains pays africains (8 millions de doses au Maroc) et indirectement via le mécanisme Covax, a décidé de se concentrer sur les livraisons de vaccins à l’Inde suite à la décision des autorités indiennes de réserver toute la production à la population locale.
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Il faut souligner que l’Inde, le 3e pays du monde le plus affecté par la pandémie du Covid-19, fait face à une nouvelle vague d’infections alors que sa campagne de vaccination tarde à prendre sa vitesse de croisière.
Or, comme l'a souligné John Nkengasong, directeur de l’Africa CDC, qui dépend de l’Union africaine, les vaccins AstraZeneca-Oxford, produits par l’indien, représentent «l’épine dorsale» de la campagne de vaccination menée en Afrique. Du coup, cette situation risque de porter préjudice à la campagne de vaccination menée par les pays africains et retarder le continent de son objectif de vacciner 30% de sa population d’ici la fin 2021.
On compte, à ce jour, un peu plus de 11,82 millions de doses administrées dans toute l’Afrique aux employés des secteurs de la santé, aux personnes âgées et aux personnes souffrant de comorbidités. Si le continent compte encore quelque 18 millions de doses non encore utilisées, plusieurs pays sont proches de la rupture de stock. C’est le cas du Maroc, pays qui a le pus vacciné au niveau du continent.
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Avec 8,5 millions de doses acquises, le royaume a déjà utilisé 8,24 millions de doses. Pour sa campagne de vaccination, il lui reste moins de 260.000 doses à administrer. Une situation qui a poussé les autorités marocaines à ralentir la campagne de vaccination en privilégiant les personnes ayant déjà reçu la première dose.
Le Ghana aussi a déjà utilisé plus de 500.000 sur 600.000 doses reçues. Ce problème se pose aussi pour le Rwanda, le Sénégal et d’autres pays obligés de réserver le restant de leurs doses aux personnes ayant déjà reçu la première dose.
A noter que face au quasi arrêt des livraisons, certains pays ont préféré espacer les délais d’administration entre la première et la seconde dose de vaccin (entre 19 et 21 jours) afin de vacciner plus de personnes.
A noter que d’autres pays, en dépit de la disponibilité de vaccins ont du mal à vacciner rapidement leur population. C’est le cas du Nigeria qui a reçu 4 millions de doses du mécanisme Covax mais qui est encore en retard avec moins d’un million de doses administrées. Idem pour la Côte d’Ivoire qui compte encore moins de 50.000 doses administrées pour plus de 500.000 doses reçus.
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Et en matière de vaccination, le Maroc demeure de loin le pays qui a le plus vacciné au niveau du continent africain, selon les données de Our World In Data avec 8,24 millions de doses administrées dont 3,89 millions de personnes ayant reçu les deux doses des vaccins anti-Covid-19. Loin derrière suivent le Nigeria (818.865 doses administrées), le Ghana (500.000 doses), Rwanda (348.926 doses administrées), Sénégal (302.857 doses administrées), Afrique du Sud (269.102 doses administrées), Kenya (161.771 doses administrées), Malawi (154.801 doses administrées), Egypte (148.987 doses administrées), Seychelles (102.082 doses administrées),…
Au total, en comptant les personnes ayant reçu les deux doses du vaccin, à peine 0,6% de la population africaine a reçu au moins une dose d’un vaccin anti-Covid-19. C’est dire que la vaccination est encore à ses débuts au niveau du continent, en dehors des Seychelles et du Maroc.
Partant, l’inquiétude grandit en Afrique face au retard enregistré dans l’acquisition des vaccins. Cette situation intervient au moment où certains pays africains sont confrontés à une recrudescence de la pandémie du Covid-19. C’est le cas de la Tunisie qui a affiché, la semaine dernière, le plus important rebond en contaminations au Covid-19 dans le monde avec une hausse de 77%, par rapport à la semaine précédente. Idem pour le Kenya où le nombre de cas de contamination comme le nombre de morts augmente de plus de 50% chaque semaine depuis un mois.
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En tout cas, il ne faudra pas trop compter sur l’Inde qui bat ses records de contagion durant ces derniers jours et il urge qu’une solution soit trouvée à ce problème d’approvisionnement du continent en vaccins au moment où de nouveaux variants sont détectés. A ce titre, après le britannique, le brésilien et le nigérian, un nouveau variant a été détecté en Angola chez des personnes venant de la Tanzanie, suscitant de nouvelles inquiétudes.
Toutefois, la vaccination en Afrique pourrait connaître une évolution plus favorable à partir de juin prochain. L’annonce de la livraison de 400 millions de doses par le laboratoire Johnson & Johnson à l’Union africaine au titre de l’année en cours pourrait décanter la situation. La première tranche de cette commande, soit 220 millions de vaccins, sera livrée à partir de juin prochain et le quota alloué à chacun des 54 pays africains a été calculé en fonction de la taille de leur population. A noter que ce vaccin, vendu à 10 dollars l’unité, ne requiert qu’une seule injection.