Cannabis thérapeutique: le Lesotho, le royaume qui a fait du cannabis de «l’or vert»

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Le 13/03/2021 à 13h32, mis à jour le 13/03/2021 à 13h41

Le cannabis médical est devenu l’un des fleurons de l’économie du Lesotho depuis sa légalisation en 2017. Il a permis d'attirer de nombreuses entreprises dont les majors du secteur. Le petit royaume tire son épingle du jeu d’un marché mondial évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Le marché mondial du cannabis thérapeutique attire de plus en plus de pays qui souhaitent tirer profit d’une activité qui croit à hauteur de 20% l’an et dont le volume devrait atteindre environ 60 milliards de dollars à l’horizon 2026. Les pays africains dont certains figurent parmi les producteurs historiques et les plus grands producteurs de cannabis au monde ne comptent pas se faire griller sur ce marché à fort potentiel.

Du coup, de plus en plus de pays du continent sont tentés par la légalisation du cannabis à usage thérapeutique dont le marché a été évalué en 2019 à 16,5 milliards de dollars et qui devrait croître de 23% en moyenne annuelle sur la période 2019-2024 pour atteindre 44,4 milliards de dollars à l’horizon 2024. Plus optimiste, Market Research estime que le marché du cannabis thérapeutique pourrait exploser et atteindre 57 milliards de dollars à cette date. Quant à la revue Health Europa, la taille du marché devrait atteindre 59 milliards de dollars en 2025.

C'est dire qu'il s'agit d'un marché à fort potentiel de croissance qui intéresse aussi les pays africains. 

Et le premier pays africain à passer le Rubicon a été le royaume du Lesotho, un petit pays de 2,2 millions d’habitants totalement enclavé dans le cœur de l’Afrique du Sud, qui a légalisé le cannabis à usage thérapeutique dès 2017. Le Lesotho est un pays où historiquement le cannabis est cultivé depuis le 16e siècle.

Concrètement, la légalisation ne concerne que le cannabis médical. En effet, les plantes de cannabis contiennent principalement trois composés actifs: le Cannabidiol (CBD), le Tétrahydrocannabinol (THC) et le Cannabinol (CBN). Le annabis thérapeutique contient une infime quantité de THC et un nombre plus élevé de CBD.

Au Lesotho, selon la loi, le cannabis thérapeutique ne peut contenir plus de 0,03% de tétrahydrocannabinol (THC), l’agent psychoactif de la plante. Autrement dit, la plante contient presque uniquement du cannabidiol (CBD), substance non psychoactive.

Depuis la légalisation du cannabis, l’économie du pays tourne en plein régime avec d’immenses serres agricoles poussant dans le centre et le nord du pays. Mieux, grâce à un environnement naturel adapté, grâce à la légalisation, le pays attire de plus en plus d’investisseurs étrangers.

En effet, chaque investisseur, local ou étranger, doit débloquer 35.000 dollars pour obtenir une licence d’exploitation renouvelable annuellement. De nombreuses entreprises américaines et canadiennes se sont déjà implantées. Le montant de cette licence écarte les petits producteurs traditionnels locaux de ce marché très lucratif.

Moyennant cette licence, les entreprises sont autorisées à cultiver et fabriquer du cannabis médical et des produits à base d’huile de cannabis. 

Le succès est tel que que les licences ont explosé à cause de la ruée des investisseurs et la corruption est devenue très courante. En effet, face au boom de l’or vert, il fallait passer par des intermédiaires et débloquer entre 1,4 et 1,7 million de dollars pour espérer bénéficier d’une licence.

Il faut dire que face aux perspectives d’un marché très lucratif et en forte croissance, les investisseurs ne reculent pas devant ses frais sûrs d’un retour rapide sur investissement du fait de la qualité du cannabis qui est produit dans ce pays grâce à sa géographie et à son climat. La haute altitude, les terres fertiles du «Royaume du ciel», le surnom du Lesotho, en font un eldorado pour les entreprises étrangères qui investissent dans le cannabis médicinal.

Parmi eux, le canadien Supreme Cannabis, un des leaders du marché du cannabis thérapeutique, a investi 10 millions de dollars dans un site de production doté d’un héliport pour transporter de manière sécurisée la production de Medigrow, une entreprise du Lesotho qui emploie plus de 350 locaux et qui compte se développer et employer tous les habitants du village de Marakabei.

Canopy Growth, un autre acteur majeur du marché a payé, en 2018, plus de 21 millions de dollars pour acquérir une entreprise locale pour développer son activité. De même, Aphria, une entreprise canadienne, a formé une joint-venture avec Verve Dynamics en investissant 3 millions de dollars dans le site de l’entreprise Verve installée en 2017 dans le petit royaume. Ce sont aujourd’hui plusieurs dizaines d’entreprises qui sont implantées dans ce pays totalement enclavé dans l’Afrique du Sud.

Et pour accompagner cette expansion, un laboratoire de dernier cri pour contrôler la qualité de l’huile de cannabis extraite dans les différentes plantations a été installée dans la capitale, Maseru.

Ces entreprises comptent tirer profit du boom de la demande mondiale de l’huile de cannabis médical. Et les partenaires estiment que le Lesotho est bien adapté pour produire de l’huile de cannabis de qualité grâce à son environnement naturel.

Ainsi, Aphria et son partenaire Verve Dynamics comptent y produire plus de 1.000 litres d’huile de CBD par an. Avec un prix de vente évoluant sur la fourchette comprise entre 6.000 et 21.000 dollars le litre, selon la qualité du produit, l’investissement est jugé très rentable.

Les retombées du cannabis médicinal sont importantes pour le petit royaume du Lesotho dont les revenus tirés de cette industrie se positionnent derrière les transferts de la diaspora vivant en Afrique du Sud et l’aide internationale, devant les revenus du diamant. La légalisation du cannabis a permis aussi la création de plusieurs milliers d’emplois dans les fermes créées par les investisseurs étrangers contribuant à l’amélioration du niveau de vie des populations de ce petit pays qui figure parmi les plus pauvres du monde.

Il faut dire que les usages des produits tirés du cannabis thérapeutique sont nombreux. Pas moins de 7 bienfaits sont reconnus pour l’huile de cannabis, selon News Weed. Il est prescrit pour soulager l’anxiété et le stress post-traumatique, le manque d’appétit, le soulagement des douleurs pour les patients atteints de cancer ou des douleurs articulaires ou inflammatoires, les problèmes d’insomnie, l’amélioration de la santé cardiaque, la protection de la peau, le traitement des glaucomes et la réduction de l’intensité des maux de tête et migraines.

Autant de prescriptions qui ont contribué à l’explosion du marché des huiles de CBD (cannabidiol), non psychoactives.

D’où l’intérêt de nombreux pays pour le cannabis thérapeutique. Après les grandes puissances dont le Canada, le Brésil, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, Israël, et dans certains Etats américains comme la Californie et le Colorado, des pays africains se mettent aussi sur les rangs pour tirer leur part de ce pactole que constitue le marché du cannabis thérapeutique.

Ainsi, après le Lesotho, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Rwanda, d’autres pays du continent envisagent de rejoindre le club des pays qui ont légalisé le cannabis thérapeutique. C’est le cas du Maroc, premier producteur mondial du cannabis avec 700 tonnes par an et dont le gouvernement vient d’adopter le projet de loi visant à légaliser le cannabis thérapeutique.

Le gouvernement marocain a adopté le projet de loi sur le cannabis le jeudi 11 mars légalisant la culture légale du cannabis à des fins thérapeutiques. Le royaume du Maroc avait ainsi rejoint la liste de pays africains ayant légalisé le cannabis thérapeutique, c’est-à-dire le cannabis CBD dépourvu de tout agent psychoactif et utilisé par l’industrie pharmaceutique. Le débat est ouvert dans de nombreux autres pays du contient.

Les pays africains qui légalisent le cannabis médical souhaitent avoir leur part du gâteau d’un marché mondial de plus de 150 milliards de dollars et qui pourrait atteindre 272 milliards de dollars en 2028, selon Bloomberg citant Barclays. Le tiers de ce marché devrait revenir au cannabis thérapeutique.

En attendant, le cannabis thérapeutique fait déjà la fortune des pionniers dont Canopy Growth et Aphria, deux entreprises canadiennes qui ont réalisé des chiffres d’affaires respectifs de 438 et 543 millions de dollars en 2020!

Par Moussa Diop
Le 13/03/2021 à 13h32, mis à jour le 13/03/2021 à 13h41