Une importante délégation marocaine à Madrid pour échanger sur l'intégration des migrants

DR

Le 24/11/2021 à 08h29, mis à jour le 24/11/2021 à 08h32

Une forte délégation marocaine séjourne à Madrid du 23 au 26 novembre pour prendre part à des échanges avec plusieurs institutions espagnoles au sujet de la gestion migratoire. Il s’agit de fonctionnaires de l’administration, de professionnels des médias, des représentants d'associations,...

Le coup d’envoi des travaux a démarré mardi 23 novembre avec deux ateliers tenus d’une part au ministère espagnol de l’Inclusion, de la sécurité sociale et des migrations et d’autre part au bureau du procureur en charge des délits de haine. Le premier atelier a été l’occasion d’exposer une longue série de réalisations dans la politique migratoire espagnole, mais également des données qui révèlent la réalité de l’immigration, bien loin des lieux communs.

"Car, la migration, a rappelé Jesus Correa Cortijo, le secrétaire d’Etat aux migrations, est complexe, mais elle joue un rôle important dans nos sociétés modernes. Elle nous unit et nous nous en enrichissons de façon mutuelle". La migration est effectivement plus compliquée qu’elle n’y paraît, comme le montrent les chiffres exposés par Amparo Gonzalez Ferrer, la sous directrice générale d’analyse migratoire à ce même ministère. On découvre par exemple que la migration faite à bord de pateras, souvent présentée avec un effet loupe par la presse, ne représente même pas 10% pour un pays comme l’Espagne. Par exemple, au cours des 20 dernières années, c’est en 2008, que le nombre de personnes arrivées en Espagne par la mer a été le plus important, mais elles n’ont pas dépassé 57.522, d’après les statistiques officielles. Pendant ce temps, les arrivées qualifiées de légales ont régulièrement dépassé la barre des 274.000 migrants, chiffre qui correspond au minimum annuel de la période 2000 à 2020. Le pic a été atteint en 2019 avec 714.000 migrants.

Autre donnée qui met en lumière une réalité insoupçonnée, les Marocains ne représentent même pas 8% des migrants permanents en Espagne. Ainsi, en 2020, sur un peu plus de 7 millions de migrants, l’ensemble des personnes originaires de tous les pays du continent africain, y compris le Maroc, ne dépassaient pas le million. Par contre, ce sont les Sud-américains qui forment le plus gros contingent des personnes nées hors d’Espagne et qui décidé de s’y établir.

Mais quoi qu’il en soit, et quelle que soit leur provenance, les migrants sont d’une extrême utilité à l’économie des pays qui les accueillent, fera remarquer Teresa Udaondo Gascon, directrice générale adjointe de gestion des migrations.

C’est compte tenu du rôle qu’ils jouent que les migrants établis en Espagne font l’objet d’une politique proactive, en prenant en compte certaines considérations préliminaires, notamment les crises, la vulnérabilité, l’importance de la population migrante et de la migration silencieuse.

Ainsi, par exemple, pendant la pandémie du Covid-19, il aura fallu adopter un certain nombre de mesures en faveur de certains migrants qui n’étaient plus capables de renouveler régulièrement leurs titres de séjour. Ceux qui avaient séjourné dans le pays durant trois ans. Pas moins de 160.000 personnes ont bénéficié de régularisation dans ce sens, il en est de même pour 7000 travailleurs saisonniers, la plupart marocains, dans les champs de fraises de Ouelba. 13.000 autres migrants sélectionnés selon plusieurs critères ont bénéficié d’allègement des procédures.

Il s’agit d’autant de mesures qui, certes, rendent la vie moins difficile aux migrants en temps de crise, mais qui étaient nécessaires pour éviter que des pans entiers de l’économie espagnole ne soient plus gravement touchés.

Mais, il ne s’agit pas seulement de faciliter administrativement le séjour aux migrants, encore faut-il faciliter leur intégration, mais aussi respecter leurs droits et surtout lutter contre les délits de discrimination. Car, c’est en période de crise que les étrangers sont le plus victimes de perceptions négatives.

C’est pourquoi il est important de les protéger, notamment par des lois et un dispositif judiciaire efficace. Ainsi, l’Espagne dispose depuis quelques années d’un procureur délégué pour les crimes de haine et de discrimination, rôle incarné par Fernando Rodriguez Rey, l’un des animateurs du deuxième atelier.

Evidemment, un tel magistrat permet de mieux prendre en charge les actes discriminatoires, néanmoins jusqu’à 80% de tels délits ne font l’objet d’aucune poursuite, puisque bien souvent les victimes ne portent pas plainte.

Au cours des trois prochaines journées, les participants pourront partager l’expérience d’autres institutions ou ONG espagnoles, notamment les ministère de l’Intérieur, de la Santé et de la Justice. Ils auront aussi l’occasion d’échanger avec la Police de Fuenlabrada, localité avec une forte densité de migrants située à 25 kilomètres du centre-ville de Madrid.

Il faut noter que cette visite d'étude entre dans le cadre de la mise en oeuvre des activités du projet "Vivre ensemble sans discrimination" financé par l'Union européenne et exécuté par la coopération déléguée à l'Agence espagnole de coopération internationale au développement (AECID) et la Fondation internationale et Ibéro-américaine pour l'administration et les politiques publiques (FIIAPP). Ce projet mène d'ailleurs un important travail dans la commune d'Aït Amira, localité située non loin d'Agadir, dans la région du Souss-Massa-Draa et où vit l'une des plus forte communauté de migrants subsahariens du Maroc. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 24/11/2021 à 08h29, mis à jour le 24/11/2021 à 08h32