Les travaux de la réunion de haut niveau du Comité des Quinze ministre des Finances (F15) de l’Union africaine se sont ouverts ce lundi 13 juin à Rabat, au Maroc. Ils sont placés sous le thème «Au-delà de la pandémie de Covid-19 et du conflit ukrainien : renforcer la résilience des économies africaines et la viabilité financière de l’Union africaine».
Les participants se penchent sur de nombreux sujets d’actualités brulantes dont l’après Covid-19, la crise ukrainienne et le redressement économique, la viabilité financière de l’Union africaine ainsi que les performances du F15.
Toutefois, le cœur des débats a été la problématique de financement de l’Union africaine. Un problème aujourd’hui aggravé par la conjoncture économique qui a plombé les finances publiques des Etats africains. «La crise actuelle, de par son ampleur inégalée et sa durée imprévisible, pourrait remettre en cause la viabilité financière de notre grande famille institutionnelle qu’est l’Union africaine, soit en incitant les partenaires internationaux à réduire les financements accordés à l’Union, soit en réduisant les capacités contributive des Etats membres, confrontés à une pression accrue sur les finances publiques», a souligné Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Economie et des Finances du Maroc.
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Il faut dire que la problématique du financement du budget de l’Union africaine risque de s’aggraver avec la crise, alors qu’elle était déjà aiguë auparavant. En effet, en moyenne, seulement 67% des contributions statutaires des Etats membres de l’Union africaine sont recouvrés tous les ans. Cette situation s’explique par le fait que, bien avant la crise actuelle, environ 30 Etats membres étaient déjà partiellement ou intégralement défaillants tous les ans. Une situation qui crée un écart de financement important entre le budget prévisionnel et le financement réel, entravant l’exécution effective du programme de l’Union africaine.
Et à cause de ces défaillances et retards, l’UA est dépendante des contributions extérieures, notamment de l’Union européenne et de la Chine. Les partenaires étrangers apportant jusqu’à plus de 50% du budget global de l’organisation africaine.
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C’est pour faire face à cette situation qu’une réforme a été lancée en 2016 dont l’un des objectifs est d’assurer une certaine autonomie financière à l’Union africaine. Celle-ci reposant sur un prélèvement de 0,2% de la valeur des biens admissibles importés dans un Etat membre de l’UA à partir d’un Etat non-membre. Cette décision devrait être opérationnelle depuis janvier 2017 pour financer 100% du budget de fonctionnement, 75% du budget programme et 25% du budget des opérations d’appui à la paix de l’Union africaine. Toutefois, le prélèvement de 0,2% a du mal à être implémenté. Ainsi, cinq ans après sa mise en œuvre, seuls 17 pays représentant environ 31% des membres de l’UA, en sont à divers stades de son application. Et si certains pays souhaitent y adhérer, ils sont freinés par leur cadre législatif qui ne permet pas de tels prélèvements.
Ainsi, à l’heure actuel, le budget de l’Union africain, pour sa part venant des contributions des Etats membres, repose essentiellement sur les 5 plus grandes contributeurs: Afrique du Sud, Egypte, Nigéria, Algérie et Maroc.
Une situation qui n’est pas pérenne. D’où la nécessité de repenser le modèle de financement de notre Union si on veut atteindre l’objectif fixé en 2015 à Johannesburg, pour un financement durable, prévisible, équitable et responsable de l’Union africaine.
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Pour sortir de cette dépendance, il faut donc que les Etats africains s’engagent au paiement de leurs contributions statutaires en temps voulu. De même, il faut davantage d’amélioration au niveau de l’exécution du budget, de la gouvernance et de la transparence afin d’atteindre les normes fiduciaires les plus élevées en matière de gestion du budget de l’institution panafricaine.
Au-delà du financement de l’Union africaine, l’impact de la crise ukrainienne sur les économies africaine a été aussi débattu.
«Cette retraite du Comité F15 arrive à point nommé dans un contexte particulièrement difficile pour notre continent, et à l’heure où le monde entier subit de plein fouet les conséquences d’une crise sanitaire sans précédent, doublée d’une crise géopolitique de grande ampleur», a expliqué la ministre marocaine, ajoutant que «depuis 2020 et l’éclatement de la crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19 qui a plongé notre continent dans une récession pour la première fois depuis des décennies, les économies africaines font face à une crise quasi-existentielle, qui remet en question la soutenabilité de nos modèles de croissance, la viabilité de nos finances publiques et l’efficacité de nos systèmes de protection sociale».
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Et comme un malheur n’arrive jamais seul, à la crise du Covid-19 est venue se greffer la crise ukrainienne exacerbant les défis et aggravant les risques sur la sécurité alimentaire et énergétique du continent, réduisant davantage les marges de manœuvre budgétaires et extérieures de pays du continent.
En clair, il est urgent, au-delà du financement du budget, de penser à la dépendance plus globale des économies africaines par rapport au reste du monde. La crise ukrainienne vient de montrer la vulnérabilité d’un continent très dépendant des céréales et des oléagineux des deux pays en conflit. Une situation inadmissible pour un continent qui recèle actuellement 60% des terres arables non encore exploitées. Des débuts de solutions sont avancées par la Banque africaine de développement (BAD) qui vient d’annoncer 1,5 milliard de dollars pour soutenir la production agricole de certaines céréales et les chaînes de valeur afin d’atténuer la dépendance du continent.
La manifestation connaît la participation des ministres des Finances des Etats membres de l’Union africaine constituant le Comité des 15 ministres des Finances, du Commissaire au développement économique, commerce, industrie et exploitation minière de l’Union africaine, des experts des ministères des Finances du Comité, des représentants permanents, ainsi que des représentants de la Commission de l’Union africaine