Les Français sont en train de voter pour élire d'ici quelques heures leur nouveau président. Cette élection est très suivie en Afrique. Françafrique, franc CFA, immigration, sans-papiers, aide au développement, voilà un échantillon des thèmes qui intéressent les Africains lors de cette présidentielle française atypique entre Emmanuel Macron, grand favori à la présidence française, et Marine Le Pen du Front national.
Le fait que l’Afrique n’ait pas eu droit de cité lors de l’unique débat entre les deux candidats à la magistrature suprême française en a douché plus d’un, d'autant que les positions des deux candidats par rapport au continent restent ambigües, surtout en ce qui concerne Emmanuel Macron.
Pourtant, les votes des «Africains» de France vont jouer un rôle crucial dans cette élection. En effet, environ 10% de la population française ont des origines africaines. Raison pour laquelle la candidate du Front national a essayé d’amadouer l’électorat d’origine africaine avec de nouvelles promesses, tout en restant ferme sur les questions de l’immigration et des sans-papiers.
Ainsi, à la lecture des approches et des entretiens accordés par les deux candidats aux médias, on peut avoir une petite idée de ce qui va être la politique africaine du prochain président français.
Emmanuel Macron: la ”rupture” dans la continuité
Pour Emmanuel Macron, la politique africaine risque de se résumer à la formule «rupture dans la continuité». C’est l’un des candidats qui s’est le moins dévoilé durant cette présidentielle par rapport à l’Afrique du fait de positions peu tranchées.
Le candidat du mouvement «En Marche!» préfère le langage diplomatique loin de la franchise des autres candidats sur des questions pourtant cruciales pour une partie du continent. C’est le cas notamment de la question du franc CFA dont l’avenir sera posé durant sa magistrature s’il est élu président. Outre la volonté de certains pays de la zone franc CFA de mettre un terme au dernier lien colonial avec la France, il y a aussi la volonté des pays de la CEDEAO d’aller vers une monnaie unique à l’horizon 2020 qui menace l’avenir du franc CFA.
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Pour Macron, le franc CFA est un «élément de stabilité que nous garantissons». Il ajoute: «la France doit participer à la réflexion sur l’avenir de la zone franc, avec des économistes et des experts africains afin de moderniser certains de ses aspects, sans pour autant remettre en cause ses avantages (intégration, convertibilité, stabilité monétaire, etc.)». En clair, pour lui, il faudrait maintenir cette monnaie coloniale de plus en plus décriée en Afrique.
Au niveau de la Françafrique, il compte apporter sa touche quand il souligne qu’il «serait irresponsable d’apporter une aide financière à des gouvernements qui maltraitent leur peuple». S’il applique cette politique, la France risque de se fâcher avec de nombreux dirigeants africains peu démocrates.
Concernant le volet aide au développement, il prévoit de porter celle-ci à 12 milliards d’euros à l’horizon 2020 dont la moitié ira à l’Afrique. Il prévoit d’augmenter sensiblement l’aide au développement afin de porter celle-ci à hauteur de 0,7% du PIB français entre 2022 et 2030.
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Au-delà du franc CFA et de la Françafrique, Macron souhaite surtout se pencher sur le développement des échanges avec le continent dans le sillage des transformations de l’Afrique. Dans ce cadre, il souligne qu’il ne souhaite pas voir le continent comme « un réservoir de matières premières, une zone d’instabilité, un terre de désolation et de misère», mais tabler sur l’Afrique «d’une jeunesse dynamique, l’apparition d’une génération d’entrepreneurs qui créent de la richesse et des emplois, le développement des marchés intérieurs à fort potentiel».
La lutte contre le terrorisme est aussi une de ses priorités. D’ailleurs, s’il est élu, il compte réunir rapidement le G5 Sahel et souhaite impliquer d’autres pays dans cette lutte, notamment l’Algérie.
Reste qu’Emmanuel Macron demeure pour le moment très insaisissable.
Marine Le Pen: la rupture avec la Françafrique et le franc CFA
L’Afrique craint l’arrivée d’un parti d'extrême droite en France. L’effet Trump avec les expulsions et la baisse des aides ne sont pas à exclure au cas où le Front national arriverait au pouvoir.
Toutefois, le Front national ne semble plus faire trop peur en Afrique. D’ailleurs, lors de sa campagne, Marine Le Pen a été reçue par le président tchadien Idriss Déby Itno, qui partage avec elle la volonté de mettre fin au franc CFA.
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Il faut dire que son discours plait de plus en plus aux afro-nationalistes, notamment en ce qui concerne l’avenir du franc CFA. Pour Marine Le Pen le franc CFA est «drame pour les économies africaines». En conséquence, elle compte mettre fin à cette monnaie coloniale, contrairement à Emmanuel Macron.
Par ailleurs, sur la Françafrique, Marine Le Pen compte tisser de nouvelles relations avec le continent loin de ce qu'elle qualifie de «réseaux de corruption criminels et néocolonialistes», parlant à ce propos de «bilan désastreux de la françafrique» .
Toutefois, la candidate de l’extrême droite fait encore peur à la majorité des Africains et des dirigeants du continent sur certains thèmes. C’est le cas notamment de l’immigration pour laquelle elle a clairement souligné sa volonté de «privilégier et faciliter les programmes de retour et de réinstallation des immigrés dans leurs pays d’origine».
Reste qu’en contrepartie, Marine Le Pen compte soutenir le développement de l’Afrique. «Les Etats africains sont abandonnés, l’aide au développement a drastiquement diminué. Je m’engage à consacrer, avant 2022, 0,7% de la richesse française à la coopération avec l’Afrique», a-t-elle affirmé.
Ce montant correspond à environ 15 milliards d’euros. Un engagement largement supérieur à celui de Macron qui ne compte réserver que 6 milliards d’euros au continent à l’horizon 2022, sachant qu’actuellement seulement 400 millions d’euros sont réellement octroyés à l’Afrique. Cet engagement a été fait devant un parterre d’Africains et de Français d’origine africaine entre les deux tours de la présidentielle française. Marine Le Pen a ajouté: « nous veillerons à sa bonne utilisation».
Même si Macron est favori, l’abstention forte des militants de gauche et de nombreux Français qui ne croient à aucun des deux candidats, pourrait réserver quelques surprises, au moins au niveau des résultats qui pourraient être plus serrés que l'on ne l'imagine.