La capitale sénégalaise va abriter, du 28 au 30 novembre courant, le Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA). Une importante manifestation qui réunira les 55 pays membres de la FCSA -54 pays africains et la Chine- avec la présence de quelque 500 invités dont des chefs d’Etat, de gouvernement, des ministres, des décideurs économiques, des hommes d’affaires et de nombreuses autres personnalités.
Ce forum vise à «approfondir le partenariat sino-africain et promouvoir le développement durable pour bâtir une communauté d’avenir partagé entre la Chine et l’Afrique, dans la nouvelle ère», selon les organisateurs.
Et dans cette optique, quatre documents seront signés à Dakar: le "Plan d’action pour 2022-2024", la "Vision 2035 de la coopération sino-africaine", la "Déclaration sino-africaine sur la coopération et le changement climatique" et la "Déclaration finale". Ainsi, de grandes annonces pour les 3 prochaines années sont attendues des dirigeants chinois.
Lire aussi : Forum Chine-Afrique: Xi Jinping promet 60 milliards de dollars au continent
Vu l’importance des sujets qui seront abordés et surtout du poids économique grandissant de la Chine, devenu depuis quelques années le premier partenaire commercial, le premier investisseur et le premier prêteur de l’Afrique, il est certain que les délégations africaines se bousculeront dans la capitale sénégalaise, en dépit de la résurgence de la pandémie de Covid-19 dans de nombreuses régions et surtout de l’apparition d’un nouveau variant sud-africain.
Il faut dire que malgré la pandémie, les relations économiques entre la Chine et l’Afrique sont restées robustes. Ainsi, sur la période janvier-septembre 2021, le commerce entre les deux régions a atteint un niveau record, selon le vice-ministre chinois du Commerce, Qian Keming. Comparativement à la même période de l’année précédente, les échanges commerciaux ont augmenté de 38,2% pour afficher 185,2 milliards de dollars, un niveau jamais atteint auparavant pour une période de 9 mois. Ainsi, pour la 12e année consécutive, la Chine reste le premier partenaire commercial du continent.
Du côté des investissements directs de la Chine en Afrique, ils ont atteint 2,6 milliards de dollars sur la période, en hausse de 9,9%.
Lire aussi : Afrique: l’Union européenne souhaite contrer la Chine avec une ”Nouvelle alliance”, mais...
Parallèlement, les entreprises chinoises ont continué à gagner des parts de marché. Ainsi, durant les 9 premiers mois de l’année en cours, les entreprises chinoises ont signé 53,5 milliards de dollars de nouveaux contrats en Afrique. Un montant en hausse de 22,2%, et ont réalisé un chiffre d’affaires de 26,9 milliards de dollars, en hausse de 11,6%.
Si ces chiffres sont avancés par le vice-ministre chinois du Commerce pour justifier la confiance des entreprises chinoises pour le développement futur de l’Afrique et donnent une idée sur la dynamique des échanges entre la Chine et l’Afrique, il n’en demeure pas moins que ces relations sont aussi critiquées du fait que les relations commerciales sino-africaine souffrent d’un déséquilibre profond au profit de la Chine. Un déséquilibre qui s’explique essentiellement par la nature des échanges.
Lire aussi : La Chine jette son dévolu sur l'Ethiopie, 8 milliards de dollars d'investissements prévus
En effet, si les chiffres avancés par Qian Keming montrent que sur le long terme les relations commerciales sont relativement équilibrées, en valeur, avec 1.200 milliards de dollars de marchandises importées par la Chine d’Afrique et 1.270 milliards en produits exportés vers le continent africain, le déséquilibre se trouve au niveau de la nature des échanges. La Chine importe des matières premières à bas coût et exporte globalement des produits manufacturés avec une forte valeur ajoutée. Cet échange qui constitue le prolongement de la période post-coloniale ne profite nullement au développement de l’Afrique.
En effet, globalement, la Chine importe d’Afrique les matières premières nécessaires à ses industries et exporte ses produits finis sur le continent. Or, si ce modèle, qui tend à faire de l’Afrique le pourvoyeur de matières premières de la Chine, n’évolue pas, l’Afrique ne bénéficiera point des échanges et ne se développera pas. C’est ce modèle qui a déjà prévalu au lendemain des indépendances avec les anciennes puissances coloniales (France, Royaume-Uni, Espagne…) et qui s’accentue aujourd'hui avec la Chine, devenu en quelques années la seconde puissance économique mondiale, très gourmande en matière premières africaines.
Lire aussi : Terres rares: l'Afrique du Sud veut jouer sa partition dans la guerre commerciale Etats-Unis-Chine
Outre le cantonnement de l’Afrique à un rôle de pourvoyeur de matières premières (cobalt, fer, platine…) sans aucune valeur ajoutée, la présence des entreprises chinoises en Afrique suscite de plus en plus de réactions hostiles pour plusieurs raisons dont les surfacturations des contrats, l’importation de main d’œuvre chinoise au détriment de la main d’œuvre locale, l'exploitation de la population locale dans les mines dans de nombreux pays et surtout l’acquisition de permis miniers dans des conditions opaques.
A ce titre, la RD Congo, pays d’Afrique centrale, regorgeant de matières premières, notamment minières, illustre la nature des relations entre les entreprises chinoises et l’Afrique. Elles ont mis la main sur de nombreuses mines sous l’ancien régime de l’ex-président Kabila, notamment de cobalt qui entre dans le processus de fabrication des batteries de véhicules électriques, dont la Chine est leader mondial.
Lire aussi : La Chine accepte de restructurer la dette congolaise
En conséquence, dans le cadre de la nouvelle politique impulsée par le nouveau président congolais, il est question de revoir tous ces contrats léonins qui ne profitent nullement à la RDC et qui ne contribuent pas à l’industrialisation du pays.
Par ailleurs, en accordant des prêts sans conditions draconiennes, comme le FMI et ou certains pays occidentaux, la Chine a ouvert les robinets à de nombreux pays africains qui se sont endettés sans modération aucune, et qui se sont retrouvés aujourd’hui en situation de surendettement vis-à-vis de la Chine.
Ainsi, l’Afrique traîne-t-elle une dette colossale vis-à-vis de la Chine qui ne rechigne point à financer des infrastructures (autoroutes, ports, chemins de fer, aéroports, centrales électriques, barrages…) et parfois des investissements colossaux sans grande utilité, comme la nouvelle ville de Kilamba en Angola, construite par la China International Trust and Investment Corporation (CITIC), propriété de l’Etat chinois, pour un montant de plus de 3,5 milliards de dollars. L’essentiel est que les constructions et l’exploitation des infrastructures reviennent aux entreprises chinoises. Et pour obtenir ces prêts, certains pays africains sont allés jusqu’à hypothéquer leurs matières premières (minerai, pétrole…) avant de se retrouver délester de leurs ressources au profit de leur créancier.
Lire aussi : Blinken assure qu'entre la Chine et les Etats-Unis, les Africains "n'ont pas à choisir"
Devant ces faces cachées des relations économiques entre la Chine et l’Afrique, les Africains souhaitent un peu plus de rééquilibrage au moment où plusieurs pays du continent souhaitent s’engager dans des programmes de transformation locale de leurs matières premières.
En clair, si depuis le lancement du FCSA en 2000, soit 21 ans, les échanges commerciaux et les investissements entre la Chine et l’Afrique ont été multipliés respectivement par 20 et 100, les pays africains aspirent désormais à plus de la part de ce partenaire. Les transferts de technologie et la transformation des matières premières en Afrique figurent parmi les données qui peuvent faire évoluer les relations sino-africaines vers un partenariat gagnant-gagnant, tout en contribuant au développement de l’Afrique. A ce titre, elle peut stimuler la coopération avec le continent dans le domaine des énergies vertes en procédant à des transferts de technologies pour l'aider à s’adapter au changement climatique.
Malheureusement, les dirigeants africains viennent surtout pour obtenir des financements de projets d’infrastructures, reléguant le développement et la transformation de leurs économies au second plan.
Les relations sino-africaines sont à repenser… Mais est-ce que ce sera avec cette génération de dirigeants africains?