Tourisme: la reprise s’amorce en Afrique du nord, mais reste fragile

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Le 04/06/2017 à 16h55, mis à jour le 04/06/2017 à 17h03

Les pays d’Afrique du nord affichent de bonnes performances touristiques. Les dépréciations des monnaies, les suppressions de visas pour les Chinois et les promotions constituent les principaux ingrédients de cette reprise. Toutefois, celle-ci demeure fragile.

Le secteur touristique joue un rôle stratégique dans les trois pays figurant parmi les leaders africains du tourisme: Egypte, Maroc et Tunisie. Lourdement touché par le «Printemps arabe» et plus particulièrement par l’insécurité en Egypte et en Tunisie, le secteur renoue petit à petit avec la croissance. Il s’agit pour ces deux pays d’un effet de rattrapage. Reste que la reprise demeure globalement fragile.

Tunisie: vive le tourisme régional

Le secteur touristique tunisien renaît peu à peu suite à la révolution des Jasmins et surtout après deux années de disette à la suite des attentats du Bardo et de Sousse en 2015 qui ont entraîné la mort de 59 touristes.

Les chiffres livrés par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) en attestent. Entre le 1er et le 20 mai dernier, le nombre d’arrivée de touristes a progressé de 37% à 1,91 million de touristes, par rapport à la même période de l’année dernière.

Toutefois, si le secteur tunisien affiche de très bonnes performances, c’est surtout grâce à la dynamique d’un tourisme régional. Les arrivées de touristes algériens et libyens ont progressé de respectivement 68% à 628 350 et 37,2% à 498 987 touristes. Les Maghrébins représentent ainsi 60,2% des arrivées de touristes.

Les prémisses d’une reprise du tourisme européen et notamment français, belge et allemand, se confirment avec des arrivées en hausse de respectivement 45,1% à 153 050, 77,2% à 66.618 et 24% à 37.909 touristes. Globalement, les arrivées de touristes européens sont en hausse de 31,1%. Le nombre de visiteurs chinois a augmenté de 417% à 7.000 touristes.

Plusieurs facteurs contribuent à ces performances. Il y a d’abord, la baisse des attentats terroristes et les mesures mises en place par les autorités pour sécuriser les sites touristiques. Ensuite, il y a l’impact de la dépréciation du dinar tunisien face à l’euro qui dope la fréquentation européenne. L’effet de change rend la destination tunisienne plus compétitive.

En outre la suppression du visa pour les Chinois séjournant moins de 90 jours et l’adoption de la monnaie chinoise dans le panier de réserve en devises et donc comme monnaie convertible encouragent les arrivées de touristes en provenance de la Chine.

Egypte: une reprise plombée par les attentats

Au terme des 3 premiers mois de l’année en cours, l’Egypte a enregistré environ 1,7 million de touristes, contre environ 1,2 million de touristes durant la même période l'an dernier, soit une hausse de 41,67%. Le pays a en outre enregistré 1,6 milliard de dollars de recettes durant la période.

Ce sont les Allemands qui arrivent en premier sur la liste des touristes avec 227 000 visiteurs, soit une augmentation de 35% par rapport à la même période l'an dernier. Suivent les Ukrainiens devant les touristes britanniques. On note aussi une forte hausse des arrivées de touristes chinois et japonais.

Cette embellie touristique s’explique certes par l’amélioration des conditions de sécurité, notamment au niveau des sites touristiques, mais aussi et surtout, par la dépréciation de la livre égyptienne suite à la «dévaluation» préconisée par le FMI. La monnaie égyptienne a perdu la moitié de sa valeur face au dollar et à l’euro, ce qui rend la destination très compétitive par rapport à des pays concurrents.

Pour relancer son tourisme, l’Egypte compte sur les antiquités qui continuent à attirer du monde vers le pays des pharaons. De même, des campagnes pour la promotion de la destination grâce à des célébrités sont organisées pour attirer davantage de touristes.

La première destination touristique du continent avant le Printemps arabe table sur un objectif de 10 millions de touristes en 2017.

Toutefois, cette politique est contrariée par les risques d’attentats terroristes sur l'ensemble du pays, y compris au niveau des sites touristiques. Les derniers attentats et la déclaration d’état d’urgence pourraient freiner cette reprise. Les Britanniques et les Russes qui constituent le gros bataillon du tourisme balnéaire à Charm el-Cheikh ne sont pas encore de retour.

Rappelons qu’en 2010, une année avant le Printemps arabe, 14,7 millions de touristes avaient visité le pays, générant 11 milliards de dollars de recettes. Suite aux attentats, la fréquentation avait chuté à 5,3 millions de touristes pour 3,4 milliards de dollars de recettes en 2016

Maroc: reprise tirée par les pays émergents

Le Maroc n’a pas été touché par le Printemps arabe, mais les dommages collatéraux de cette révolution se sont traduits par les amalgames faits par les touristes et les tours opérateurs européens sur tous les pays de la région. Du coup, bien que le royaume soit devenu la première destination touristique du continent, il a du mal à dépasser la barre des 10 millions de touristes.

La destination Maroc a affiché une certaine résilience sans pour autant attirer davantage de visiteurs.

Toutefois, 2017 pourrait marquer une nouvelle étape dans la reprise du tourisme au Maroc. Au terme des trois premiers mois de l’année en cours, les arrivées de touristes ont progressé de 7%. Le nombre des touristes étrangers a progressé de 11,7%, alors que les arrivées des Marocains résidant à l'étranger (MRE) ont augmenté de 2,7%, selon l’Observatoire du tourisme. Ce sont pas moins de 2,1 millions de touristes qui ont visité le royaume durant les 3 premiers mois de l’année, ce qui fait du Maroc la première destination de la région.

Les principaux marchés traditionnels ont enregistré des progressions modérées : 7% pour la France et l'Allemagne, 5% pour le Royaume-Uni et la Hollande, 4% pour l’Espagne, 3% pour la Belgique, etc. Toutefois, des meilleures performances ont été enregistrées chez les nouveaux pays émetteurs: Russie (79%), Corée du Sud (63%), Japon (62%), Etats-Unis (31%) et Brésil (28%).

Parallèlement les nuitées ont fortement progressé de 16,3% à 4,6 millions au niveau des établissements hôteliers touristiques classés, améliorant le taux d’occupation de 4 points à 39%. C’est dire que les touristes restent plus longtemps.

Avec ces performances, on note que la croissance a été surtout portée par les nouveaux pays émetteurs, notamment les pays émergents. A ce titre, il faut souligner la forte progression des arrivées de touristes chinois (+784%), russes (+79%) et sud-coréens (+63%). Outre les politiques de promotion de la destination, la suppression de visas pour les touristes chinois a beaucoup joué dans la progression des arrivées.

Par Moussa Diop
Le 04/06/2017 à 16h55, mis à jour le 04/06/2017 à 17h03