Tourisme: le Maroc toujours sur le toit de l’Afrique, mais à l'Est, le Sphinx guette

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Le 09/02/2020 à 14h35, mis à jour le 09/02/2020 à 15h41

Avec 13 millions de touristes accueillis en 2019, le Maroc maintient sa position de première destination touristique du continent africain. Le Royaume est toutefois désormais talonné de très près par l’Egypte, qui compte retrouver dès cette année 2020 son rang perdu voici une décennie. Décryptage.

Selon l’onusienne Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), dans le monde, secteur touristique a enregistré 1,5 milliard d’arrivées de touristes internationaux en 2019, un nombre en hausse de 4% par rapport à l'année précédente.

Le continent africain (hormi l'Egypte classée dans une zone incluant les pays du Moyen-Orient) a quant à lui a enregistré 71,2 millions d'arrivées de touristes durant l’année écoulée, des chiffres encore provisoires mais d'ores et déjà annoncés par l’OMT, qui précise en outre que 26,3 millions de ces touristes se sont rendus en Afrique du Nord et 45 millions dans le reste de l'Afrique.

En tenant compte de l’Egypte, les arrivées touristiques du continent s’établissent, en fait, à 84,2 millions de touristes, en hausse de 7,5% par rapport aux arrivées de 2018. L'Egypte affiche l’une des plus fortes progressions du continent, avec une hausse de 14,5% de ses arrivées de touristes.

L’Afrique du Nord a ainsi vu le nombre de ses arrivées touristiques croître de 9%, alors que le reste de l'Afrique a enregistré un ralentissement (de l'ordre de +1,5%), notamment à cause de la baisse des arrivées de touristes en Afrique du Sud.

Voici le classement des 4 premières destinations touristiques africaines en 2019, à partir des données compilées de diverses sources. 

Au premier rang, le Maroc: un leader qui doit consolider ses acquis

Le Maroc arrive donc en tête, en termes de touristes accueillis dans le continent africain en 2019, avec un nouveau record d’environ 13 millions d’arrivées, en hausse de 5,2% par rapport à 2018. Une performance notable, compte tenu du retour sur le marché international de pays concurrents sur le bassin méditerranée, tout particulièrement l’Egypte et la Tunisie.

Cette hausse est aussi bien le fait des touristes étrangers (+5,2%) que des Marocains résidant à l’étranger (+5,0%).

Les Français, avec 2 millions de visiteurs (+6%) sont de loin les premiers touristes à visiter le royaume. Ils sont suivis par les Espagnols dont le nombre a augmenté de +6% en 2019, comparativement à l’année précédente.

Toutefois, les meilleures progressions parmi les grands émetteurs sont à mettre à l’actif des Italiens (+9%), des Anglais (+8%), et des Belges (+7%).

Les nuitées enregistrées dans les établissements d’hébergement ont augmenté de 5% pour atteindre 25,2 millions de nuitées. Les deux pôles touristiques du royaume que sont Marrakech et Agadir ont engrangé 57% des nuitées totales enregistrées en 2019.

En termes de recettes, le Maroc a engrangé 78,6 milliards de dirhams en 2019, soit environ 7,7 milliards de dollars, un niveau en hausse de 7,7% par rapport à l’exercice précédent, ce qui devrait le positionner au second rang sur le continent, devant l’Afrique du Sud.

Le royaume est depuis quelques années la locomotive du tourisme africain, grâce à sa stabilité politique, sa proximité géographique avec le marché européen, une offre de produits touristiques diversifiée, ainsi qu'aux effets positifs de l'ouverture de son ciel à la libre-concurrence des compagnies aériennes. Toutefois, maintenir cette position sera rude, en cette année 2020, face à l’Egypte qui ambitionne d’attirer 15 millions de visiteurs.

Pour y faire face, le secteur touristique, qui a navigué à vue au cours de ces dernières années, s’est doté d’une nouvelle feuille de route que la Confédération nationale du tourisme (CNT) a présentée la semaine dernière. Portée par le privé, cette nouvelle stratégie vise à favoriser un développement inclusif de l’industrie touristique et d'améliorer sa compétitivité.

Le Maroc doit également renforcer ses liaisons aériennes avec les pays émetteurs, et investir davantage dans la promotion de la destination pour doper davantage cette industrie, qui pèse pour 7% du PIB du royaume, emploie plus de 750.000 personnes et représente 29% des exportations marocaines de services.

En second, l'Egypte: 2020, l'année de la reconquête de son leadership africain

Avec près de 13 millions de visiteurs enregistrés en 2019, l’Egypte revient de loin. Elle se retrouve désormais au coude-à-coude avec le Maroc et tente de reprendre son rang de leader du tourisme africain, et ce, dès cette année en cours. 

C’est l’Allemagne qui est grande partie à l’origine de cette hausse, avec 2,5 millions de touristes en 2019, contre seulement 707.000 visiteurs enregistrés en 2018, soit une hausse de 253,6%.

La reprise du tourisme égyptien s’explique par une conjonction de facteurs: le retour de la stabilité politique, une baisse des attaques terroristes, le retour des compagnies russes et anglaises qui avaient suspendu leurs vols après l’attentats contre un avion russe en 2015, les promotions de la destination proposées aux pays émetteurs, ainsi que, bien entendu, une offre de produits touristiques diversifiée, à la fois culturelle et balnéaire. 

Concernant ses recettes, l’Egypte est de loin le pays le plus nanti du continent, et a pu engranger 12,5 milliards de dollars de recettes touristiques en 2019, contre 11,6 milliards en 2018, soit une hausse d’environ 8%.

En cette année 2020, l’Egypte devrait accueillir 15 millions de touristes, selon les prévisions de l'OMT, et dépasser son niveau d’avant 2011, période dite du Printemps arabe, dépassant ainsi son niveau record enregistré en 2010, avec 14,7 millions de touristes.

Pour y arriver, le pays compte sur de nouveaux marchés émetteurs, dont l'Inde, l'Ukraine, la Chine, la Pologne ou encore le Japon, et surtout sur l’inauguration, cette année, du Grand Musée Egyptien.

Situé près des pyramides de Gizeh, cette structure muséale, édifiée sur près de 22.000 mètres carrés, proposera de contempler près de 130.000 trésors archéologiques, ce qui ne manquera pas d'attirer ou de faire revenir de nombreux touristes.

En effet, le tourisme, qui représente pour 13% du PIB égyptien, avait été fortement ébranlé par le soulèvement populaire de 2011, et ensuite aggravé par une série d’attaques terroristes, dont la destruction d’un avion de ligne russe dans le désert du Sinaï en 2015, un évènement qui avait fait chuter les arrivées touristiques du pays à hauteur de 5 millions de touristes seulement. 

En troisième lieu, la Tunisie: le tourisme de masse, faible générateur de devises

Avec 9,36 millions de touristes accueillis en 2019, la Tunisie, à l’instar du Maroc, a atteint un niveau record d’arrivées de touristes. Un niveau qui dépasse largement celui de 2010, avant le Printemps arabe.

Ce niveau record est particulièrement le fait des Maghrébins. Avec 4,93 millions de touristes en 2019, en hausse de 15,5% par rapport à 2018, les Maghrébins représentent en effet 52,6% des arrivées de touristes en Tunisie.

Ce sont les voisins Algériens, avec environ 3 millions de visiteurs, qui sont à l'origine de ce niveau record d’arrivées de touristes en Tunisie, et ce, grâce à leur proximité géographique, à une offre touristique attractive, ainsi qu'à cause de l’absence de produits et de services touristiques adéquats et de qualité en Algérie.

Les Européens arrivent en seconde position, avec 2,79 millions de touristes, en hausse de 15,9%, et se placent devant les Tunisiens résidents à l’étrangers, avec 1,44 millions de visiteurs (+4,8%).

Les arrivées de touristes en Tunisie ont généré 29,08 millions de nuitées dans les établissements hôteliers, un niveau en hausse de 11,2%.

Toutefois, concernant les recettes touristiques, la Tunisie reste encore à la traîne. Ayant mis l’accent sur le tourisme de masse, les recettes touristiques du pays, bien qu’en nette progression, demeurent encore négligeables.

En 2019, celles-ci se sont établies à 1,9 milliard de dollars, contre 1,71 milliards en 2018, soit une hausse de 11,11%. En monnaie locale, elles se sont établies à 5,4 milliards de dinars tunisiens.

A la quatrième place, l'Afrique du Sud: des arrivées en baisse, à cause des violences et de l’insécurité

Le ralentissement des arrivées de touristes en Afrique, hors Afrique du Nord, est surtout le fait de l’Afrique du Sud, l’un des poids lourds du tourisme africain.

Le pays a vu le nombre de ses arrivées touristiques à ses frontières reculer pour s'établir à 9,25 millions de touristes, contre 10,47 millions en 2018, soit une baisse de 11,65%.

Cette forte baisse s'expliquée par les violences qui se sont produites dans le pays au cours de l’année 2019, et qui avaient pour cible les ressortissants de pays africains vivant dans le pays, tout particulièrement ceux issus du Nigeria et de la République Démocratique du Congo. Or, le tourisme sud-africain est avant tout intra-africain.

En effet, sur les 9,25 millions d’arrivées enregistrées en 2019, 6,6 millions sont des ressortissants de pays africains, et ils représentent 71,25% des arrivées enregistrées l’année dernière.

Ce sont les Zimbabwéens qui arrivent en tête avec 2,04 millions de touristes, devant ceux de Lesotho (1,34 million) ou encore du Mozambique (0,68 million),… Quant aux Européens qui ont visité le pays, ils se chiffrent à 1,4 million, loin devant ceux des Amériques (0,5 million).

Et de fait, la nation arc-en-ciel a perdu son troisième rang africain, au bénéfice de la Tunisie, qui a accueilli 9,5 millions de touristes en 2019.

L'Afrique du Sud, qui ambitionne d’atteindre 21 millions de touristes à l’horizon 2030, devra donc s'atteler à combattre la violence et l’insécurité, ainsi que combler ses nombreux déficits infrastructurels, dont les raccordements à l'électricité et à l'eau, qui font encore défaut dans le pays.

Par Moussa Diop
Le 09/02/2020 à 14h35, mis à jour le 09/02/2020 à 15h41