Afrique subsaharienne: les raisons d’une décélération inquiétante de la croissance en 2016

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Le 14/01/2017 à 13h21, mis à jour le 14/01/2017 à 13h26

2016 a été une année de faible croissance au niveau du continent africain. En Afrique subsaharienne, la croissance a été de seulement 1,5%, selon les premières estimations de la Banque mondiale, soit la plus faible des 20 dernières années. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.

2016 a été la pire année en termes de croissance au niveau de l’Afrique subsaharienne depuis deux décennies. Cette région du continent, la plus dynamique du reste du continent au cour de ces dernières années, devrait afficher une croissance de l’ordre de 1,5%, selon les prévisions de la Banque Mondiale. Une croissance inférieure même au niveau de l’évolution démographique de cette région. Du coup, le PIB par habitant de l’Afrique subsaharienne a même baissé de 1,1%. 

Cette évolution est en déphasage avec les prévisions des analystes et des institutions financières (FMI) et de développement (Banque mondiale) qui tablaient, une année auparavant, sur une une croissance, moins vigoureuse certes, des économies de cette région.

Que s’est-il passé alors pour que le ressort de croissance du continent se casse aussi brusquement. Plusieurs facteurs expliquent cette forte décélération de la croissance du continent.

Afrique Subsaharienne: une croissance plombée par la faiblesse des prix des matières premières

D’abord, il faut souligner que l’Afrique du Sud, la superpuissance économique de la région a beaucoup pesé sur le ralentissement de la région africaine. En effet, la première économie du continent n’a enregistré qu’une croissance molle de 0,4% en 2016, contre 1,3% en 2015 et 1,6% en 2014. En plus de la faiblesse des prix des produits de base, l’économie sud-africaine est minée par des problèmes de gouvernance avec les multiples scandales de corruption qui secouent le sommet de l’Etat, les problèmes du déficit énergétique qui affecte l'industrie, le niveau du chômage qui freine la consommation intérieure, etc.

Outre l’Afrique du Sud, les pays pétroliers du continent ont subi de plein fouet la chute des cours du baril de pétrole en 2016. Parmi les plus affectés figurent le Nigeria et l’Angola, les deux premiers producteurs de pétrole de la région. Au Nigeria, seconde puissance économique du continent, la chute des cours du baril de pétrole et l’insécurité due à Boko Haram et aux rebelles du Delta du Niger ont lourdement affecté une économie fortement dépendante des exportations de l’or noir. La chute des recettes en devises a entrainé une crise financière poussant l’Etat à dévaluer la naira nigériane. Au final, l’économie nigériane a enregistré une récession avec un PIB en recul de -1,7%, contre une croissance de 2,7% en 2015. Pour sa part, l’Angola qui a ravi au Nigeria sa position de premier producteur de pétrole africain n’a enregistré qu’une croissance de l’ordre de 0,4% en 2016 contre 3% une année auparavant. D’autres producteurs de pétrole subsahariens sont en récession. C’est le cas de la Guinée Equatoriale (-5,7%) et du Tchad (-3,5%). Des pays qui n’on pas su gérer la manne pétrolière lorsque le cours du baril de pétrole était au sommet.

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D’autres pays riches en ressources minières ont aussi subi le coup de la baisse des cours des matières premières avec des impacts sur la croissance de leur PIB. C’est le cas particulièrement de la République démocratique du Congo (RDC) dont la croissance a chuté à 2,7%, contre 6,9% en 2015 et 9,5% en 2014.

A ces facteurs, il faut aussi ajouter l’insécurité dans de nombreuses régions, notamment le Sahel, le déficit démocratique qui entraine des troubles dans de nombreux pays (Burundi, RD Congo, etc.), la faiblesse des infrastructures (routes, ports, énergie, etc.) qui freinent le développement et les échanges intra-africains, etc. Autant de facteurs qui font que les économies africaines demeurent encore fragiles.

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Si la croissance de l’Afrique subsaharienne a été maintenue à 1,5% en 2016, c’est surtout grâce à un certain nombre de pays qui continuent à afficher des niveaux de croissance élevés. C’est le cas notamment de l’Ethiopie (+8,4%), de la Côte d’Ivoire (+7,8%), de la Tanzanie (+6,9%), du Sénégal (+6,6%), du Rwanda (6,0%), etc. Des économies non pétrolières et qui ne disposent pas de ressources minières importantes. Basées sur l’agriculture, ces économies, relativement plus diversifiés, sont surtout tirées par les investissements dans les infrastructures de base. Ces pays dont les éconimies reposebnt surtout sur l'agriculture, investissent énormément dans les infrastructures de base (routes, autoroutes, ports, chemin de fer, barrage hydroélectriques et centrales électriques, etc.) nécessaires à leur décolage économique dans le cadre de plans de développement pluriannuels.

En clair, c’est le modèle de développement dans lequel s’est enfermé le continent qui est à revoir. Presque bientôt 60 ans après les indépendances, l’Afrique continue à vivre dans un modèle qui fait toujours de lui un fournisseur de matières premières (pétrole, ressources minérales, etc.) et agricole (cacao, café, coton, etc.) et importateurs de produits à valeur ajoutée (demi-produits et produits finis). 

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Conséquence, à chaque fois que les prix des produits de base chutent, l’Afrique tourne en ralenti avec la clé une hausse du taux de chômage et une augmentation du niveau de la précarité.

Du côté des perspectives, ce n’est pas encore la reprise tant souhaitée. L’Afrique subsaharienne ne devrait pas retrouver son niveau de croissance des années passées. Selon les prévisions de l’institution, la croissance de la région ne devrait enregistrer qu’une légère amélioration avec une croissance de 2,9% en 2017, un niveau légèrement supérieur à celui de la croissance de l’économie mondiale qui devrait s’établir à 2,7%. Le continent sera handicapé par la baisse des prix des produits de base. Une raison qui devrait davantage pousser les Etats à s’industrialiser davantage en développant les industries de transformations. Une nécessité pour briser le cercle vicieux de la dépendance des matières premières.

Par Moussa Diop
Le 14/01/2017 à 13h21, mis à jour le 14/01/2017 à 13h26