Sénégal: validation de l'accord de partage du gaz avec la Mauritanie sur fond de polémique

Le 03/06/2018 à 14h25, mis à jour le 03/06/2018 à 14h27

L'Assemblée nationale du Sénégal a approuvé la loi autorisant le président de la République à ratifier l'accord sur le partage du gaz transfrontalier signé à Nouakchott, le 9 février dernier, entre les gouvernements de Mauritanie et du Sénégal. Néanmoins, des voix s'élèvent. Explications.

L’accord sur le partage du gaz entre le Sénégal et la Mauritanie a été validé à Dakar par les députés sur fond de vive polémique.

En effet, l’Assemblée nationale du Sénégal a validé par un vote à une écrasante majorité, le projet de loi numéro 016/2018, autorisant le président de la République du Sénégal à ratifier l’accord de coopération inter-Etats portant sur le développement et de l’exploitation des réserves du champ gazier «Grand Tortue-Ahmeyim» signé à Nouakchott le 9 février 2018, entre les gouvernements du Sénégal et de la République islamique de Mauritanie.

Il ressort des différents éléments du dossier que les travaux de forage entrepris dans les zones des deux pays «ont révélé l’existence de réservoirs de gaz naturel, dénommés les réservoirs du champ Grand Tortue-Ahmeyim (GTA)».

Au sens de l’accord «le champ désigne tous les horizons géologiques, les réservoirs et les zones renfermant du gaz naturel situé au-dessus du périmètre de l’unité jusqu’à la profondeur qui sera définie d’un commun accord et sont spécifiés dans les décrets portant autorisation d’exploitation».

Par ailleurs, dans son argumentaire présenté aux députés, le gouvernement du Sénégal a rappelé que la découverte visée «a fait l’objet de travaux d’évaluation suivis d’essais de production entre 2016 et 2017. Et les données sismiques 3D et celles recueillies des puits, ont révélé d’importantes ressources récupérables pour les réserves de GTA évaluées à près de 560 milliards de mètres cubes, réparties équitablement entre les deux pays».

Au-delà des considérations techniques fournies par le gouvernement, face aux députés, le ministre des Affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur, maître Sidiki Kaba, a plaidé «la pertinence de ratifier l’accord» par la nécessité de préserver les règles de bon voisinage, évoquant au passage l’exemple d’autres pays face à une situation identique, qui se retrouvent dans l’impossibilité de tirer profit des ressources communes faute d’accord, avec parfois des risques de conflit entre états lourdement armés.

Les contestations de l’opposition

La loi a été adoptée dans une ambiance houleuse, sous une vive contestation de l’opposition, qui a encore une fois de plus, dénonce le comportement servile d’une majorité parlementaire «mécanique» obéissant aux ordres de l’Exécutif.

Ainsi, le député Ousmane Sonko, leader du Parti les patriotes du Sénégal pour l’éthique, le travail et la fraternité (PASTEF), s’insurge contre un accord qu’il considère comme «une véritable poudrière».

Pour sa part, Mamadou Lamine Diallo, un élu de l’opposition soutient que «les réserves de gaz sont au Sénégal et non en Mauritanie. Les puits en territoire mauritanien sont à sec».

Quelle est l’importance chiffrée des réserves se trouvant dans l’un et l’autre pays? Seuls la compagnie «Kosmos» et les deux gouvernements pourraient éclairer l’opinion publique par rapport à cette question.

Cependant, dans l’intervention du député Sonko, si les préoccupations relatives à l’étude d’impact environnementale sont légitimes dans une zone de pêche, on est en droit de relever une bourde monumentale.

En effet, dans sa démarche, le député a aussi pris la population comme critère de détermination des parts, faisant ainsi fi des réserves découvertes dans le territoire de chaque pays.

Y aurait-il un nouveau principe dans les relations internationales proportionnant le degré de souveraineté des Etats à l’importance de leur population? Pourquoi pas alors à la superficie de leur territoire?

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 03/06/2018 à 14h25, mis à jour le 03/06/2018 à 14h27