Industriels mauritaniens du secteur et pêcheurs artisanaux dénoncent «une mise à mort» programmée de leurs activités qui tournent au ralenti depuis plusieurs mois à cause de la recrudescence des usines de poissons qui accaparent une ressource de moins en moins abondante.
Abidine Sidaty, secrétaire général du comité des usiniers et exportateurs de poissons de Nouakchott, explique que le problème de "la farine de poisson, appelée encore moka, se pose depuis 7 ans, voire 8". Il estime qu'il s'agit d'un véritable cancer pour le secteur.
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Car, les côtes mauritaniennes étaient poissonneuses, mais cette activité récente est à l’origine d’un véritable pillage des ressources halieutiques. Pour avoir une tonne de farine de poisson, il faut brûler au moins 5 à 6 tonnes de ressources pêchées.
Selon lui, il n'y a plus de poissons sur le marché local. "Avant, la ressource se vendait à un prix raisonnable, aujourd’hui, on ne peut plus acheter un kilogramme de poisson à Nouakchott", explique-t-il.
Les conséquences sont lourdes sur les usines de traitement de poissons du fait de la quantité employée pour la farine.
L'autre problème auquel le secteur est confronté est l’interdiction d'employer la main d’œuvre étrangère, notamment sénégalaise. "Ces pêcheurs traditionnels sont des experts dans leur domaine, qui travaillaient de façon efficace. Ils ont été chassés de la Mauritanie en 2017, pour des raisons politiques", déplore-t-il. Alors qu'entre-temps, "les rares mauritaniens formés à la pêche ont migré vers l’orpaillage".
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"Nous avons de sérieux problèmes par rapport à l’exportation", pense, pour sa part, Yenge ould Hacen, président des exportateurs de poissons frais et congelés de Nouakchott.
Des droits de douane à l’exportation
A côté des difficultés de la rareté de la main d'oeuvre, se pose aussi la question de la fiscalité contraignante pour l'exportation. "Nous avons plus de 350 espèces, mais seules 30 à 35 espèces commercialisées, du fait des taxes fiscales et de la Société mauritanienne de commercialisation de poissons (CMCP) 6 fois plus élevées que le prix auquel est vendu le produit à l’extérieur", regrette Yenge ould Hacen.
Cette situation "fait que nous ne pouvons pas nous orienter vers certaines espèces contrairement aux opérateurs des pays voisins", ajoute-t-il
Selon lui, toujours, seuls les exportateurs de poissons ont un numéro d'identification fiscale (NIF), qui permet aux services fiscaux d’appliquer des taxes, contrairement aux autres acteurs du secteur qui n’ont pas d’installations à terre. Il souhaite que le "gouvernement revoit cette situation pour donner un nouveau souffle à la pêche".
Abondant dans le même sens concernant la farine de poisson, Chérif Ahmed Chérif, propriétaire de l'unité industrielle Mauri-Pesca, soutient que ce nouveau produit "a provoqué la chute des quantités de ressources pêchées".
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"Avant, du mois de novembre au mois de mai, notre usine faisait travailler quotidiennement 150 personnes. Mais, vous pouvez constater qu’en ce moment, tout est à l’arrêt", fait-t-il remarquer. "Il faut vraiment régler la question de la farine pour éviter la mort du secteur et nous espérons que la nouvelle stratégie du ministère de pêche permettra une meilleure préservation des espèces, notamment la protection des petits pélagiques", poursuit-il.
Le constat est le même chez tous les industriels et leurs employés qui ont de plus en plus de mal à faire tourner leurs usines. «Certains pays, tel que le Maroc, qui ont autorisé la farine à un moment, ont rapidement abandonné cette activité après avoir constaté ses conséquences négatives et l’impact sur le secteur de la pêche", explique Mohamed Saleck ould Mahamad, inspecteur maritime à la retraite. Selon lui, "il faut arrêter rapidement la tendance actuelle pour sauver le secteur de la pêche".