Mauritanie. Fermeture des TV privées: le gouvernement nie toute implication

En Mauritanie, les studios des chaînes privées risquent d'être désertés encore un moment.

En Mauritanie, les studios des chaînes privées risquent d'être désertés encore un moment. . DR

Le 19/10/2017 à 09h44, mis à jour le 19/10/2017 à 11h40

La fermeture de 5 chaînes de télévision privées en Mauritanie depuis mardi serait due au non-paiement des redevances. Un manque à gagner de plusieurs centaines de millions d'ouguiyas.

Officiellement, la cessation d'émission des signaux de 5 chaînes de télévision privées s'expliquerait par de lourdes ardoises. Ainsi, Mourabitoune TV, une chaine TV proche de la mouvance islamiste, est redevable d’un montant de près de 300 millions d’ouguiyas.

Interrogé à ce sujet en marge d’une visite dans le secteur administratif de Nouakchott-Nord mardi matin, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a écarté toute responsabilité du gouvernement: «La décision a été prise par Télédiffusion de Mauritanie (TDM), à la suite du non-paiement des redevances légales». La TDM est une entité publique qui dépend du gouvernement. 

Mais, en coulisses, certains n'hésitent pas lier cette affaire au contexte politique. 

Un petit tour dans les différentes rédactions ce mercredi a permis de constater le désarroi du personnel des organes concernés face à la nouvelle situation.

À Sahel TV, le personnel affiche la mine des mauvais jours, mais s'en tient aux faits pour relater l’information.

Au contraire, à Mourabitoune TV, proche de Tawassoul, un courant islamiste modéré, Hafedh Ghaled, journaliste et responsable au sein de la chaîne, évoque "un problème grave, touchant les 5 chaînes de télévision, qui évoluent dans un environnement économique délétère. Un contexte caractérisé par une absence de marché pouvant générer des ressources publicitaires".

Pire, ajoute-t-il, "le gouvernement a intimé aux entreprises publiques l’ordre de ne plus offrir de pages publicitaires aux chaînes de télévision privées. Il y a 3 ans, le collectif de la presse audiovisuelle privée avait sollicité auprès des autorités la création d’un fonds spécial qui serait destiné à garantir le paiement régulier des redevances, mais sans succès. Nous réitérons cette requête à la lumière du nouveau contexte».

Hafedh Ghaled écarte cependant l’idée d’un lien entre la décision de TDM et les sorties de l’ancien sénateur emprisonné, Mohamed Ould Ghadda, sur l’affaire des marchés de gré à gré à l'antenne.

Une thèse qui voudrait que toutes les autres chaînes de télé soient simplement victimes des dégâts collatéraux d’une histoire orientée contre Mourabitounes Tv.

Sa réponse est formelle: "Non, il est clair que ce problème concerne toutes les chaînes. Cela fait plusieurs années que nos organes accumulent des redevances impayées faute de ressources".

"Nous réclamons l’ouverture immédiate de négociations avec la TDM sous l’égide des autorités pour trouver une solution", insiste Hafedh Ghaled. Et de poursuivre, "si le gouvernement se vante du statut de la Mauritanie, première en matière de liberté de presse dans le monde", selon le rapport de Reporters sans frontières (RSF), c’est grâce à la vitrine de ces organes qui contribuent à donner une certaine image du pays. D’où l’intérêt de trouver rapidement une solution à cette douloureuse question".

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 19/10/2017 à 09h44, mis à jour le 19/10/2017 à 11h40