C’est dans un contexte de profonde déprime, parmi les gens des médias et ceux qui y ont investi, que la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA), a lancé, le 2 mars dernier, un appel d’offres pour l’acquisition de deux nouvelles licences d'exploitation audiovisuelle.
Une station de radio et une chaîne de télévision viendront donc, en théorie, enrichir le paysage médiatique audiovisuel mauritanien, «des stations commerciales privées généralistes», précise la HAPA dans son appel d'offres. Objectif: «renforcer le champ médiatique» et «élargir davantage la liberté d’expression».
Pourtant, la situation des médias audiovisuels privés, en crise permanente depuis une dizaine d’années, est très loin d'être rose. La quasi-totalité des cinq stations de radios lancées sous le dernier mandat de l'ex-président, Mohamed ould Abdel Aziz, ont ainsi disparu du paysage audiovisuel.
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Dans le même temps, les employés de chaînes de télévision privées -nécessitant un investissement autrement plus colossal-, exploitant une licence octroyée par la HAPA, l'autorité de régulation des médias audiovisuels mauritaniens, vivent quant à eux un interminable calvaire.
D'ailleurs, des mouvements sociaux naissent régulièrement au sein de leur (pas si pléthoriques) équipes, qui travaillent, d'après leurs critiques et revendications formulées, dans des conditions rebutantes.
Quoi qu'il en soit, une nouvelle radio, et une nouvelle chaîne de TV devront bientôt émettre leurs programmes dans le pays. Ainsi l'a annoncé la HAPA, qui a également précisé que le dépouillement des plis est prévu pour la fin de ce mois de mars, un délai jugé «trop court pour constituer un dossier», de l'avis d'un homme politique, expert de ce domaine.
Témoignages sur un secteur en crise profonde
Selon Mohamed El Bouh, journaliste, directeur général (démissionnaire) de Sahel TV, parle, en ce qui concerne la libéralisation de l’audiovisuel dans le pays, «d’une histoire assez spéciale» qui remonte à la création de l'instance de régulation.
En actant cette décision, l'ex-président mauritanien, Mohamed ould Abdel Aziz, avait poussé des hommes d’affaires sans vision, ni culture des médias, à investir dans un monde qui leur est totalement étranger. Ceux-ci se sont donc contentés d’acheter le matériel nécessaire au lancement de nouvelles grilles de programmes, sans d'autres outils d’accompagnement, pourtant vitaux.
S’ajoutèrent, dans le même temps, à ces déjà insumontables difficultés des débuts, l’absence d’un marché publicitaire conséquent, et un manque en ressources humaines de qualité, pour donner corps et vie à un audiovisuel qui se tient, et, surtout, qui aurait un public.
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Mahmoud Jibril Ba, journaliste à Chinguetti TV, reconnaît que son travail au quotidien se déroule dans des conditions difficiles. Et les travailleurs des médias audiovisuels se retrouvent à devoir s'adapter à ce contexte, dans l’objectif de contribuer à l’ancrage d'une culture démocratique et de plus de liberté d’expression dans le pays. Toutefois, ce journaliste déplore l’environnement économique dans lequel évolue le média où il travaille, caractérisé par l’absence d’opportunités en matière de publicité.
Kane Hamidou Baba, homme politique, deux fois candidat malheureux à une élection présidentielle, expert en communication, rappelle, de son côté, «l’opacité» qui a entouré l’adjudication des licences pour les médias audiovisuels de première génération.
Une démarche initiale qui, selon lui, incite à la prudence. Kane Hamidou Baba insiste aussi sur la nécessité absolue de donner un contenu médiatique concret aux idéaux sur l’unité nationale et la diversité des culturelle de la Mauritanie, au-delà des discours creux et sans lendemains.