2019, année où la Mauritanie sera pour la première fois soumise à l’épreuve du respect de la limitation constitutionnelle des mandats du président de la République, dans une Afrique régulièrement théâtre de «braquage» des lois fondamentales, arrive à grands pas.
Dans son histoire, la culture politique du pays du million de poètes est façonnée par un système à travers lequel un régime militaire d’exception, ou un officier recyclé dans la politique, exerce le pouvoir d’Etat, et ce depuis le premier putsch du 10 juillet 1978, avec une éphémère parenthèse d’un président civil entre avril 2007 et août 2008.
Interrogé sur les perspectives d’évolution politique du pays et l’échéance capitale de 2019, Isselmou Ould Salihi, ancien journaliste rallié au pouvoir, dégage quelques pistes : "Je suis actuellement à Néma (1.200 kilomètres au sud-est de Nouakchott) dans le cadre de la campagne en faveur de l’adoption du projet de la révision constitutionnelle. Jusque-là, le président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a jamais déclaré sa candidature en 2019. Ce sont plutôt ses soutiens qui lui demandent de ne pas les lâcher. Par ailleurs, le Premier ministre et le ministre de l’Economie et des finances, ont affirmé en diverses circonstances que la majorité actuelle restera aux commandes de l’Etat après l’échéance de 2019. Ce qui naturellement laisse supposer la perspective d’une candidature au sein du sérail et en dehors de la personne de l’actuel chef de l’Etat".
Lire aussi : Mauritanie: un vaste front contre la révision constitutionnelle
Pour ce qui concerne une éventuelle alternance entre la majorité et l’opposition actuelle, il faudra intégrer certains paramètres d’analyse pour se donner une idée de l’évolution future.
"Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir, leaders historiques de la mouvance, sont frappés par la limite d’âge. Le défunt colonel Ely Ould Mohamed Vall (paix à son âme), n’est plus là. Si on arrive à une candidature unique, il est possible de rêver. Mais en ordre dispersé, l’opposition sera inévitablement battue".
Pour sa part, Ahmed Ould Cheikh, directeur de publication et éditorialiste de l’hebdomadaire «Le Calame», très critique vis-à-vis du pouvoir et rendu célèbre par ses éditoriaux au vitriol contre le "rectificateur en chef", estime qu’en 2019 «le départ de l’actuel président de la République est inévitable. Il voudrait bien s’accrocher au pouvoir. Mais à quel prix pour le pays et pour lui-même? Cette interrogation existentielle renvoie à un immense danger, avec tous les risques de dérapage. Toutefois, les dictateurs ne sont jamais totalement conscients des conséquences de leurs actes. A titre d’exemple, on peut citer le cas de l’ancien chef de l’Etat gambien, Yaya Jammeh».
Lire aussi : Mauritanie: Ould Abdel Aziz toujours hanté par le 3e mandat
Pour sa part, maître Lô Gourmo, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP-opposition), souligne que «l’idée d’un troisième mandat du président Mohamed Ould Abdelaziz est exclue. Les populations savent depuis très longtemps comment faire face à certaines contraintes. Tous les dictateurs ont fait les frais de cette théâtralisation des rassemblements téléguidés ou chacun des présents sait exactement ce que pense son voisin de la pièce de théâtre à laquelle il est tenu de participer. Le tout est d’y être vu».
Une manière de dire que les rassemblements de foules mobilisées par l’administration dans le cadre de l’actuelle campagne pour le référendum du 5 août prochain n’ouvriront pas la porte du troisième mandat.
Gravées dans le marbre, les dispositions relatives à la limitation des mandats du président de la République en Mauritanie sont des clauses d’éternité.
RIl est à craindre que l’usage de l’article 38 de la constitution du 20 juillet 1991 relatif à l’organisation d’un référendum n’ouvre la voie à tous les dérapages, à la manière des entes nomades ouvertes aux 4 points cardinaux.