Mauritanie: Aziz soupçonné de préparer mille et un tripatouillages constitutionnels

Le 29/07/2017 à 14h44, mis à jour le 29/07/2017 à 14h51

Plusieurs dispositions de la constitution mauritanienne seraient héritées du colonisateur et ne sont pas adaptées aux réalités et aux valeurs du pays, selon le président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui bat actuellement campagne en faveur d'un projet de révision de la loi fondamentale.

Que les électeurs mauritaniens se le tiennent pour dit. Leur pays se dirige tout droit vers la multiplication des consultations populaires pour changer les dispositions de la constitution du 20 juillet 1991 et ses textes modificatifs.

En effet, l'actuel discours de campagne du président Mohamed Ould Abdel Aziz en perspective du référendum du 5 août prochain, visant l’adoption d’un projet de révision constitutionnelle, semble renvoyer vers une telle perspective.

Une illustration en est apporté avec ce passage d’une allocution prononcée vendredi après-midi, dans la cité minière de Zouerate (Nord). «La constitution mauritanienne renferme plusieurs dispositions héritées de l’époque coloniale qui ont besoin d’être modifiées à l’avenir. Cela demande 2, 3 ou 5 ans pour que notre constitution soit purgée et rendue conforme à nos réalités sociales», a-t-il dit.

Toutefois, le président n’a pas donné plus de précisions sur les dispositions héritées de la colonisation et incriminées dans le discours. Beaucoup estiment qu'il s'agit d'une discours qui ne reflète pas la réalité. Un coup d'œil dans le rétroviseur pourrait éclairer ce qui ont encore des doutes.

Le 19 juin 2006, sous le magistère du défunt colonel Ely Ould Mohamed Vall, un régime dont le colonel Mohamed Ould Abdel Aziz était toutefois considéré comme «l’homme fort», la Mauritanie a enregistré plusieurs progrès démocratiques.

Le pays a adopté par voie référendaire, une constitution consacrant le principe de l’alternance et la limitation à deux (2) du nombre de mandats du président de la République.

Ces dispositions sont classées au rang de clauses d’éternité gravées dans le marbre. Ainsi, le président de la République prête serment de ne pas les changer en jurant sur le Saint Coran au moment de son entrée en fonction. 

A la date du 19 juin 2006 «la Mauritanie était indépendant depuis plus de 45 ans et c’est librement que les populations ont voté en faveur du Oui, bien loin de l’instrumentalisation actuelle de tout l’appareil d’Etat, qui n’offre aucune autre alternative», se désole un cadre ayant requis l’anonymat.

Par ailleurs, du temps ou la Mauritanie était une colonie de la France sous la 4e et la 5e République, la constitution de ce pays ne renfermait pas de clauses relatives à la limitation des mandats, même si dans la pratique, aucun président n’a jamais accompli plus de 2 mandats au pays de Marianne. 

Face à ce début de confusion qui pousse à croire au retour d’un populisme de mauvais aloi, quelques partisans du chef de l’Etat tentent de ramener un peu de sérénité dans les esprits.

M. B., fonctionnaire dans l'administration, «soutient mordicus que Aziz ne fait pas allusion à la question des mandats» et fait note astucieusement «qu’un président de la République ne jurait pas sur le Coran au moment de son entrée en fonctions en France, pas plus du temps ou ce pays colonisait la Mauritanie, qu’aujourd’hui ».

Il ajoute que les dispositions incriminées par Mohamed Ould Abdel Aziz n’ont rien à voir avec la limitation des mandats, tout en maintenant un voile épais sur la signification profonde du discours de son leader.

Au-delà, on peut s’interroge sur les réalités qui correspondent aux valeurs de la société mauritanienne dans le domaine de la politique ?

Dans la réponse à cette question les avis sont naturellement divergents. En attendant, une certitude: l’histoire politique de la Mauritanie racontée à travers les éphémérides renvoie à une dévolution peu glorieuse d’un pouvoir qui se transmet généralement à travers des révolutions de palais entre officiers. Mais on est en droit d’espérer que la réalité des 40 dernières années ne soit une fatalité.

Même si l’usage de l'article 38 de la constitution du 20 juillet 1991, une disposition d’ordre générale, à la place du chapitre 11 de la loi fondamentale, notamment les articles 99, 100 et 101, spécifiquement consacrés à la révision constitutionnelle, pourrait troubler les esprits les plus méthodiques dans la perspective de l’évolution démocratique du pays.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 29/07/2017 à 14h44, mis à jour le 29/07/2017 à 14h51