Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU-collectif formé de partis politiques, organisations de la société civile, centrales syndicales et personnalités indépendantes) a annoncé, ce week-end, sa décision de prendre part aux prochaines élections en Mauritanie. Le calendrier électoral du pays comporte des législatives, des régionales, des municipales en 2018, et une présidentielle à laquelle le titulaire actuel du fauteuil ne devrait prendre part pour cause de limitation des mandats, en 2019.
Au-delà de la dimension factuelle de l’information, quelles sont les conséquences prévisibles et possibles de la participation du FNDU au processus électoral, après le boycott des législatives et municipales de 2013, ainsi que la présidentielle de 2014 par toute l’opposition dite «significative ou radicale».
Cette interrogation est d’une grande pertinence dans le contexte d’un système démocratique encore réduit à sa plus simple expression, avec une opposition dont le parcours historique est hanté par le syndrome de la défaite systématique aux consultations électorales, régulièrement entachées de fraude massive.
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Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), note «que la décision du FNDU de participer aux prochaines élections provoque des états d’âme inattendus chez ceux qui dénonçaient ses boycotts précédents.
C’est le signe qu’il a vu juste. L’opposition démocratique participera et mènera la bataille de la transparence jusque dans le moindre bureau de vote, en mobilisant le plus possible de gens pour l’inscription sur les listes électorales. Elle ne perdra pas cette bataille si elle sait préserver son unité et ose lutter pour vaincre. Elle gagnera si elle laisse de côté les querelles de clocher que le pouvoir entretient par tous les canaux possibles et imaginables. Une victoire sera réalisée grâce à une mobilisation des masses sur un programme clair, progressiste, unitaire, qui soit réellement alternatif à ceux que déploie le système depuis des décennies. Le FNDU gagnera en provoquant un élan venu des profondeurs de la nation plurielle qui aspire au changement».
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Analysant la décision du FNDU, Ahmed Ould Cheikh, directeur de publication et éditorialiste du «Calame», juge également positive la nouvelle démarche du FNDU: «Cette décision change la donne et permet de ne pas laisser le pouvoir, qui a tout fait pour pousser au boycott, comme maître absolu du jeu. Ainsi, ils seront présents à l’Assemblée nationale, réceptacle du débat démocratique par excellence, pour faire entendre leur voix».
A contrario, Ahmed Salem Ould Sneiba, ingénieur et analyste de la scène politique nationale, affirme que «ce qui se trame actuellement n’est pas lisible. C’est même très confus. Car nous pensions que le Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD/Tawassoul,mouvance islamiste modérée, est un véritable parti d’opposition. Mais depuis qu’une rumeur, invérifiable pour le moment, désigne le général Ghazwani (actuel chef d’état-major général des armées) comme possible successeur du président Mohamed Ould Abdel Aziz, ce parti affiche une position floue, envoie des signaux brouillés et même parfois déroutants. Mais quoi qu’il arrive, nous avons une certitude: les militaires ne lâcheront pas le pouvoir».
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Membre du FNDU, le parti islamiste s’était aligné aux législatives et municipales de 2013, malgré le boycott prôné par le collectif de l’opposition. Ainsi, «Tawassoul» représente actuellement la première force de toutes les mouvances de l’opposition (modérée et radicale) au sein de l'hémicycle avec 16 députés.
Toutefois, une analyse de la configuration de l’opposition en Mauritanie, à l’orée de ce calendrier électoral chargé, doit aller au-delà du cercle du FNDU. En effet, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), historiquement le plus important parti de l’opposition dans le pays, sur la base d’un constat illustré par les chiffres, avec 18 députés élus à l’issue de la transition 2005-2007, un candidat (Ahmed Ould Daddah) au deuxième tour d’une élection présidentielle (mars 2007), recueillant près de 48% des suffrages, malgré la fraude, n’est pas membre du FNDU.
Cette formation ne s’est pas encore officiellement et publiquement prononcée par rapport à la perspective des prochaines élections. Cependant, plusieurs signaux renvoient à la perspective d’un énième boycott de la part des amis du président Ahmed Ould Daddah, décidés à ne plus jamais répondre aux propositions et appels au dialogue d’un pouvoir dont «l’objectif est de toujours rouler ses opposants dans la farine», selon un cadre de la formation.