Algérie-Mauritanie: le poste frontalier de "Tindouf", une aubaine pour les trafics du Polisario

Le ministre algérien de l’intérieur, Noureddine Bedoui, et le ministre mauritanien de l’intérieur, Ahmedou ould Abdallah, ce dimanche 19 août au sud de Tindouf.

Le ministre algérien de l’intérieur, Noureddine Bedoui, et le ministre mauritanien de l’intérieur, Ahmedou ould Abdallah, ce dimanche 19 août au sud de Tindouf. . DR

Le 20/08/2018 à 11h31, mis à jour le 20/08/2018 à 11h38

Après que le Maroc a mis fin à l'anarchie qui avait cours dans le no man's land près de Guerguerate, les trafiquant du Polisario étaient asphyxiés. Ce nouveau poste frontalier est une aubaine pour la reprise de leurs trafics.

C'est donc hier dimanche 19 aôut que l'Algérie et la Mauritanie ont choisi d'ouvrir enfin le premier poste frontalier enre les deux pays situé à quelques encablures des camps de Tindouf, accueillant le Polisario. L'Algérie n'y est pas allé de main morte. Malgré la crise, elle a décaissé la rondelette somme d'un milliard de dinars, soit 7,4 millions d'euros, pour y ériger 49 unités de constructions préfabriqués, dont 46 bureaux et 4 parkings.

Pourtant, les flux commerciaux légaux entre l'Algérie et l'Afrique de l'Ouest sont loin de justifier un tel investissement. En effet, pour l'année 2016 par exemple, l'Algérie n'a exporté que 51 millions de dollars vers toute l'Afrique subsaharienne, pour quelque 238 millions d'importations en provenance de cette région. Et, malgré l'existence de frontières terrestres officiellement ouvertes avec le Niger et le Mali, l'essentiel des échanges se font par voies maritimes. C'est dire qu'un poste frontalier avec la Mauritanie n'est assurément pas pour desservir l'Afrique de l'Ouest, comme c'est le cas de Guerguerate, poste frontalier entre le royaume du Maroc et sa voisine du sud, la Mauritanie. 

Qu'en est-il alors des échanges proprement dits avec ce pays de l'Union du Maghreb Arabe? Ils sont presque nuls à tous points de vue. D'ailleurs, la douane algérienne ne juge pas nécessaire de les faire figurer dans ses statistiques, tant ils sont insignifiants. Alors, pourquoi donc investir autant d'argent en temps de crise pour créer ce poste frontière de toutes pièces. 

Il y a néanmoins deux explications à cette décision surprenante. La première est que l'Algérie veut coûte que coûte rompre avec son isolement chronique. Car, faut-il le rappeler, à part avec la Tunisie, l'essentiel des frontières terrestres du pays ne sont que théoriquement ouvertes. Avec le Mali, le Niger et la Libye, les frontières ne servent qu'aux trafics en tous genres. La Mauritanie ne fait pas exception. 

L'autre réponse, c'est qu'il y a par là une demande évidente des rebelles du Polisario, dont les trafics ne prospèrent plus depuis que le Maroc a décidé de mettre fin à l'anarchie qui avait cours dans le no man's land de 3,4 km à Guerguerate. Il s'uffit de se rendre sur la frontière maroco-mauritanienne pour constater l'énorme travail effectué par les forces de sécurité marocaines pour se débarrasser d'un immense cimetière de voiture et surtout mettre un terme à la contrebande de cigarettes, de vivres et d'aides alimentaires des camps de Tindouf qui étaient détournées par les rebelles. Ce travail effectué à partir de 2016 a complètement asphyxié les rebelles contrebandiers. Cette nouvelle frontière est par conséquent, l'unique débouché qui s'offre à eux. Mais, la Mauritanie est loin d'être dupe. Elle saura certainement protéger son économie et ses citoyens. 

En tout état de cause, le poste fontralier de Tindouf n'envisage pas de rivaliser avec les performances de celui de Guerguerate qui est devenu au fil des années la porte d'entrée des produits marocains vers toute l'Afrique de l'ouest, comme nous en faisions l'analyse dans un précédent article publié en septembre dernier sur le360 Afrique. 

Actuellement, le poste de Guerguerate rapporte, en termes de recettes douanières, à la Mauritanie plus que n'importe quel autre poste frontalier, y compris le Port de Nouakchott et celui de Nouadhibou. Les raisons en sont mutiples. 

D'abord, quotidiennement, ce sont des dizaines de camions de 18 à 35 tonnes qui traversent la frontière de Guergarate pour approvisionner les marchés mauritaniens, mais aussi de plus en plus de sénégalais et malien, et même au-delà. Les échanges commerciaux entre les deux pays dépassent actuellement 1,5 milliard de dirhams, sans parler des échanges informels.

Il faut 48 heures pour approvisionner tout le marché mauritanien en légume et fruit à partir du Maroc, il faudra beaucoup plus de temps du côté algérien, si jamais l’offre existe. En effet, contrairement au Maroc, l’Algérie importe presque tous les produits alimentaires dont la Mauritanie a besoin, notamment les fruits et légumes et autres produits alimentaires. 

Ensuite, à côté des échanges de marchandises, le poste de Guergarate est devenu un passage obligé pour de nombreux touristes souhaitant visiter la Mauritanie via le Maroc. Plus de 400.000 touristes sont annuellement enregistrés au niveau de ce poste frontalier.

D’ailleurs, afin de booster ce flux, le président mauritanien avait réduit le coût du visa de 120 euros à 40 euros (55 euros pour des entrées multiples). Et les touristes véhiculés sont obligés de s’acquitter d’une taxe à l’entrée de 450 euros par véhicule. Un rôle que ne pourra pas jouer le poste algéro-mauritanien du fait qu’à cause de l’insécurité dans cette région classée zone rouge par le Quai d’Orsay et de nombreuses autres chancelleries occidentales, aucun touriste ne se hasardera à emprunter ce passage.

En outre, ce poste frontalier de Guergarate constitue aussi de plus en plus la voie préférée des immigrés mauritaniens, sénégalais, maliens et autres ouest-africains résidant en Europe.

Enfin, du côté des recettes, le poste de Guergarate est source de recettes douanières et fiscales importantes pour la douane et le Trésor mauritanien. A titre d'illustration, les camionneurs marocains transitant quotidiennement la frontière y laissent des recettes importantes. Ainsi chaque camion de 25 tonnes s'acquitte d'un droit de douane de 787 000 ouguiyas (anciens), soit 1.900 euros. A cela s'ajoutent les frais de visas et autres taxes versées au Trésor mauritanien. 

Quoi qu'il soit, ce poste frontalier est à surveiller de près, puisqu'au-delà de cette réalité indéniable, son ouverture est aussi un prétexte pour un déploiement militaire plus important dans la zone.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 20/08/2018 à 11h31, mis à jour le 20/08/2018 à 11h38