Mauritanie: 32 ONG exigent la libération de Mohamed ould Mkheitir

Le 09/11/2018 à 13h16, mis à jour le 09/11/2018 à 13h18

Trente-deux organisations mauritaniennes, africaines et internationales, dénoncent la détention "arbitraire" du blogueur Mohamed ould MKheitir, et "exigent sa libération dans des conditions garantissant sa sécurité".

L’affaire Mohamed ould Mkheitir, ce blogueur reconnu coupable «d’apostasie» et condamné à la peine capitale avant que cette peine ne soit ramenée à un emprisonnement correctionnel de 2 ans pour "mécréance", continue à susciter le débat en Mauritanie. 

En effet, malgré le fait que l'intéressé ait purgé sa peine en détention préventive entre décembre 2013 et fin 2017, il est toujours emprisonné.

La Cour suprême mauritanienne avait pourtant ordonné sa libération en novembre 2017. La mesure n’a jamais fait l’objet d’exécution à ce jour.

Interpellé à l’occasion des assises de la 29e session de la Commission africaine des droits et des peuples (CADHP), tenues à Nouakchott en avril-mai 2018, un officiel mauritanien révélait que le jeune blogueur a été placé en détention administrative.

Aujourd’hui, 32 organisations mauritaniennes, africaines et internationales de défense des droits humains, parmi lesquelles Amnesty International (AI), Human Rights Watch (HRW) … appellent «à le libérer immédiatement, dans des conditions garantissant sa sécurité».

La déclaration conjointe des ONG rappelle que le fait «de tenir un blog n’est pas une infraction conformément à la décision rendue par la justice mauritanienne» et accuse Nouakchott «de faire preuve d’un profond mépris à l’égard de l’Etat de droit. Cet homme est un prisonnier d’opinion dont la vie est entre les mains des autorités, simplement parce qu’il a exercé, pourtant de manière pacifique, son droit à la liberté d’expression. Cette affaire s’apparente à une détention au secret, ce qui est une grave violation des droits humains. Il faut que les autorités mauritaniennes mettent fin à cette détention arbitraire».

De manière générale, les ONG signataires de cette déclaration estiment que le cas Mohamed ould MKheitir «est emblématique de la répression à laquelle le régime mauritanien soumet les libertés d’expression et d’information, en particulier celle des défenseurs des droits humains, qui font campagne contre les discriminations et dénoncent le recours illégal au travail servile».

Cette affaire a enflammé la rue mauritanienne au cours des dernières années, avec l’organisation de plusieurs manifestations exigeant l’exécution du blogueur.

Mkheitir avait dénoncé la marginalisation de la caste des forgerons au sein de la société maure mauritanienne en établissant une comparaison avec la société arabe à l’époque du prophète. Accusé d'apostasie, l'intéressé s'est répenti depuis, comme l'exige la religion musulmane - mais sans que cela ne fasse tomber la tension. Il faut dire qu'au delà de l'aspect religieux, c'est aussi un problème sociétal et notamment celui de la place de la caste des forgerons dans la société maure mauritanienne qui pose problème.

Conséquence de cette affaire, avec le cas Mkheitir, les autorités mauritaniennes se sont retrouvées entre le marteau de la mouvance islamiste radicale, qui exige l’exécution du blogueur dont les parents ont entretemps fui la Mauritanie, et ont obtenu l’asile politique en France, et l’enclume des organisations nationales et internationales de défense des droits humains qui pointent le non-respect du droit sachant que la Cour suprême mauritanienne a demandé la libération du prisonnier.

Enfin, rappelons qu'après le procès MKheitir, les autorités mauritaniennes ont corsé la législation, obligeant le juge à prononcer la peine de mort dans les cas d’apostasie, malgré un éventuel repentir.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 09/11/2018 à 13h16, mis à jour le 09/11/2018 à 13h18