Nommé le 4 août 2019 au poste de Premier ministre par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui avait pris ses fonctions de nouveau président mauritanien 4 jours plus tôt, Ismail Ould Bedde Ould Cheikh Sidiya a présenté ce jeudi sa démission. Ou plus exactement, il l’a remise en mains propres au président de la République, avant de la confirmer à l’issue de cette entrevue, dans une déclaration officielle à l’Agence mauritanienne d’information (AMI).
Après une année d’exercice, jour pour jour, Ismail Ould Cheikh Sidiya a été remplacé, séance tenante, par Mohamed Ould Bilal, ingénieur comme lui, originaire de la même région du sud, et qui officiait dans son cabinet en tant que conseiller.
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Le nouveau Premier ministre mauritanien, Mohamed Ould Bilal (57 ans), est un ingénieur en hydraulique formé en Algérie, qui a gravi les échelons de l’administration publique. Il a été promu ministre, en 2007, lors de la brève expérience (17 mois) du gouvernement civil dirigé par le président démocratiquement élu, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, renversé par l’ex-général Mohamed Ould Abdelaziz.
Or, c’est justement le nom de l’ancien président mauritanien qui serait derrière ce changement-surprise à la tête de la primature. En effet, ce changement intervient au moment même où le procureur de la République à Nouakchott a remis, ce jeudi, le dossier des affaires de corruption portant sur la «décennie», ou les deux mandats présidentiels de Ould Abdelaziz, à la brigade financière de la police pour «enquête préliminaire». Ce qui présage la convocation imminente, voire l’arrestation de plusieurs hauts responsables de l’Etat, dont Ould Abdelaziz lui-même.
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Mission accomplie pour Ismail Ould Bedde? Pour avoir travaillé avec Ould Abdelaziz pendant plusieurs années, tout en se refusant de «marcher» avec lui dans sa prévarication à grande échelle, le désormais ex-Premier ministre mauritanien serait en fait le principal instigateur, sous la houlette de Ould El Ghazouani, de la divulgation de nombreux dossiers compromettants pour Ould Abdelaziz. C’est sur la base de ces dossiers qu’une Commission parlementaire d’enquête a été rapidement formée, sous le soutien également discret de Ghazouani, avant de remettre ses conclusions «croustillantes» à la justice mauritanienne ces derniers jours. Sauf qu’une poignée de ministres qui servaient de «porteurs de valises» à Ould Abdelaziz et sa famille font partie du gouvernement sortant.
Le départ d’Ismail Ould Bedde va donc permettre au président Ghazounani, après avoir «dompté» Ould Abdelaziz, de se débarrasser de ses ministres encombrants qu’il avait maintenus pour faire semblant de garder une proximité avec son copain.
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En effet, pour assurer une alternance en douceur, Ould Ghazouani se devait de finasser avec son virevoltant et imprévisible «ami de 40 ans», le temps de l’éloigner définitivement des arcanes du pouvoir. Surtout que Ould Abdel Aziz avait tenté de revenir, en force, sur la scène politique, voire de reprendre le pouvoir, avant que le Premier ministre Ould Bedde ne le remette en place en éventant les vertes et les pas mûres de son pouvoir «bokassien».
Ce changement de gouvernement, qui intervient à un moment précis, celui où Ould Abdelaziz commence à être coincé, peut être qualifié de remerciement, au sens propre du terme, adressé par Ghazouani à son ancien Premier ministre, qui s’en va avec la sensation et la satisfaction du devoir accompli.