Habituée à des tensions politiques récurrentes (les 36 années de règne cumulées de Mohamed Khouna ould Haidallah, Maaouya ould Sid’Ahmed Taya et Mohamed ould Abdel Aziz), la Mauritanie semble désormais déterminée à créer les conditions d’une culture du dialogue.
C’est dans cette perspective que la Coordination des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale (qui comprend une dizaine de formations issues de la majorité et de l’opposition) a publié dans la soirée du mercredi 25 février 2021, une feuille de route pour une Concertation nationale inclusive (CNI) dont les assises vont durer six semaines.
Elles réuniront l’ensemble des forces politiques nationales (majorité et opposition) sous les auspices du président Mohamed Cheikh El Ghazouani.
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Ce dialogue, dont la date sera fixée prochainement, vise "à réaliser un consensus national autour des questions fondamentales auxquelles le pays est confronté, réaliser les réformes pour un véritable Etat de droit, conduisant à la normalisation de la vie politique".
Les thèmes prévus au programme portent sur "le processus démocratique, l’unité nationale, notamment le règlement des problèmes de droits humains en suspens, la question de l’esclavage et de ses séquelles, les voies et moyens pour renforcer la cohésion sociale, la bonne gouvernance, la lutte contre la gabegie, une série de réformes concernant notamment la justice, l’administration (décentralisation), le foncier rural, l’éducation et la santé, les médias publics et la création de mécanismes de préservation de l’environnement, le renforcement de la lutte contre le changement climatique,….".
Vers une séance d’exorcisme des vieux démons?
La feuille de route déclinée mercredi soir touche à une série de problèmes dont la solution conditionne le vivre-ensemble et l’unité nationale. Ainsi, le document évoque "des questions de droits humains en suspens". Cette formulation, qui relève d’un véritable euphémisme, désigne des violations massives de droits ayant touché la communauté négro-africaine entre 1989 et 1992 (déportations vers le Sénégal et exécutions extrajudiciaires de plusieurs centaines de militaires/couvertes par une loi d’amnistie votée en 1993).
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Il y a également les dénonciations persistantes de cas présumés d’esclavage et les questions récurrentes d’accaparement des terres, régulièrement dénoncées par les communautés de la vallée du fleuve Sénégal.
Dans ce contexte, les prochaines assises pourraient servir de séances d’exorcisme des démons hérités du passé, qui continuent à empoisonner le présent et la vie politique du pays.
Par ailleurs, cette Concertation nationale inclusive qui comporte une dimension de gouvernance, intervient alors que l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz, est cité dans un rapport établi par une Commission d’enquête parlementaire (CEP) pour soupçons de corruption.
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Cette affaire a fait l’objet d’une enquête préliminaire conduite par les limiers de la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier. La transmission au parquet financier du procès verbal établi à l’issue de ces opérations est annoncée depuis plusieurs semaines (y compris par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale fin janvier), sans résultat concret pour le moment.