Mauritanie: le Festival des Villes anciennes réveille le débat sur la fracture identitaire

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Le 21/12/2016 à 17h05, mis à jour le 21/12/2016 à 17h36

Malgré un faux air d'homogénéité communautaire, les arabo-berbères mauritaniens sont fortement divisés. Mohamed Ould Abdel Aziz s'en servirait pour mieux asseoir son pouvoir, d'après des accusations régulièrement formulées contre lui par l'opposition.

Les questions communautaires restent sensibles en Mauritanie et animent le débat national depuis plusieurs années. De plus en plus de voix, notamment au sein de l’opposition, Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) et Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), s’élèvent et accusent le pouvoir de souffler sur les braises du feu communautaire.

Ainsi, loin de répondre à l’objectif de perpétuer la mémoire et de donner une nouvelle vie culturelle, économique, sociale et touristique aux vielles cités classées patrimoine mondial de l’UNESCO, la sixième édition du Festival des villes anciennes de Mauritanie (FVAM), qui s’est déroulée du 12 au 16 décembre dernier dans la ville de Ouadane, continue à faire parler d’elle.

Mauritanie: le Festival des villes anciennes, moment de rare communion

Beaucoup dénoncent l’esprit de division qui aurait animé un événement culturel et social dont la vocation originelle est de rassembler.

C'est le cas de Cheikh Aidara, un journaliste blogueur, repris par le site «Adrar Info » qui critique vivement « le vernis communautaire » ayant caractérisé le choix des ensembles musicaux dont les prestations ont animé le FVAM 2016. «De l’avis de plusieurs observateurs, le festival des villes anciennes qui vient de s’achever à Ouadane s’est drapé d’un dangereux vernis communautariste, avec les Maures de la sous région dans une réelle et exclusive communion. Sans que le pouvoir s’en rende compte peut-être, certains dans l’entourage des hautes autorités, tirent de plus en plus insidieusement sur la ficelle communautaire.

Ainsi, selon certaines confidences, cette tendance aurait été particulièrement perceptible dans le choix des artistes censés représenter les pays invités. Au lieu de convier les Touaregs ou des troupes bambaras du Mali, le choix s'est porté sur les Maures de Tombouctou.

Certains se sont également demandés pourquoi ne pas avoir invité des troupes folkloriques du Sénégal, même au sein de la communauté maure, avant qu’on se rende compte que cette dernière est exclusivement composée de Haratines (Maures à la peau noire).

D’où ce raisonnement d’inspiration raciale que d’aucun n’ont pas manqué de relever avec indignation.

Par ailleurs, au plan politique, le blogueur relève que des partis politiques à orientation «communautariste et raciste » bénéficient d’une reconnaissance officielle, alors qu’on refuse le récépissé de l’administration à l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) et aux Forces Progressistes pour le Changement (FPC)-mouvance nationaliste négro africaine.

La Mauritanie traîne un passif humanitaire à caractère ethnique depuis 1989/1991, période qui avait été marquée par une sévère crise avec le Sénégal et durant laquelle des milliers de Mauritaniens noirs ont été tués ou chassés du territoire. 

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 21/12/2016 à 17h05, mis à jour le 21/12/2016 à 17h36