A Conakry, des électeurs réclament des emplois et plus de démocratie à l’approche de la présidentielle

Des conducteurs de mototaxi à Conakry.

Le 27/12/2025 à 07h42

Mariama Camara affirme avoir perdu son emploi depuis 2010. Elle attend du prochain président qui remportera de la présidentielle de dimanche en Guinée qu’il créé des emplois dans ce pays, dont des habitants dans la capitale espèrent aussi «plus de démocratie» de la part du régime militaire.

«J’ai déposé plusieurs demandes d’emploi mais sans succès», se désole celle qui se présente comme une veuve et mère d’une fille de 23 ans.

Elle est assise sur les herbes desséchées d’un carrefour de Kaloum, quartier administratif et des affaires de Conakry, vêtue d’un T-shirt blanc à l’effigie du chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, favori du scrutin de dimanche, dans ce pays riche en minerais mais dont la majorité des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Les Guinéens sont appelés à voter lors d’une présidentielle censée parachever le retour à l’ordre constitutionnel après un coup d’État en septembre 2021 qui a porté au pouvoir le colonel Doumbouya, auto-promu général depuis et désormais candidat à cette élection sans opposant d’envergure.

L’opposition a appelé à boycotter ce scrutin auquel M. Doumbouya, 41 ans, part favori pour gagner dès le premier tour, alors qu’il avait dans un premier temps promis de ne pas y participer.

Les principaux opposants au chef de la junte ont été exclus et ses huit rivaux pour le scrutin de dimanche sont pour la plupart peu connus du grand public.

«Il faut donner du travail aux jeunes de ce pays. Faute d’emplois, beaucoup conduisent des moto-taxis», dit Fodé Keita, 31 ans, commerçant et père de deux enfants, juché sur sa moto.

Moctar Diallo (son nom et prénom ont été changés à sa demande pour des raisons de sécurité, NDLR), un vendeur de matériel électronique de 60 ans, dit ne rien attendre de cette élection.

«Dans une compétition, si tu élimines tous tes adversaires comme l’a fait Doumbouya, tu ne peux pas perdre. Je souhaite que le général Doumbouya change d’esprit et soit plus démocratique en stoppant les kidnappings et en respectant les droits de l’homme», avance-t-il.

Une chape de plomb s’est abattue sur le pays où se multiplient emprisonnements, suspensions de partis, disparitions et enlèvements des voix dissidentes.

«Peur de parler»

Loin de l’agitation du centre-ville de Conakry, dans le quartier Bellevue, en banlieue, le bijoutier Mohamed Guèye loue de son côté la junte.

«Doumbouya a fait ses preuves. C’est un militaire mais au moins il a construit des routes et des ponts. Les opposants ne font que parler», dit-il.

Il dit souhaiter que «le régime de Doumbouya continue (de diriger le pays) pour qu’on puisse développer la Guinée et donner du travail aux jeunes».

Cellou, 33 ans, est un technicien en télécoms marié et père de trois enfants.

Il dit être «surpris» par la non-participation d’opposants mais reprend à son compte l’argumentaire des autorités selon lequel ces «derniers ne sont pas en règle». Pour lui, «c’est la justice qui doit infirmer ou confirmer».

Pour son voisin Abdourahmane Sow, un commerçant père de deux enfants, «les opposants ne font que parler». Il dit fonder beaucoup d’espoir sur le général Doumbouya: «la Guinée est en chantier. On voit des routes et des hôpitaux. Après cette élection, il fera beaucoup plus».

«Ce n’est pas une élection. Doumbouya va gagner avec 80% ou plus. Le régime emprunte la voie suivie par Sékou Touré», premier président guinée, de 1958 à 1984 et auteur de nombreuses exactions, estime toutefois un autre qui a requis l’anonymat.

«Nous sommes dans un régime d’exception. Si tu parles, on t’arrête ou on t’emprisonne» dit-il.

Beaucoup de personnes interrogées par l’AFP ont refusé de s’exprimer. «Les gens ont peur de parler», dit, à voix basse, un cadre au ministère de la Justice.

La campagne présidentielle, close jeudi soir après trois semaines, a été marquée par des intimidations, a affirmé vendredi l’ONU, exhortant les autorités à garantir un environnement exempt de peur, de coercition et de répression.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 27/12/2025 à 07h42