Lors de sa dernière sortie médiatique, le 22 décembre 2022, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé que l’Etat a récupéré 20 milliards de dollars sur les fonds détournés par les oligarques et personnalités politiques de l’ancien régime. Ayant fait de la récupération de ces fonds un argument de campagne lors de la présidentielle de 2019, le chef de l’Etat se devait de faire un bilan au moment où il pense à un second mandat à la tête de l’Algérie.
Au lieu d’annoncer le montant récupéré en dinars algériens, Tebboune a préféré l’annoncer en dollars, faisant croire à certains qu’il s’agit de biens récupérés sur les fortunes faramineuses des hommes politiques, des généraux et les oligarques algériens, planquées à l’étranger. Pourtant, il n’en est rien. Les 20 milliards de dollars correspondent à l’estimation des biens immobiliers et meubles, ainsi que des comptes bancaires saisis par la justice algérienne suite aux condamnations des personnalités politiques, oligarques et généraux de l’armée accusés de corruption, de détournement de deniers publics…
Le détail des biens récupérés donne froid dans le dos, alors que le ministre de la Justice Abderrachid Tebbi annonce que «ce chiffre est appelé à augmenter, et ce, en attendant d’autres décisions définitives» de son département. En d’autres termes, ce montant ne tient pas compte de certaines condamnations de personnalités et d’oligarques qui ne sont pas encore définitives.
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Dans ces 20 milliards de dollars de biens saisis figurent, entre autres, plus 4.213 biens immobiliers (211 villas de luxe, 1.497 logements haut standing, 21 complexes touristiques…), plus de 23.000 biens meubles (avions, bateaux, bus et camions, voitures de luxe…), 401 biens industriels (usines de ciment, aciéries, unités de montage automobile, unités agroalimentaires..), ainsi que 229 grands périmètres agricoles ayant des superficies comprises entre 5.000 et 15.000 hectares, plus de 6.500 comptes bancaires et titres bancaires. S’y ajoutent de l’argent liquide, des bijoux, des montres de luxe, etc.
Ces biens appartenaient surtout à des hommes d’affaires et d’anciens hauts responsables comme Ali Haddad, Mahieddine Tahkout, Mourad Eulmi, les frères Kouninef, Abdelghani Hamel, Abdelmalek Sellal, Ahmed Yahya, Mahdjoub Bedda, Youcef Yousfi, Abdesslam Bouchouareb, Hassen Arbaoui, Ahmed Mazouz, Mohamed Baïri, Baha Eddine Tliba...
Ces saisies illustrent l’ampleur de la corruption de la classe dirigeante algérienne, surtout que tous ces biens n’ont été saisis qu’en Algérie, alors qu’une grosse partie de la fortune des oligarques, personnalités et généraux proches de l’ancien régime a été planquée à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et en Europe (France, Espagne, Italie, Royaume-Uni…), ainsi que dans des paradis fiscaux.
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S’il est facile de saisir les biens des oligarques, hommes politiques et généraux emprisonnés en Algérie, ceux planqués à l’étranger le sont beaucoup moins. Ces fortunes sont éparpillées dans plus d’une trentaine de pays avec des législations différentes, selon le ministre de la Justice. Et si la justice algérienne a délivré 220 commissions rogatoires et demandes d’entraide judiciaire au niveau de plus de 30 pays afin d’avoir une idée sur les montants des fortunes planquées à l’étranger, l’Algérie n’est pas arrivée à cerner la question, car jusqu’à présent, il n’y a pas de volonté des pays étrangers à coopérer avec le régime algérien en place.
La récupération de ces montants s’annonce donc difficile, et ce, d’autant plus que de nombreux oligarques et personnalités politiques algériens sont titulaires de nationalités des pays où ils ont planqué leur fortune. A cela s’ajoute le fait que certains pays jugent que la justice algérienne est loin d’être irréprochable et décèlent un certain acharnement à l’encontre de proches de l’ancien régime, y voyant des règlements de comptes.