Armement. Voici pour 2025, les 10 plus gros budgets en Afrique

Le 15/01/2025 à 16h18

Global Firepower vient de publier son classement annuel des budgets des armées du monde. Pour cette édition 2025, les dépenses militaires de 145 pays, dont 38 africains, sont passées au crible. Ce sont les pays d’Afrique du Nord qui se hissent en tête du classement continental.

Dans un monde instable où les conflits et les attaques terroristes se multiplient et les tensions régionales deviennent sources de potentielles guerre, les pays augmentent leurs dépenses de défense. Au niveau du continent africain, les pays sont globalement confrontés à une double menace: agression extérieure, notamment les conflits frontaliers, et les défis de sécurité intérieure (terrorisme, rébellion, insurrection…).

Ainsi, les budgets de défense visent à renforcer les capacités militaires des États, sauvegarder leur souveraineté, protéger leurs infrastructures stratégiques et maintenir la paix et la sécurité à l’intérieur de leurs frontières. Pour cela, les budgets de défense servent à payer les salaires des militaires, les charges de fonctionnement, l’acquisition d’armes, la réparation et la modernisation d’armes déjà acquises et soutenir le développement de l’industrie militaire.

Dans un contexte globalement instable – guerre au Soudan, insécurité en Libye, terrorisme au Sahel, rébellion en RDC, terrorisme au Mozambique...-, on comprend la volonté de certains pays d’accroitre leur budget de défense pour faire face aux risques potentiels.

Et au niveau mondial, selon Global Firepower, c’est logiquement les États-Unis qui se hissent au premier rang des 145 budgets défense. En 2025, le budget de la défense de la première puissance militaire mondiale se chiffre à 895 milliards de dollars, soit plus de trois fois celui du second pays, la Chine, dont le budget militaire s’établit à 266,85 milliards de dollars.

La Russie, en guerre meurtrière face à l’Ukraine, soutenue par les pays de l’OTAN, a vu son budget s’établir 126 milliards de dollars. Le Top 5 des plus grands budgets militaires du monde est complété par l’Inde (75 milliards de dollars) et l’Arabie Saoudite (74,76 milliards de dollars).

En Afrique, 38 pays figurent dans le classement de Global Firepower totalisant un budget global de 69,4 milliards de dollars. En raison des tensions régionales, des conflits externes et internes, des luttes contre rebellions et terroristes, les dépenses militaires de nombreux pays africains ont augmenté de manière conséquente.

Outre l’entretien des effectifs militaires, ces dépenses servent aux acquisitions d’avions militaires, d’hélicoptères, de drones, de pièces d’artillerie, de systèmes de défense anti-aériens… En Afrique, les plus gros budgets militaires sont ceux des pays d’Afrique du Nord. L’Algérie, le Maroc et l’Égypte occupent les trois premiers rangs selon Global Firepower.

Depuis quelques années, l’Algérie s’est engagée dans une course à l’armement inquiétante qui tend à déséquilibrer la situation militaire en Afrique du Nord et au Sahel. Une situation qui a entrainé le Maroc dans cette course à l’armement avec une stratégie différente, mais toute aussi dépensière.

Ainsi, selon le classement de Global Firepower l’Algérie se hisse au sommet des pays africains avec des dépenses militaires astronomiques. En 2025, son budget militaire s’est établi à 25 milliards de dollars, en hausse de 10% par rapport à celui de l’année précédente. En matière de dépenses militaires, l’Algérie arrive au 21e rang mondial devant l’Espagne, Taiwan, l’Iran, le Qatar, le Pakistan, le Mexique… Le budget du ministère de la Défense est le premier poste budgétaire en Algérie, même si les autorités essayent de soutenir le contraire en le classant au second rang derrière celui des Finances.

Seulement, le raisonnement des autorités algériennes comporte une anomalie avec une rubrique comptant un énorme montant de 2.198,50 milliards de dinars, soit 16,48 milliards de dollars, figurant dans la case «Crédits non assignés», c’est-à-dire des dépense non prévues, une sorte de «caisse noire» dont le montant dépasse les budgets de l’Éducation (1.645,25 milliards de dinars) et de la Santé (1.004,41 milliards de dinars). Un trompe-l’œil qui vise à faire croire que le budget de la Défense n’est pas le poste le plus budgétivore de l’Algérie.

Le budget militaire algérien dépasse celui de l’Égypte, du Nigeria, de la Libye, de l’Afrique du Sud, de l’Ethiopie, de la Tanzanie, de la Tunisie et du Kenya réunis. Ces huit pays figurant dans le Top 10 des plus grands budgets de défense en Afrique ont un budget cumulé de seulement 20,5 milliards de dollars, loin des 25 milliards de dollars que l’Algérie consacre à sa défense en 2025.

Pour avoir une idée claire de ce que représente le budget de la défense algérienne, il faut souligner qu’il correspond à 21% du Produit intérieur brut (PIB) du pays, c’est-à-dire la richesse créée en une année. C’est le niveau le plus élevé au monde. Ce qui est une aberration pour un pays qui n’a à priori aucun ennemi au niveau de sa sous-région et ne fait face à aucun conflit d’ampleur au niveau de ses pays voisins. À titre de comparaison, le budget de défense des États-Unis représente à peine 3% du PIB.

Cette frénésie d’achat d’armes de l’Algérie a poussé le Maroc à essayer finalement suivre en augmentant aussi fortement son budget de Défense afin d’éviter un déséquilibre en faveur de son voisin de l’Ouest qui ne cesse de multiplier les manœuvres militaires pour montrer ses muscles.

Ainsi, pour cette année, le budget de la défense du Royaume s’est établi à 13,40 milliards de dollars, en hausse de 900 millions de dollars, par rapport au budget de 2024, le classant au 27e rang mondial, devant des pays comme le Qatar, le Pakistan, le Mexique… Ce montant avoisine les 10% du PIB du pays et représente le second poste budgétaire du Royaume après celui de l’Intérieur, mais représente presque la moitié de celui de l’Algérie.

Toutefois, ce budget militaire marocain revêt un caractère différent de celui de l’Algérie. Si le second continue de privilégier des achats d’armes, notamment auprès de la Russie, avec des rétro-commissions importantes que glanent les généraux de l’armée algérienne qui dirigent réellement le pays, au Maroc, cette hausse des dépenses militaires au cours de ces dernières années s’est accompagnée d’une vision stratégique visant à faire du Royaume un acteur de l’industrie de la défense.

Et en matière d’acquisition d’armes, l’accent est mis sur la qualité de son arsenal que sur la quantité avec des acquisitions d’armes de dernières technologies militaires (lance missile multi-calibre, système Alinet de guerre électronique (EW), de drone Hermes 900, missiles de croisière Delilah….

Ainsi, dans le budget 2025 du Royaume, 1,1 milliard de dollars est affecté à l’acquisition des matériels des Forces armées royales et au soutien du développement de l’industrie de défense. Sur ce dernier point, deux zones d’accélération industrielles dans le secteur de la défense sont créées et attirent déjà des constructeurs mondiaux du domaine de la défense dont l’Indien Tata, l’Israélien Elbit Systems qui compte implanter deux unités de production d’armes au Maroc. L’objectif du Royaume est de produire des armes et de devenir à moyen et long terme exportateur de munitions et d’armements (pistolet, mitrailleuses, drones…).

Ainsi, avec un budget en croissance depuis 2004 et surtout au cours de ces dernières années, le Maroc, conscient des défis qui menacent sa sécurité, cherche à renforcer sa position en tant que puissance défensive majeure au niveau du continent africain.

Une chose est sure, le poids des budgets militaires pèse énormément au niveau de l’Algérie et du Maroc qui font face à d’autres défis de développement plus importants à relever. En consacrant de tels montants à la défense (l’équivalent de 21% du PIB pour l’Algérie et 10% pour le Maroc), les deux pays gaspillent d’importantes ressources lesquelles, allouées à d’autres secteurs vitaux comme l’éducation, la santé et les infrastructures, auraient impacté positivement leur développement et celui de la région.

Loin derrière les deux pays maghrébins, suit l’Égypte avec un budget de 5,90 milliards de dollars. Le budget que l’Égypte, qui dispose de la première armée du continent, ne figure désormais qu’en 3e position au niveau africain et au 46e rang mondial.

D’ailleurs, l’Égypte ne cesse de reculer en tant que puissance militaire mondiale. Après s’être hissée au 9e rang en 2020, elle occupe désormais le 19e rang mondial en 2025, demeurant tout de même le seul pays africain du Top 25 des plus grandes puissances militaires du monde.

Le recul du budget militaire de l’Égypte ces dernières années en dépit des tensions régionales, s’explique certainement par la conjoncture économique difficile que traverse le pays en grande partie causée par les dépenses pharaoniques occasionnées par la nouvelle capitale administrative Sissi City qui a réduit les marges de manœuvre budgétaire du pays. L’important service de la dette, qui dépasse les 20 milliards de dollars par an, n’est pas non plus étranger à ce recul.

Derrière les trois pays d’Afrique du Nord, suivent le Nigeria, première puissance démographique du continent, qui fait face depuis plusieurs années face à la nébuleuse terroriste Boko Haram et depuis quelques temps à l’État islamique, avec un budget de 3,16 milliards de dollars qui le classe au 59e rang mondial, devant la Libye, 60e mondiale, avec un budget de 3,06 milliards de dollars.

Top 10 des budgets de Défense des pays africains

Rang AfriquePaysBudget défense
(en milliards de dollars)
Rang mondial
1erAlgérie2521e
2eMaroc13,427e
3eÉgypte5,946e
4eNigeria3,159e
5eLibye3,060e
6eAfrique du Sud2,369e
7eÉthiopie2,171e
8eTanzanie1,478e
9eTunisie1,479e
10eKenya1,381e

Source: données tirées du Global Firepower

Le Top 10 africain des plus grands budgets de Défense est complété par l’Afrique du Sud (69e avec un budget de 2,27 milliards de dollars), l’Éthiopie (71e, 2,10 milliards de dollars), la Tanzanie (78e, 1,41 milliard de dollars), la Tunisie (79e, 1,40 milliard de dollar) et le Kenya (81e, 1,31 milliard de dollars).

Par Moussa Diop
Le 15/01/2025 à 16h18