Les affrontements, parfois meurtriers, entre Camerounais sont régulièrement rapportés par les médias. Le dernier en date évoque des civils de l’Ouest du Cameroun qui sont régulièrement victimes d’«atrocités», dont des exécutions, torture et viols, commises par les forces de l’ordre et les séparatistes armés en conflit dans cette région majoritairement anglophone, s’est alarmée le 4 juillet dernier l’ONG Amnesty International. Ces affrontements actuels, avec leurs lots de morts et de destruction, sont la plaie encore ouverte d’un passé fait de colonisations multiples.
Un retour sur l’histoire de ce pays s’impose pour comprendre l’origine de ce conflit qui déchire toute une nation.
Le nom Cameroun vient de Rio dos Camaroes (rivière des crevettes en portugais), faisant référence au fleuve Wouri à Douala où ce crustacé au goût succulent était en abondance. Par la suite, Cameroes au ainsi connu plusieurs mutations avant de devenir Cameroun en français et Cameroon en anglais.
Après le passage des Portugais, des Espagnols et bien d’autres impérialistes, le Cameroun deviendra un protectorat allemand le 12 juillet 1884. Malheureusement, l’issue de la Première Guerre mondiale ne sera pas favorable à cette puissance colonisatrice. Les vainqueurs, la France et l’Angleterre, qui convoitaient déjà les colonies de l’Allemagne vont faire main basse sur le Cameroun en y instaurant une administration conjointe avec le concours de la défunte Société Des Nations (SDN) qui sera remplacée plus tard par l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Le territoire camerounais avait été préalablement délimité par l’Allemagne sur une superficie d’environ 790.000 Km².
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De cette administration conjointe, la France va occuper les 4/5 ème du Cameroun allemand et sera chargée d’envoyer les rapports de son administration au Conseil de la SDN compte tenu du statut particulier du Cameroun. Les Anglais le reste de ce territoire éclatent leur partie en deux entités distinctes. Une entité sera plus tard rattachée au Nigéria voisin réduisant considérablement le territoire camerounais sous protectorat allemand.
Le nouveau Cameroun, toutes les parties comprises, s’étend désormais sur une superficie de 475.442 km² lorsque les nationalistes exigent l’indépendance de leurs territoires.
C’est ainsi que la partie du Cameroun administrée par la France obtiendra son indépendance le janvier 1960 et celle administrée par l’Angleterre, le 1er octobre 1961.
Ce même jour du 1er octobre 1961, Amadou Ahidjo alors Président de la République du Cameroun français et John Ngu Foncha, président du Cameroun britannique s’accordent pour le ralliement du Cameroun britannique au Cameroun français. L’acte de la réunification des deux Cameroun sera ainsi signé pour la naissance de la République fédérale du Cameroun.
Le 20 mai 1972, la République fédérale du Cameroun devint la République Unie du Cameroun et en 1984 soit deux ans après l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême, la République Unie du Cameroun laisse place à la République du Cameroun pour un pays plus homogène.
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Toutefois, les Camerounais d’expression anglaise n’ont cessé de dénoncer la marginalisation dont ils sont victimes dans toutes les administrations publiques. La marginalisation qui part de la quasi-totale domination de la langue française sur l’anglais au mépris de la clause sur la parfaite égalité des deux langues dans le pays.
Ces populations dénoncent également l’extrême pauvreté en infrastructures à la quelle leurs régions sont confrontées aggravée par le non-partage du pouvoir au sommet de l’Etat où le poste de Premier ministre ne leur est plus attribué automatiquement. Un poste qui était destiné à un anglophone lorsque le mandat suprême était accordé à un francophone et vice-versa. De nombreux experts expliquent les mouvements sécessionnistes qui ont lieu au Cameroun depuis 2019 par ces insuffisances dans la gouvernance du pays.
Doit-on alors retourner à l’Etat fédéral pour mettre fin aux différentes tensions sociales que le pays connait? A cette question le député de l’Assemblée nationale de l’Union Démocratique du Cameroun (UDC), Adamou Youmo Koupit répond: «Pour résoudre toutes ces tensions et notamment la crise dite anglophone, il faut juste une gestion harmonieuse des biens de la nation. Les Camerounais n’ont pas de problème avec la forme de l’Etat. C’est parce qu’ils ne se reconnaissent pas dans notre système de gouvernance. Si le régime actuel applique effectivement la décentralisation comme cela a été prévu dans la constitution de 1996, nos frères du Sud-Ouest et du Nord-Ouest ne parleront plus de sécession». Quelques personnes dans le pays sont tout de même pour le retour au fédéralisme.