Côte d’Ivoire : ce qu’il faut savoir sur la nouvelle loi d’extradition

Sansan Kambilé, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de Côte d'Ivoire (au centre).

Le 12/05/2024 à 15h54

La nouvelle loi sur les extraditions en Côte d’Ivoire pourrait avoir des implications majeures pour plusieurs profils de personnes, notamment les personnalités politiques, les grands délinquants économiques et financiers, ainsi que les personnalités du monde des affaires. Détails de la réforme soutenue par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Sansan Kambilé.

Avec l’adoption par le Sénat de la réforme de la loi relative à l’extradition, la Côte d’Ivoire se dote d’un arsenal juridique qui aligne la législation du pays sur les standards internationaux en matière de droits humains et de coopération judiciaire transfrontalière.

La nouvelle loi régit désormais l’ensemble des procédures d’extradition, qu’elles soient actives (obtenir la remise d’une personne réclamée par la Côte d’Ivoire) ou passives (remettre une personne réclamée par un autre État). Elle s’applique en l’absence de tout traité bilatéral ou multilatéral et définit un cadre clair pour ces situations.

Des garanties renforcées pour les droits fondamentaux

En conformité avec les engagements internationaux de la Côte d’Ivoire, le nouveau texte apporte des garde-fous supplémentaires pour la protection des droits humains. L’extradition ne pourra être accordée que si la peine capitale n’est pas encourue dans l’État requérant ou que des assurances ont été obtenues qu’elle ne sera pas appliquée. De même, le risque avéré de torture ou de traitements inhumains ou dégradants dans le pays de destination constitue un motif de refus obligatoire.

La réforme délimite précisément les compétences respectives des différents intervenants dans la procédure d’extradition, judiciaires (juridictions d’instruction et de jugement) comme non judiciaires (ministères et présidence). Les voies de recours ouvertes aux personnes concernées sont également précisées, de même que les délais à respecter, renforçant la sécurité juridique.

Les profils de personnes exposés

Si la majorité des extraditions concernent des affaires de droit commun (criminalité organisée, trafics, etc.), la nouvelle loi pourrait avoir des implications majeures pour certains profils spécifiques. En premier lieu, les personnalités politiques sont directement concernées. En période de crise ou de transition démocratique, l’extradition peut être utilisée comme un outil de règlement des contentieux politiques. Dans ce contexte, il est crucial d’avoir des garanties renforcées afin de prévenir les dérives.

Ensuite, les grands délinquants économiques et financiers sont également visés par cette loi. La délinquance en col blanc étant devenue de plus en plus transnationale, une coopération judiciaire efficace est indispensable pour réprimer ces infractions à l’échelle mondiale. L’extradition constitue donc un moyen essentiel pour traduire en justice ces criminels et assurer l’intégrité du système économique.

Enfin, les personnalités du monde des affaires, en particulier les chefs d’entreprise en déplacement, peuvent également être exposées au risque d’arrestation à l’étranger. Dans ce contexte, la nouvelle loi sur les extraditions vise à établir un cadre juridique clair pour encadrer ces situations.

Enjeux géopolitiques et économiques

Au-delà des aspects juridiques, cette réforme de l’extradition en Côte d’Ivoire revêt des enjeux géopolitiques et économiques majeurs. Sur le plan diplomatique, elle renforce l’attractivité du pays comme partenaire fiable de la coopération judiciaire internationale. Cela facilite les relations avec certains pays développés particulièrement regardants sur ces sujets.

D’un point de vue économique, en sécurisant le cadre juridique, la nouvelle loi participe à l’amélioration du climat des affaires et de l’environnement réglementaire pour les investisseurs étrangers en Côte d’Ivoire.

Enfin, dans une région africaine marquée par l’insécurité, le renforcement des outils de coopération judiciaire peut contribuer à la stabilité, facteur clé pour le développement économique durable.

Par Le360 Afrique (avec MAP)
Le 12/05/2024 à 15h54