Défense. En produisant ses propres armes, l’Égypte déclare la guerre aux importations

Un prototype du drone Hamza 2 qui sera produit par l'Egypte en partenariat avec la Chine.

Le 03/12/2025 à 16h21

Mettant à profit le Salon international Egypt Defence Expo 2025, le Caire dévoile ses ambitions de développement d’une véritable industrie militaire diversifiée pour réduire sa dépendance aux importations. Outre les dernières productions d’armes évoluées, ce salon a vu l’annonce de la production locale du drone de combat Hamza 2 en partenariat avec la Chine.

Première puissance militaire et longtemps premier budget de la défense du continent, l’Égypte s’est engagée depuis plusieurs années dans une politique de développement de son arsenal militaire. Une volonté qui s’est matérialisée au fil des ans par le développement d’une industrie de défense diversifiée qui produit une large gamme d’armements dont des armes légères telles que le fusil d’assaut Misr, des munitions, de véhicules blindés, des drones, des navires, des missiles,… Une ligne de production d’obusier K9 A1 EGY de 155mm/calibre 52 viendra accroitre la production d’armes du pays à partir du premier semestre 2026.

Vu le rôle majeur que jouent les drones depuis la guerre du Haut-Karabakh et plus récemment celle opposant la Russie à l’Ukraine où ces engins ont changé la nature des conflits armés, le pays des pharaons s’est engagé à en produire davantage.

C’est dans ce contexte qu’en marge de la 4e édition d’Egypt Defence Expo (EDEX 2025), qui se déroule du 1er au 4 décembre, un protocole d’entente a été signé le 1er décembre entre l’Organisation Arabe pour l’Industrialisation (AOI) d’Égypte et la société chinoise Norinco, China North Industries Corporation, l’un des plus importants conglomérats de défense de Chine.

Un drone baptisé Hamza-2, coproduit avec des composants chinois et assemblé dans les usines aéronautiques égyptiennes, a été présenté lors de cet évènement. Ce drone, basé sur la plateforme ASN-209, aura un rôle opérationnel au-delà de la simple surveillance, étant équipé de points d’emport sous les ailes pour l’armement guidé. Hamza 2, équipé de munitions guidées, ressemble au dérivé de la plateforme chinoise ASN-209, un drone de moyenne altitude à double bras capable d’effectuer des missions de reconnaissance et de frappes en temps réel.

«Nous accordons une grande importance à notre partenariat avec l’entreprise chinoise», a souligné le président de l’AOI, le major général ingénieur Mokhtar Abdel Latif, dans un communiqué, ajoutant que «cette coopération comprend la localisation des technologies et l’augmentation de la part de la production locale de systèmes pour l’industrie de la défense, en tirant parti des capacités de production avancées de l’usine aéronautique».

A travers cette fabrication de drone, l’Égypte affiche sa volonté de moderniser son secteur de la défense et réduire sa dépendance aux importations d’armes. Le drone comprendra des composants locaux, l’Égypte misant sur le transfert de connaissances techniques chinoises. Cependant, les autorités égyptiennes n’ont dévoilé ni le contenu local, ni les capacités de production et encore moins les possibilités d’export des drones fabriqués sur place.

Avec ce drone, l’Egypte se lance dans la production d’une arme, beaucoup moins coûteuse et surtout plus efficace sur le terrain des guerres modernes. D’ailleurs, tous les pays africains s’en procurent à partir de Chine et de Turquie. En décidant d’en produire localement, l’Égypte pourrait s’inscrire parmi les exportateurs de ces armes très sollicitées par les pays du continent où elle exporte déjà certaines armes, des munitions, des véhicules blindés…

En marge d’Egypt Defence Expo, le ministre d’État pour la Production militaire, Mohamed Salah El-Din, a présenté devant le président égyptien et plusieurs délégations étrangères, de nouvelles armes développées localement dont le Rad’e 300, un lance-roquette guidé chenillé capable de tirer différents types de munitions sur des cibles distantes de jusqu’à 300 km, et le Sina 806, un véhicule blindé de dépannage et de réparation, entièrement fabriqué en Égypte.

Lors de cette manifestation, l’Égypte a également dévoilé une avancée majeure avec la production locale d’acier blindé. Des plaques d’une épaisseur de 30 mm et de 240 cm de largeur sont désormais fabriquées localement, plaçant l’Égypte parmi les six pays du monde à même de produire ce type d’acier.

L’Égypte est aussi en négociations poussées pour produire localement des avions de combat. En 2022, le Caire avait commandé 83 avions multi-rôles légers HAL Tejas Mk-1 A de 4e génération auprès de l’Inde, commande assortie d’une implantation du fabricant indien d’avions militaires légers Hindustan Aeronautics Limited Tejas (HAL Tejas) dans le pays. Toutefois, les pourparlers se poursuivent. En septembre 2024, une délégation égyptienne de haut niveau a visité les installations de Hindustan Aeronautics Limited (HAL).

Tout récemment, un accord portant sur l’achat de 100 avions de combat légers FA-50 a été annoncé avec la Corée du Sud, incluant un transfert de technologie important. Cet accord, une fois finalisé, devrait entrainer l’importation de 30 avions et l’assemblage localement de 70 autres sud-coréens T-50 Golden Eagle et FA-50 Fighting Eagle dans le cadre d’un accord avec Korea Aerospace Industries (KAI) et les autorités égyptiennes.

Pour rappel, l’Égypte dispose d’une longue tradition d’industrie aéronautique militaire à Helwan, un centre historiquement connu pour le développement du chasseur supersonique Helwan HA-300 dans les années 1960. L’Égypte fabrique sous licence le K-8E Karakoroum, un avion d’entrainement et d’attaque à réaction, fruit d’un partenariat entre Pakistan Aeronautical Complex et China Nanchang Aircraft Manufacturing Corporation. Cet appareil est produit en Égypte à partir de kits chinois.

Ainsi, à travers ces implantations, l’Égypte renforce sa position de première puissance militaire du continent africain et se rapproche davantage de son ambition de développer une véritable industrie militaire grâce au transfert de technologies qui accompagnent ces contrats de délocalisation. Ce processus de production à domicile va permettre au pays de réduire sa facture d’importations d’armes. Longtemps premier importateur, le Caire a été dépassé par Alger ces dernières années. L’Egypte veut désormais figurer dans le cercle fermé des exportateurs d’armes.

Par Moussa Diop
Le 03/12/2025 à 16h21