Gabon: vers l’adoption d’une Constitution controversée?

Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, en compagnie de son Premier ministre Raymond Ndong Sima, reçevant, le 31 août 2024, le rapport final sur la nouvelle Constitution gabonaise.

Le 09/09/2024 à 11h03

VidéoLe Gabon entame une nouvelle étape de l’agenda de la transition. À la demande des nouvelles autorités du pays, le Parlement réuni en congrès devra statuer sur le projet de la nouvelle Constitution avant son vote soumis à un référendum entre novembre et décembre 2024.

Déjà présenté au général président de la république, Brice Clotaire Oligui Nguema par le Comité constitutionnel qui avait pour mission de l’élaborer, le projet de la nouvelle Constitution s’articule autour de plusieurs dispositions. Il instaure notamment un régime présidentiel, en raison notamment de la suppression du poste de Premier ministre. Le président de la République sera élu pour un mandat de 7 ans, renouvelable une fois.

Le document veut par ailleurs faire de la fonction présidentielle l’apanage des Gabonais d’origine. Il stipule en effet que tout prétendant à la magistrature suprême doit avoir des parents nés Gabonais. C’est cette disposition qui suscite de vifs débats au sein d’une société caractérisée par un métissage culturel.

À Libreville, les réactions fusent de toute part, soit pour fustiger soit pour soutenir les grandes lignes du projet de la future Constitution. «Le temps a prouvé avec les récents événements au Gabon, ceux qui nous dirigeaient n’avaient pas la fibre patriotique, il nous faut donc un président qui sera plus proche de nos réalités», a affirmé, Oscar, agent de sécurité.

Dans les quartiers, rues, bars, taxis et marchés de la ville, une précampagne du pouvoir invitant les populations à dire oui à la nouvelle Constitution, bat son plein. Selon Kenny, jeune diplômé sans emploi, cette préférence nationale peut s’expliquer, «si le Gabonais estime qu’il faut un Gabonais à la tête de l’État, ça nous va», soutient-il.

En revanche, d’autres citoyens estiment que ces critères d’éligibilité sont subjectifs. «Être né en territoire gabonais pour moi ça suffit. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir un candidat avec un bon projet de société ayant pour axes prioritaires la lutte contre le chômage des jeunes et le bien-être social des Gabonais», a dit Ondo, étudiant au département des sciences économiques de l’Université Omar Bongo.

Marie-Paule, une autre étudiante n’est pas loin de cet avis même si pour le moment elle reste sur la réserve, «je trouve que c’est vraiment difficile de donner son avis. Mais on fait confiance aux autorités. On se dit qu’ils ont fait le tour de la question et savent pourquoi il faut en arriver là», estime-t-elle.

Même si cette disposition est encore une simple recommandation des assises du dialogue, Donald, photographe ambulant, note que le débat en cours relève bien plus d’une question liée à l’identité du futur président. «Lorsqu’on connait les besoins et aspirations de la population, on peut efficacement répondre à leurs attentes», déclare-t-il.

Le sujet divise l’opinion avant même un éventuel toilettage du texte à la veille de la mise en place de l’assemblée constituante et le référendum prévu d’ici la fin de l’année. «Moi je trouve cette idée tout à fait juste et ça ne pose aucun problème au niveau de l’étique... À l’époque, on était dans un contexte ou n’importe qui pouvait devenir président. Or, à présent pour être président, il faut être un Gabonais d’origine», explique Max Mendome, enseignant-chercheur.

Lors de la campagne référendaire à venir, les dispositions de la future loi fondamentale seront au centre des débats. Il s’agira d’analyser la justification politique et la pertinence juridique d’un texte appelé à remplacer la Constitution du 26 mars 1991. Celle-ci sera en sa 9ème modification en 32 ans, soit une fois tous les trois ans environ.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 09/09/2024 à 11h03