Les deux nations voisines d’Afrique centrale se disputent depuis le début des années 1970 Mbanié, une île d’une trentaine d’hectares, et deux îlots plus petits, Cocotiers et Conga.
«La Cour internationale de justice reconnaît clairement la souveraineté territoriale du Gabon sur les zones d’Ebebyin et de Mongomo», deux villes équatoguinéennes, a réagi la porte-parole du gouvernement Laurence Ndong au journal télévisé lundi soir.
En 1900, la France et l’Espagne, alors puissances coloniales, avaient signé à Paris un traité établissant les frontières entre les deux pays.
Mais le Gabon soutient qu’un traité ultérieur signé en 1974, la convention de Bata, lui confère la souveraineté sur les îles.
Les îlots sont minuscules et pratiquement inhabités, mais se trouvent dans une zone potentiellement riche en pétrole et en gaz, à une dizaine de kilomètres de la terre équato-guinéenne la plus proche et à une vingtaine de kilomètres des côtes du Gabon.
La CIJ, qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, a cependant estimé lundi que cette convention «n’est pas un traité faisant droit» et «ne constitue pas un titre juridique».
La cour a déclaré que le titre légal sur les îles était détenu par l’Espagne, qui l’a ensuite transmis à la Guinée équatoriale lorsque celle-ci est devenue indépendante en 1968.

Contrairement à la plupart des pays comparaissant devant la CIJ, qui statue sur les différends entre États, le Gabon et la Guinée équatoriale s’étaient accordés pour demander aux juges de statuer dans le but de trouver une solution à l’amiable.
Les deux pays avaient demandé à la CIJ de décider quels textes juridiques sont valides, pas de dire spécifiquement quelle nation détient la souveraineté sur ces îles.
Après l’énoncé de la décision lundi, un représentant du Gabon, Guy Rossatanga-Rignault, a estimé qu’il appartenait désormais aux parties de négocier.
«Le Gabon et la Guinée équatoriale sont condamnés à vivre ensemble», il va donc falloir des négociations «pour régler tous ces problèmes», a-t-il dit.
Les représentants de la Guinée équatoriale ne se sont pas exprimés après la lecture de la décision.
«Bouts de papier»
Lors d’audiences en amont, la Guinée équatoriale a affirmé que le Gabon occupait illégalement les îlots depuis qu’il les a envahis en 1972, et contesté la validité de la convention de Bata.
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Le vice-ministre équato-guinéen des Mines et des Hydrocarbures, Domingo Mba Esono, a déclaré que les fonctionnaires gabonais avaient soudainement brandi ce traité lors d’une réunion entre les deux pays en 2003, prenant la délégation équato-guinéenne «complètement par surprise».
«Personne n’avait vu ou entendu parler de cette supposée convention. De plus, le document présenté n’était pas un original mais seulement une photocopie non authentifiée», a déclaré M. Esono.
Philippe Sands, un avocat représentant la Guinée équatoriale, a affirmé que la Cour entrerait «dans le monde de l’invraisemblance et du ridicule» en accordant du crédit à ces «bouts de papier».
«On vous demande de statuer qu’un État peut s’appuyer sur une photocopie d’une photocopie d’un prétendu document, dont l’original est introuvable et dont il n’a pas été fait mention et auquel on ne s’est pas fié pendant trois décennies», a-t-il déclaré.
Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente honoraire de la Cour constitutionnelle du Gabon, a revendiqué la validité de la convention de Bata qui, selon elle, «a résolu l’ensemble des questions de fond» concernant les frontières.
Mme Mborantsuo a admis que «malheureusement, ni l’une ni l’autre des deux parties n’[a] retrouvé l’original du traité de la convention de Bata».
Le traité a été établi lors d’une période précédant l’ère électronique et du stockage de données, marquée par une «mauvaise tenue des archives», a-t-elle déploré.