La Tunisie «annonce le retrait de sa reconnaissance de la compétence de la CADHP pour accepter les recours des personnes et des organisations non gouvernementales», a indiqué le ministre des Affaires étrangères Mohamed, Ali Nafti, dans une «déclaration» datant du 3 mars, partagée depuis jeudi par des militants des droits.
En 2017, la Tunisie s’était engagée à permettre à sa population et aux ONG de saisir cette Cour, créée par l’Union africaine, et basée à Arusha (Tanzanie).
Depuis le coup de force du président Kaïs Saied en juillet 2021, des dizaines d’opposants, hommes d’affaires et personnalités des médias ont été arrêtés et sont poursuivis notamment pour l’accusation grave de «complot contre la sûreté de l’Etat». Il s’agit de procès «politiques» pour écarter les voix critiques, selon l’opposition et des ONG qui dénoncent une régression croissante des droits et libertés.
Les familles de quatre opposants incluant l’islamo-conservateur Rached Ghannouchi avaient saisi en mai 2023 la CADHP pour exiger leur libération immédiate. En août suivant, la Cour avait épinglé la Tunisie, lui demandant de faire le nécessaire «pour éliminer les barrières qui empêchent les quatre détenus d’accéder et de communiquer avec les avocats et médecins de leur choix».
Le retrait tunisien est «un engagement historique réduit à néant» et «un reniement ignoble des engagements pris par la Tunisie en matière de justice et protection des droits humains», a réagi le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT).
Cette décision «empêche les citoyens tunisiens et les ONG de défense des droits de saisir directement la Cour africaine pour alléguer de violations commises par l’Etat tunisien et demander les remèdes et indemnisations auxquels ils ont droit», selon l’ONG.
Ce retrait constitue «une échappatoire face aux arrestations arbitraires, à la répression des opposants et des journalistes, ainsi qu’aux restrictions croissantes des libertés publiques», a poursuivi la CRLDHT.
La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) a dénoncé «un dangereux recul et une tentative de se retirer d’institutions judiciaires indépendantes, capables de lutter contre l’impunité et garantir la justice», fustigeant une décision «prise de manière secrète».