Législatives à suspense à Maurice sur fond de scandale d’écoutes

Législatives: une campagne marquée par un scandale d'écoute à grande échelle.

Le 07/11/2024 à 09h48

Les Mauriciens sont appelés à élire leurs députés dimanche après une campagne marquée par un scandale d’écoute à grande échelle qui a ravivé les craintes d’érosion démocratique dans l’archipel, l’un des pays les plus stables d’Afrique.

Dans cette république qui n’a connu que trois familles à la tête de son gouvernement depuis son indépendance en 1968, le Premier ministre Pravind Kumar Jugnauth espère remporter un nouveau mandat de cinq ans.

Il s’y présente fort de la conclusion début octobre d’un accord « historique » entre Maurice et Londres sur la souveraineté de l’archipel des Chagos, vu comme un succès majeur pour le gouvernement mauricien après plus d’un demi-siècle de litige.

Mais un scandale d’écoute a rapidement entaché sa campagne après que des extraits de conversations téléphoniques de politiciens, membres de la société civile, diplomates et journalistes ont été diffusés sur les réseaux sociaux courant octobre.

Les autorités ont annoncé le blocage des réseaux jusqu’après le scrutin, avant de se raviser face au courroux de l’opposition.

Le scrutin s’annonce donc indécis selon les observateurs.

Environ un million d’électeurs sont inscrits pour ces douzièmes législatives de l’histoire de la république parlementaire mauricienne, où le leader de l’alliance qui obtient la majorité devient Premier ministre puis nomme le président.


Si Maurice, avec son économie portée par le tourisme et les services financiers, est vue comme l’une des démocraties les plus stables d’Afrique depuis son indépendance du Royaume-Uni, des observateurs y voient des signes d’érosion démocratique.

«Au cours des cinq dernières années, les institutions chargées d’assurer les freins et contrepoids n’ont pas fonctionné et la corruption a augmenté», estime ainsi la chercheuse en démocratie Roukaya Kasenally.

Elle cite en exemple des scandales de passation de marchés pendant la pandémie de Covid-19, le harcèlement des partis d’opposition, ou la répression policière contre les opposants politiques.

Le mois dernier, Maurice est également passée de la première à la deuxième place au classement de l’indice Ibrahim, qui évalue la gouvernance sur le continent africain.

L’indice a mis en évidence une aggravation de la discrimination, que Mme Kasenally attribue à la discrimination «systématique» dont est victime la population créole descendante d’esclaves africains.

«Miracle» en doute

L’île Maurice est majoritairement hindoue mais compte d’importantes minorités chrétiennes et musulmanes.

«Après l’indépendance, nous avons développé cette réussite démocratique et cette économie du ”miracle mauricien”, et nous n’avons jamais pensé que nous allions régresser», selon Mme Kasenally. Mais du coup, «un certain nombre de problèmes n’ont pas été sérieusement abordés», a-t-elle ajouté, citant notamment le modèle électoral du «gagnant remporte tout» où des coalitions uniques dominent souvent le parlement.

L’Alliance menée par le Mouvement socialiste militant (MSM) de Pravind Kumar Jugnauth avait remporté les législatives de 2019 lors du dernier scrutin 38 des 70 sièges de députés, ce qui lui avait donné la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Cette victoire dans les urnes avait assis la légitimité du politicien de 62 ans, qui avait succédé en 2017 à son père sir Anerood Jugnauth.

Son principal adversaire est Navin Ramgoolam, 77 ans, chef du Parti travailliste (PTr) et ancien Premier ministre (1995-2000 et 2005-2014).

Il est le fils de Seewoosagur Ramgoolam, qui avait conduit l’ex-colonie britannique à l’indépendance avant d’en devenir le premier chef de gouvernement, poste qu’il a gardé jusqu’en 1982.

Les blocs politiques de MM. Ramgoolam et Jugnauth affronteront également une alliance qui se présente comme une alternative aux partis et patronymes traditionnels avec le slogan «Ni Navin, ni Pravind», et critique la corruption et le népotisme dans l’archipel.

La date de ces élections législatives a été annoncée en octobre, à l’approche de la fin du mandat quinquennal des députés, au lendemain de l’accord sur les Chagos, que les Britanniques administraient depuis 1965 et d’où ils avaient chassé les habitants pour installer une base militaire américaine.

Londres y reconnaît la souveraineté de l’île Maurice, mais reste autorisé à garder le contrôle de la base militaire «pendant une période initiale de 99 ans».

Des observateurs à Maurice ont suggéré que l’élection de Donald Trump pourrait menacer l’accord, en raison de son approche sur la présence américaine dans l’océan Indien.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 07/11/2024 à 09h48