«Ce que nous voulons avant tout, c’est la paix», assure Melvine Zoega, 37 ans. «On le dit aux jeunes: il faudra accepter la défaite, qu’importe celui qui gagne», renchérit David Tokpah, 55 ans. «Notre passé a été trop horrible pour que ça recommence», insiste-t-il.
Assis sous un abri de tôle qui jouxte une station essence de Buchanan, à quelque 150 km à l’est de Monrovia, les hommes se lèvent un à un pour défendre leur candidat et énoncer leur priorité: un meilleur système de soins et d’éducation, une vie moins chère, plus de routes, plus d’emplois et le maintien de la paix.
La mort récente de trois personnes dans le nord-ouest lors d’affrontements entre partisans des deux principales forces politiques a rallumé chez eux les craintes d’un retour de la violence dans un pays encore meurtri par des guerres civiles qui ont fait 250.000 morts entre 1989 et 2003.
Les autorités promettent des élections libres et pacifiques, jurent de traquer les fauteurs de troubles, tandis que la commission électorale s’évertue à rassurer sur sa capacité à organiser un scrutin juste et crédible.
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L’Union européenne, l’Union africaine, la Communauté des Etats ouest-africains et les Etats-Unis ont déployé des observateurs pour s’en assurer, dans une région où la démocratie est remise en cause par la multiplication des coups d’Etat.
Développement et corruption
Un second tour est prévu début novembre à moins qu’un candidat n’obtienne la majorité absolue dès le premier, ce qui est improbable.
Les bureaux de vote seront ouverts de 08H00 à 18H00 GMT aux 2,4 millions d’électeurs qui renouvelleront aussi les 73 sièges de la Chambre des représentants et quinze membres du Sénat. Les premiers résultats sont attendus quelques jours plus tard.
Si l’élection est volée, «ce sera la fin de ce pays», a laissé entendre Joseph Boakai, l’un des favoris du scrutin, candidat du Parti de l’Unité. Ces propos ont été interprétés par certains comme une menace de violence.
A 78 ans, l’ancien vice-président (2006-2018) veut sa revanche contre le président sortant, contre qui il avait perdu au deuxième tour en 2017.
Fort d’une longue expérience politique, il a noué des alliances avec des barons locaux, dont l’ancien chef de guerre et sénateur Prince Johnson, toujours influent dans la province clé de Nimba (nord), qui avait soutenu M. Weah à la dernière présidentielle.
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M. Boakai promet de redorer le blason du pays, de développer les infrastructures et d’améliorer la vie des plus démunis. Plus d’un cinquième de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la Banque mondiale, et les prix des aliments de base ont explosé.
M. Boakai met aussi en avant sa probité au service de l’Etat, accusant M. Weah de servir un système corrompu.
Washington a sanctionné cinq hauts responsables libériens pour corruption présumée en trois ans.
Le Liberia occupe la 142e place sur 180 dans le classement de l’ONG Transparency international pour la corruption en 2022.
«Homme de la situation»
«Regardez les pays africains et dites moi quel pays n’est pas corrompu», objecte George Mobo, 30 ans, dans le bidonville de Westpoint, à Monrovia. Ses principales préoccupations sont la création d’emplois, l’éducation et la paix, pas la corruption. Ses amis opinent, assis à proximité d’un stade de foot flambant neuf, œuvre du président.
«Le président est l’homme de la situation. Il a fait construire des routes, a supprimé les droits d’entrée à l’université et tout cela alors qu’il y a eu le coronavirus pendant deux ans», estime John Seaton, 24 ans. «Maintenant, il a l’expérience pour faire encore mieux», ajoute-t-il.
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A 57 ans, l’ex-attaquant de génie du PSG, de Monaco et de l’AC Milan, unique Ballon d’or africain en 1995, gamin des bidonvilles de Monrovia, conserve une forte popularité chez les jeunes qui s’identifient à lui dans un pays dont plus de 60% de la population a moins de 25 ans. En 2017, il l’avait emporté avec plus de 61% au second tour contre Joseph Boakai.
Dans les rues de la capitale, son portrait le montrant aux côtés de sa collistière Jewel Howard-Taylor, ex-femme de Charles Taylor, un acteur majeur de la guerre civile condamné pour crime contre l’humanité, est partout.
Son parti, le Congress for Democratic Change (CDC) multiplie les cortèges dans les rues, leurs enceintes déversant des musiques à sa gloire à plein tube.
Outre Joseph Boakai, Alexander Cummings, philanthrope et ancien dirigeant de Coca-Cola, et l’avocat défenseur des droits humains Tiawan Gongloe sont ses principaux rivaux. Leur résultat pourrait être déterminant dans la perspective d’un second tour.