«Nous devons compter sur nos propres forces»: les Ivoiriens saluent l’annonce du retrait de l’armée française

Des soldats de l'armée française stationnés en Côte d'Ivoire circulent à bord d'un véhicule blindé, le 10 octobre 2017

Des soldats de l'armée française stationnés en Côte d'Ivoire circulent à bord d'un véhicule blindé, le 10 octobre 2017. AFP or licensors

Le 14/01/2025 à 08h55

VidéoLa base militaire française de Port-Bouët sera rétrocédée à la Côte d’Ivoire d’ici fin janvier. L’annonce du Président de la République Alassane Ouattara, dans un contexte de redéfinition des relations entre la France et ses anciennes colonies africaines, est unanimement saluée par les Ivoiriens.

Ce retrait de la base militaire française du 43e Bataillon d’Infanterie de Marine (BIMA), située dans la commune de Port-Bouët à Abidjan, prévu de longue date par les autorités françaises et ivoiriennes, a été officialisé par le président ivoirien qui, lors de son adresse, a tenu à préciser qu’il ne s’agit pas d’un désaveu, mais d’un retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire.

«Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des Forces Françaises en Côte d’Ivoire», a déclaré le chef de l’État. Avant de préciser que le camp serait remis aux Forces armées de Côte d’Ivoire (FACI) et renommé «Camp du Général Ouattara Thomas d’Aquin», en hommage au premier chef d’Etat-major de l’armée ivoirienne.

Dans les rues d’Abidjan, tous les Ivoiriens sont unanimes, s’alignent sur cette décision qui représente une avancée vers l’autonomie totale du pays. «C’est un moment de fierté nationale. Nous devons apprendre à compter sur nos propres forces», affirme Fousséni Koussougbé, commerçant à Yopougon.

Selon eux, aucune inquiétude ne se dessine à l’horizon car «la capacité de l’armée ivoirienne peut combler ce vide. Cette décision ne peut pas mettra pas notre sécurité en péril. Nous avons été tous témoins le 7 août 2024, lors de la célébration de l’indépendance du pays, les arsenaux que possèdent notre pays. Il n’y a donc aucune crainte, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui capable d’assurer sa sécurité…», déclare Kouadio Mankédjé, étudiant.

Les analystes politiques quant à eux, notent que ce départ reflète aussi une volonté croissante de redéfinir les relations entre l’Afrique et la France. «Il s’agit de répondre aux aspirations des peuples africains qui souhaitent une relation plus équilibrée avec l’ancienne puissance coloniale», explique l’économiste et politologue François Koffi, joint au téléphone.

Cependant le retrait des forces françaises implique des défis importants pour la Côte d’Ivoire. Sur le plan sécuritaire, le pays devra renforcer ses capacités pour faire face à des menaces telles que le terrorisme dans la région sahélo-saharienne. La modernisation des forces armées, annoncée par Alassane Ouattara, sera donc essentielle pour combler le vide laissé par le retrait des troupes étrangères.

Le 43e BIMA, unité des troupes de marine française créée en 1914, s’était installé à Port-Bouët, dans la capitale abidjanaise en 1978, dans le cadre des accords de défense entre la France et la Côte d’Ivoire. C’est quelques 1000 soldats français chargés de lutter contre les djihadistes qui frappent régulièrement le Sahel et le nord de certains pays du Golfe de Guinée.

La rétrocession de cette base à la Côte d’Ivoire intervient dans un contexte de rejet croissant de la présence militaire française en Afrique. Alors que depuis 2022, trois pays sahéliens notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont chassés les militaires français de leurs sols. Tout comme eux, le Sénégal a également affirmé récemment son engagement dans le même sens. Ce repositionnement pourrait redéfinir les équilibres géopolitiques dans la région.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 14/01/2025 à 08h55