Après le début du retrait des troupes françaises du Niger, suite à la demande des nouvelles autorités locales, les Etats-Unis avaient fait planer un suspense sur un possible retrait de leurs soldats de cet Etat clé dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Début septembre dernier, les Américains avaient décidé de quitter la base aérienne 101 de Niamey au Niger, base qu’ils partageaient avec les militaires français auxquels les autorités nigériennes ont enjoint l’ordre de quitter le territoire. Ils se sont repositionnés à Agadez, au nord du Niger, où les forces US disposent déjà d’une seconde base où sont concentrés les drones qui permettent à la CIA de traquer des terroristes au niveau de la région sahélienne et d’assurer une surveillance au niveau des pays de l’Afrique du Nord, notamment de la Libye.
La situation politique au Niger a servi au sénateur républicain Rand Paul à soumettre, début septembre dernier, un projet de loi appelant au retrait des soldats américains du Niger, arguant des craintes qu’une intervention militaire des pays de la CEDEAO pour déloger la junte au pouvoir à Niamey pourrait se transformer en un conflit régional constituant une menace pour les soldats américains installés sur place.
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Toutefois, malgré ces craintes légitimes, sachant qu’en 2017 les Américains ont perdu 4 soldats au Niger, le Sénat américain a rejeté, le jeudi 26 octobre à une écrasante majorité, projet de loi 11-86 appelant à un décret présidentiel visant à retirer les troupes américaines du Sahel. S’il avait été adopté, ce projet de loi aurait forcé le président américain Joe Biden à retirer les troupes américaines du Niger. Mais la mesure a été rejetée par 86 voix contre et 11 pour. A noter que ce rejet dudit projet de loi intervient au lendemain de la décision américaine de couper une partie de leur assistance au Niger.
Ainsi, tout en admettant officiellement, il y a quelques jours, que le renversement du président Mohamed Bazoum, le 26 juillet dernier, est un coup d’Etat avec comme effet immédiat la suspension officielle de l’aide, les Etats-Unis ont souligné que cela n’entrainera pas un changement radical de leur politique en ce qui concerne leur présence militaire dans ce pays sahélien.
Deux facteurs fondamentaux expliquent ce maintien des soldats américains au Niger. D’abord, pour les Etats-Unis, le Niger est un maillon important du dispositif militaire de la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique du Nord. C’est d’ailleurs à ce titre que le Niger abrite la seconde plus importante base militaire américaine en Afrique après celle de Djibouti.
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En effet, pour Washington, «le Niger est un partenaire de la lutte de Washington contre les insurgés islamiste». L’Oncle Sam y a établi deux bases militaires (Niamey et Agadez) où sont implantées des unités des forces spéciales et des drones qui surveillent toute la région sahélienne et l’Afrique du Nord, notamment la Libye. La base qui devrait servir au départ des drones d’observations a été construite et dimensionnée pour accueillir également des drones armés MQ-9 Reaper. Depuis 2016, des centaines de frappes de drones ont été effectuées à partir de leurs bases de Niamey et Agadez, ciblant des membres d’Al-Qaïda et de l’Etat islamique au Sahel et en Libye.
Mais le second facteur fondamental à l’origine de la forte opposition des sénateurs américains au retrait de leurs soldats du Niger n’est autre que la crainte qu’un départ des Américains de cet Etat clé n’ouvre la voie à la Russie qui souhaiterait certainement s’implanter dans ce pays stratégique au niveau du Sahel. D’ailleurs, le sénateur Ben Cardin, président démocrate de la Commission sénatoriale des relations étrangères, l’a clairement signifié en soulignant que si les Américains se retiraient, cela pourrait laisser un vide qui pourrait être comblé par la Russie ou par les mercenaires de Wagner.
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Il cite l’exemple des retraits des troupes françaises de la République centrafricaine et du Mali, retraits qui ont permis aux Russes, via les paramilitaires de Wagner, de s’implanter en Afrique centrale et au Sahel. Le Burkina Faso pourrait suivre leur exemple. D’où l’intérêt des sénateurs américains à voter massivement pour le maintien des soldats américains dans ce pays au cœur du Sahel et de la lutte contre le djihadisme.
Rappelons que si les militaires américains ont été impliqués, depuis 2013, dans des hostilités avec des organisations terroristes au Niger, cette présence a été discrète jusqu’en 2017. C’est l’attaque djihadiste de 2017 à Tongo Tongo, dans l’ouest du Niger, à une vingtaine de km de la frontière avec le Mali, au cours de laquelle 4 soldats des forces spéciales américaines avaient été tués, qui a révélé pour la première fois la présence militaire américaine au Niger. L’attaque a été revendiquée par le groupe Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).