L’ancien président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz, condamné à cinq ans de prison ferme le 24 janvier 2023, après avoir passé plusieurs mois en détention en 2021, pour «enrichissement illicite» et «blanchiment», s’est porté candidat au poste qu’il a déjà occupé et qui lui a par la suite valu un séjour en prison. La présidentielle est prévue le 29 juin prochain.
Cette candidature est soutenue par un parti en cours de création, le Front pour le changement démocratique.
Toutefois, la légalité de sa candidature est sujet à interprétations et suscite de vifs débats au sein de l’opinion, particulièrement chez les spécialistes du droit.
Et ce sont surtout les avocats des deux camps qui s’affrontent à coups d’arguments.
Me Béchir Fall, juriste, jette un gros pavé dans la marre au sujet d’un article 28 de la Constitution, pas hermétiquement verrouillé, alors que le Pr Lô Gourmo rejette une interprétation comportant d’énormes risques d’insécurité juridique, avec des pouvoirs sans alternance.
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Béchir Fall revient sur l’article 28 de la Constitution, qui stipule que «le président de la République est rééligible une seule fois». Une formulation «qui limite l’application de cette règle au seul président de la République en exercice».
D’où l’urgence d’une clarification en s’inspirant de certaines grandes démocraties, telles que les Etats-Unis, la France et même le Sénégal, dans le cadre d’une correction rédactionnelle visant à éliminer toute ambiguïté.
Le Pr Lô Gourmo rejette cette interprétation et convoque l’application de la règle de droit dans le temps. Il rappelle que la clause d’inéligibilité est inconditionnée par la nature successive, ou non, des mandats en question.
Le problème de la rééligibilité se définit exclusivement en termes de mandats que peut accomplir le citoyen mauritanien, si l’occasion se présente.
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A titre d’illustration, le Pr Lô rappelle la revendication des avocats de l’ancien président, relative à l’application de l’article 93 portant sur le privilège de juridiction, bien après son départ et la cessation des fonctions présidentielles.
L’autre question que se pose l’opinion est de savoir si l’ancien président actuellement privé de liberté peut se présenter. Selon ses avocats, l’ancien président peut se présenter tant que la Cour d’appel n’a pas rendu sa décision.
L’un de ses avocats le rappelait tout récemment: «dès l’instant où on a fait appel, il doit bénéficier de ses droits civiques. L’appel est suspensif parce que la condamnation n’est pas suivie de la délivrance d’un mandat de dépôt».
Le dernier mot revient au Conseil constitutionnel qui officialisera, fin mai, la liste des candidats autorisés à se présenter.