L’agenda politique sera très chargé en Afrique en 2023, avec de nombreux scrutins prévus dans plusieurs pays. On compte en particulier 6 élections présidentielles qui se dérouleront au Nigeria (février), en Sierra Leone (juin), au Libéria (octobre), à Madagascar (novembre), en République démocratique du Congo (décembre) et au Gabon (date à fixer). Une autre, prévue en Libye, reste incertaine en raison de différends entre les deux gouvernements qui dirigent le pays.
Si le processus démocratique est de plus en plus ancré au niveau du continent, force est de souligner que les présidentielles en Afrique sont souvent contestées par les perdants. Si généralement, le scrutin présidentiel se passe sans couac au Nigeria et au Liberia, ce n’est pas souvent le cas dans les autres pays où des violences préélectorale et/ou post-électorales sont souvent enregistrées.
Face à cette situation, le président américain Joe Biden a réuni le 14 décembre à la Maison Blanche, en marge du sommet USA-Afrique qui s’est tenu à Washington du 13 au 15 décembre 2022, les dirigeants des 6 pays africains où se tiendront des élections présidentielles. Une manière de souligner à ces dirigeants que les Etats-Unis accordent une grande importance à ces élections qu’ils surveilleront de près. Preuve de cet intérêt, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, Jake Sullivan, a signifié aux dirigeants africains que Washington veillera à ce que ces élections soient «libres, justes et crédibles».
Et pour bien montrer leur engagement, les Etats-Unis ont annoncé le déblocage de 165 millions de dollars pour soutenir les élections et la bonne gouvernance dans ces 6 pays, soulignant que ces financements permettront d’organiser des élections libres, équitables et transparentes par des organismes électoraux nationaux compétents, indépendants et impartiaux.
Il faut noter que ces élections concernent des pays qui concentrent près du tiers de la population africaine. Et chacun a son mode de scrutin.
Nigeria: des élections ouvertes entre deux favoris
Au Nigeria, l’élection présidentielle sera marquée, dans tous les cas, par une alternance au sommet de l’Etat. Et pour cause, l’actuel président Muhammadu Buhari ne se représentera pas à cette élection après avoir bouclé ses deux mandats consécutifs. Ainsi, la présidentielle mettra surtout aux prises deux candidats: Bola Ahmed Tinubu, candidat du parti au pouvoir, l’All Progressives Congress (APC), et Atiku Abubakar, leader du principal parti d’opposition, le Parti démocratique populaire (PDP). L’inflation, l’insécurité généralisée, en particulier à cause du groupe terroriste Boko Haram et du banditisme, et la crise économique aiguë que traverse le pays risquent de peser sur cette présidentielle.
Deux autres outsiders sont toutefois à surveiller: Peter Obi, leader du Parti travailliste, et Rabiu Kwankwaso du New Nigeria Peoples Party. L’un d’eux pourrait créer la surprise, et ce, d’autant plus que l’un des principes de l’alternance à la nigériane, qui veut que le poste de président soit occupé alternativement par un candidat du nord du pays, majoritairement musulman, puis un candidat du sud, majoritairement chrétien, risque de ne pas être respecté. Et pour cause, les deux favoris de cette présidentielle sont musulmans, même si Bola Ahmed Tinubu est originaire du Sud.
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Au Nigeria, le président est élu via un scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de 4 ans. De plus, le candidat élu doit réunir plus de 25% des voix dans 24 des 36 Etats du pays. La présidentielle est prévue le 25 février 2023 dans le pays.
Sierra Leone: la passe de deux pour Julius Maada Bio?
Julius Maada Bio, du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), va tenter de remporter un second mandat à la tête du pays. Mais il est confronté à un mécontentement populaire grandissant, en raison de la cherté de la vie consécutive à une inflation galopante.
La tâche ne sera pas facile pour Maada Bio, surtout si l’opposition arrive à se réunir autour d’un candidat unique. A cet effet, les dirigeants de 15 partis politiques discutent de l’éventualité de mettre en place une coalition. Mais les rivalités entre eux risquent de compromettre cette candidature unique.
Au Sierra Leone, le président est élu au suffrage universel direct selon un mode de scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois. L’élection présidentielle dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest a été fixée au 24 juin 2023.
Liberia: George Weah pour un second mandat
Le Liberia, plus ancienne république d’Afrique, va organiser son élection présidentielle en octobre prochain. Et George Weah va tenter de briguer un second mandat à la tête du pays. La coalition au pouvoir, constituée du Congress for Democratic Change (CDC), du New Patriotic Party (NPP) et du Liberia People’s Democratic Party (LPDP), compte reconduire le président et sa vice-présidente, Jewel Howard Taylor, ex-épouse de Charles Taylor, lors de ce scrutin.
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Quant à l’opposition, regroupée au sein de la coalition Collaborating Political Parties (CPP) dirigée par Alexander Cummings, leader de l’Alternative National Congress (ANC), elle compte barrer la route à Weah. Pour cela, elle multiplie les attaques contre le président sortant qui, à ses yeux, a échoué à lutter contre la corruption endémique, à faire face au ralentissement économique et à la dégradation des conditions de vie des populations à cause de la flambée des prix.
Le président du Liberia est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de 6 ans, renouvelable une seule fois.
Gabon: Ali Bongo pour un 3e mandat
Le Parti démocratique gabonais (PDG) a adoubé Ali Bongo Ondimba pour briguer un 3e mandat consécutif à la tête du Gabon. Si le président sortant n’a pas officiellement répondu oui, il ne fait point de doute qu’il compte se maintenir dans le fauteuil présidentiel en 2023. «2023 arrive à grands pas. Je serai là avec vous. Pour vous. La seule issue devra être la victoire. Une victoire franche, nette, indiscutable», avait-il lancé à ses partisans lors du 54e Congrès du PDG, en mars 2022.
Si la date exacte de la présidentielle gabonaise n’est pas fixée, celle-ci devrait se tenir dans le second semestre de l’année en cours, notamment en août prochain.
Pour le moment, pouvoir et opposition discutent de la révision des listes électorales, un dossier sensible, et à propos de l’organe censé diriger les prochaines élections présidentielles. En attendant, tout le monde espère que le scrutin ne sera pas émaillé de violences, comme ce fut le cas en 2016, lorsque le principal opposant d’alors, Jean Ping, a refusé de reconnaître l’issue de la présidentielle.
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En l’absence d’unité au sein de l’opposition gabonaise, il y a peu de chances de voir un changement à la tête du pays. L’heure semble aux querelles intestines et aux débauchages plutôt qu’à l’union des forces qui avait prévalu en 2016. En effet, l’opposition gabonaise semble orpheline d’un leader. Et parmi les figures en vue, il y a Alexandre Barro-Chambrier, ancien ministre et ancien membre du PDG qui a claqué la porte en 2016, et qui fait désormais partie des principaux opposants, en tant que chef de file du Rassemblement pour la patrie et la modernité.
La révision constitutionnelle de 2018 ayant consacré le retour au scrutin à deux tours, la situation sera différente cette année. Désormais, il faut avoir la majorité absolue pour être élu. Au Gabon, la durée du mandat présidentiel est de 7 ans, sans limitation de nombre.
Madagascar: Andry Rajoelina face à une opposition renforcée
Si le président Andry Rajoelina n’a pas encore annoncé sa candidature à la présidentielle de novembre 2023, il montre clairement les signes d’une potentielle candidature en multipliant les déplacements à l’intérieur du pays dans ce qui ressemble à une pré-campagne électorale, au même titre que certains d’autres prétendants.
Le président sortant de Madagascar doit, dans tous les cas, faire face à une opposition regroupée au sein de la coalition Panorama, constituée de 17 partis politiques, qui pourrait être conduite par l’ancien président Hery Rajaonarimampianina du parti Nouvelle puissance pour Madagascar et/ou le député Tamatave Roland Ratsiraka de Malagasy Tonga Saina (MTS). Toutefois, cette coalition a encore du mal à se mettre en branle-bas de combat.
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Au sein de la majorité présidentielle aussi, le président sortant fait face à des divisions. Ses principaux alliés prennent leur distance. C’est le cas du député de Toliara 1, Siteny Randrianasoloniaiko, l’un de ses soutiens de poids dans la partie sud de la Grande île en 2018, qui pourrait être tenté de briguer la présidence. Idem pour l’ancien président Marc Ravalomanana.
Une chose est toutefois sûre, à Madagascar, qui a toujours connu des crises, soit préélectorales ou postélectorales, à l’exception de 2018, la démocratie sera certainement mise à rude épreuve lors du scrutin de novembre prochain.
Le président malgache est élu au scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de 5 ans, renouvelable une fois consécutivement.
RDC: vers un remake Tshisekedi-Fayulu?
Après les élections présidentielles de 2019 dont les résultats sont toujours contestés par l’opposant Martin Fayulu, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), candidat pour un second mandat à la prochaine présidentielle de décembre 2023, devra faire face à une opposition renforcée par des départs au sein de la coalition qui l’a porté au pouvoir. C’est notamment le cas de Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga (2007-2015), riche région minière et poumon économique du pays, qui était membre de la coalition Union sacrée, laquelle soutenait Tshisekedi, et qui va se porter candidat sous la bannière de son propre son parti, Ensemble pour la République.
Pour cette présidentielle, il faudra aussi et surtout compter avec Martin Fayulu, investi en juillet dernier candidat de son parti, Engagement pour la citoyenneté et le développement.
En 2018, Tshisekedi avait remporté la présidentielle avec 38,57% des voix devant Fayulu qui avait obtenu 34,83% des suffrages. Des résultats que le second continue de contester.
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Et avec les candidatures potentielles des anciens Premiers ministres Adolphe Muzito et Augustin Matata Ponyo, le scrutin uninominal majoritaire à un tour semble indécis.
Par ailleurs, les violences électorales sont à craindre dans ce pays de plus de 90 millions d’habitants où les résultats des élections sont souvent violemment contestés. Ceci, d’autant plus que l’insécurité dans l’Est en proie aux violences de groupes armés, dont la rébellion du M23, pèse sur cette présidentielle au moment où certaines parties du territoire échappent au contrôle des autorités, et constitue un défi à relever par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). En 2018, certaines régions, plutôt favorables à Fayulu ont été tout simplement zappées par cette commission.
Le président de la RDC est élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois.