Scandale: patron de la Police en Algérie, homme d’affaires en France

Farid Zineddine Bencheikh, directeur de la DGSN.

Le 23/01/2023 à 17h11

C’est certainement l’un des plus gros scandales que Tebboune aura à gérer. En effet, Farid Zineddine Bencheikh, directeur de la DGSN, donc le patron de la police algérienne, un des hommes intouchables du clan présidentiel et qui siège au Haut Conseil de Sécurité du pays, est «résident en France» et possède un business juteux à Paris. Une révélation d’Algérie Part qui donne une idée sur la «Nouvelle Algérie» de Tebboune et la prévarication d’un système gangrené de l’intérieur. Détails.

C’est le scandale dont le président algérien Abdelmadjid Tebboune aurait bien aimé se passer. En effet, selon les révélations documentées d’Algérie Part, Farid Zineddine Bencheikh, directeur de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) d’Algérie, donc le patron de la police algérienne, serait un résident en France et qui y développe un business juteux. Il résiderait en France depuis 2015 dans un quartier chic de la capitale, tout en gardant la main mise sur la sécurité en Algérie. En France, il a investi dans un hôtel bar-restaurant.

Au-delà de ces révélations fracassantes, le média a livré les preuves y attelant, notamment les documents administratifs et statuts de l’entreprise française, tout en retraçant les activités économiques de Farid Zineddine Bencheikh.

Ainsi, selon ces informations, le patron de la police algérienne «a acquis secrètement, et dans des circonstances encore indéterminées, un hôtel bar-restaurant à Paris appelé L’Etoile dont la date de création remonte à 2012». Il l’aurait acquis, d’après ces révélations, avec son frère qui ne disposait pas alors de titre de séjour régulier en France. Par la suite, il a monté une entreprise avec un autre Algérien, originaire de la région de Béjaïa, pour développer et fructifier le business.

Or, ces activités sont illégales du point de vue de la législation algérienne du fait qu’elles n’ont pas été communiquées aux autorités du pays qui ignoraient tout du business parisien du chef de la police algérienne.

Et bien évidement, conscient qu’il s’agit d’activités illégales, le patron de la police algérienne s’est entouré de précautions afin que son nom ne figure dans la liste des personnes en charge de l’exploitation de l’hôtel bar-restaurant en question.

«Un stratagème a été ainsi mis en place par l’actuel patron de la police algérienne pour lui permettre de toucher des bénéfices en euros, de jouir des droits de propriété de son business tout en restant très discret et pratiquement invisible dans les comptes sociaux et les carnets de gestion de l’établissement», explique Algérie Part qui avance que «des révélations détaillées sur les bilans financiers, les flux de devises et le trafic ayant régi le business caché du premier responsables de la Police algérienne à Paris», seront très prochainement dévoilées.

Au-delà de ce business, il y a aussi des informations qui intriguent sur la personnalité même du premier flic d’Algérie à l’époque du lancement de ses affaires dans l’Hexagone. En effet, comment se fait-il qu’un officier de la police algérienne se soit permis d’habiter dans une demeure très chic dans le quartier Vivienne dans le 2e arrondissement, au cœur de la capitale française? Comment a-t-il fait pour obtenir les «papiers français» entre 2015 et 2016, période pendant laquelle il était l’inspecteur régionale de la police de la région Sud-est et donc censé résider en Algérie?

Pour Algérie Part, «Farid Zineddine Bencheikh menait une vie cachée en France en s’adonnant à des activités occultes et entretenant un train de vie digne d’un prospère homme d’affaires».

Avec de telles activités dans un pays qui a toujours eu des relations sensibles avec l’Algérie, cette révélation pose d’énormes interrogations au régime politico-militaire d’Alger. D’abord, comment se fait-il que les sécuritaires et les dirigeants du pays ignoraient tout des agissements du patron de la police et de ses investissements lucratifs à Paris? De quelles couvertures a-t-il pu bénéficier, sachant que la loi interdit formellement de développer le moindre business ou activité financière aux sécuritaires? Comment a-t-il fait pour faire sortir des devises d’Algérie alors que la règlementation des changes ne le permet pas à cause de la non-convertibilité du dinar algérien? En clair, l’une des personnes en charge des affaires de l’ordre et de la sécurité en Algérie ne serait en fin de compte qu’ un fraudeur ! Mais, au-delà, ces acquisitions n’ont été possibles qu’avec l’intervention de hauts responsables du ministère de l’Intérieur français ou via «un parrainage d’un puissant service de sécurité français», poursuit le média algérien.

Au-delà de ces nombreuses zones d’ombre, ce qui est inquiétant est que si les autorités algériennes ignoraient le business et les activités du patron de sa police, il est certain que les autorités françaises, notamment les sécuritaires de ce pays, n’ignoraient pas les agissements de Farid Zineddine Bencheikh, un des hommes de confiance du président Tebboune.

D’ailleurs, Maghreb Intelligence révélait, le 10 janvier dernier, en exclusivité «L’étrange séjour d’un collaborateur du patron de la Police algérienne à Paris», soulignant qu’il «fait l’objet d’une enquête minutieuse initiée par les services secrets algériens depuis le début de l’été 2022. Une enquête qui le soupçonne de « collision avec des intérêts étrangers » en fournissant des informations sensibles à des entités relevant des services secrets français».

Ce qui pose un véritable problème sécuritaire en Algérie. D’autant plus que Bencheikh est un homme qui connait bien de secrets en Algérie pour avoir été, tour à tour, chef de sûreté de wilaya de Béchar en 2007, chef de sûreté de wilaya de Jijel et inspecteur régional de police de la région Sud-est du pays en 2015. En 2020, il a été promu «contrôleur général» et nommé Inspecteur régional de police de la région Centre. Il est resté à ce poste jusqu’à sa nomination en mars 2021 à la direction de la DGSN.

Mieux, ce haut responsable algérien participe, du fait de son rang en tant que premier flic du pays, aux réunions du Haut Conseil de Sécurité, l’instance sécurité la plus élevée et sensible d’Algérie, aux côtés du président Tebboune, du chef d’Etat-major de l’armée, Chengriha et de certaines personnes triées sur le volet et occupant toutes des postes sensibles. C’est dire que l’homme qui partage avec les dirigeants du pays les secret de l’Algérie est aussi un «résident français», comme le montrent les documents d’Algérie Part, qui développe du business en France.

C’est dire qu’il s’agit là d’une situation inédite dans un Etat normal, même en Algérie, alors que le président Tebboune ne cesse de ressasser la mise en place d’une «Nouvelle Algérie». Or, avec cette révélation, on comprend que la situation est pire que lors de déliquescence du régime de Bouteflika.

Et cette révélation n’est certainement que le sommet visible de l’iceberg d’un système gangrené de l’intérieur et qui passe tout son temps à condamner ceux de l’ancien régime pour diverses raisons afin de se refaire une virginité de bonne gouvernance alors qu’elle compte en son sein les germes d’un système en déliquescence.

Reste à savoir jusqu’à quand l’actuel patron de la Police algérienne, considéré comme un intouchable, en dépit de ses pratiques occultes, en raison de la protection dont il jouit de la part de Tebboune, qui a fait de lui l’un des piliers de son clan. Seulement, ces nouvelles révélations risquent de l’éclabousser davantage et surtout exacerber les tensions entre les différents services en Algérie.

Par Karim Zeidane
Le 23/01/2023 à 17h11