Tunisie: Rached Ghannouchi, chef du parti d’opposition Ennahdha, arrêté

Rached Ghannouchi, leader historique du parti Ennahdha, élu président du Parlement tunsien.

Rached Ghannouchi, leader historique du parti Ennahdha, élu président du Parlement tunsien. . DR

Le 17/04/2023 à 20h04

Le chef du mouvement tunisien islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, un des principaux opposants au président Kaïs Saied, a été arrêté lundi, a indiqué sa formation.

M. Ghannouchi, qui dirigeait le Parlement dissous en juillet 2021 lors d’un coup de force de M. Saied, a été arrêté par une force policière à son domicile à Tunis et «conduit vers un lieu inconnu», a affirmé Ennahdha dans un communiqué.

M. Ghannouchi, 81 ans, qui dirigeait le Parlement dissous en juillet 2021 par M. Saied, est l’opposant le plus en vue à être arrêté depuis ce coup de force.

«Ennahdha dénonce ce développement extrêmement grave et appelle à la libération immédiate de Rached Ghannouchi», a ajouté le mouvement.

Les autorités tunisiennes n’ont fait aucun commentaire dans l’immédiat sur cette arrestation.

Elle survient après des déclarations rapportées par des médias, dans lesquelles M. Ghannouchi aurait affirmé ce weekend que la Tunisie serait menacée d’une «guerre civile» si l’islam politique, dont est issu son parti, y était éradiqué.

L’arrestation de M. Ghannouchi a eu lieu au moment de l’iftar, le repas de rupture de jeûne du ramadan et quelques heures avant la célébration par les fidèles de la nuit sacrée «du destin».

M. Ghannouchi a comparu en février au pôle judiciaire antiterroriste à la suite d’une plainte l’accusant d’avoir traité les policiers de «tyrans».

L’opposant, bête noire du président Saied, avait également été entendu en novembre 2022 par un juge du pôle judiciaire antiterroriste pour une affaire en lien avec l’envoi présumé de jihadistes en Syrie et en Irak.

En juillet de la même année, il avait aussi été interrogé pour des soupçons de corruption et blanchiment d’argent liés à des transferts de fonds depuis l’étranger vers une organisation caritative affiliée à Ennahdha.

Depuis début février, les autorités ont incarcéré plus de vingt opposants et des personnalités parmi lesquelles des ex-ministres, des hommes d’affaires et le patron de la station la plus écoutée du pays, Radio Mosaïque.

Ces arrestations, dénoncées par des ONG locales et internationales, ont visé des figures politiques de premier plan du Front de salut national (FSN), principale coalition d’opposition dont fait partie Ennahdha.

«Nouvelle phase»

Le président Saied, qui accapare les pleins pouvoirs depuis son coup de force de juillet 2021, a qualifié les personnes arrêtées de «terroristes», affirmant qu’elles étaient impliquées dans un «complot contre la sureté de l’Etat».

«L’arrestation du chef du plus important parti politique au pays, et qui a toujours montré son attachement à l’action politique pacifique, marque une nouvelle phase dans la crise», a réagi lundi soir auprès de l’AFP le président du FSN, Ahmed Néjib Chebbi.

«Cela relève de la vengeance aveugle contre les opposants», a-t-il ajouté.

Après son coup de force, M. Saied a fait réviser la Constitution pour instaurer un système ultra-présidentialiste aux dépens du Parlement, qui ne dispose plus de réels pouvoirs, contrairement l’Assemblée dissoute dominée par Ennahdha.

Opposant de premier plan sous les régimes de Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali, M. Ghannouchi avait été fêté par des milliers de personnes à son retour de Londres après vingt ans d’exil lors de la chute du dictateur en 2011.

Mais son étoile a progressivement pâli depuis la révolution, ses détracteurs l’accusant d’être un manœuvrier pragmatique prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.

A défaut de pouvoir réunir une majorité absolue, il s’est toujours arrangé pour qu’Ennahdha soit incontournable dans les différentes coalitions depuis la révolution.

Quitte à passer des alliances contre nature avec le parti libéral Qalb Tounes de l’homme d’affaires Nabil Karoui, ou avec l’ancien président Beji Caid Essebsi, en arguant de la nécessité d’un «consensus» nécessaire à la transition démocratique.

Au début de son parcours, il s’était d’abord inspiré des Frères musulmans égyptiens, avant de se réclamer du modèle islamiste turc de Recep Tayyip Erdogan.

Il a ensuite fait muer Ennahdha en mouvement civil, censé depuis 2016 n’être consacré qu’à la politique, et s’affiche depuis comme un «démocrate musulman» défendant des valeurs conservatrices sans dogmatisme.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 17/04/2023 à 20h04