Vote tendu au Zimbabwe, le président «Crocodile» s’accroche au pouvoir

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Le 23/08/2023 à 17h02

Les Zimbabwéens votaient mercredi sous tension et sans illusions, à l’issue d’une campagne marquée par une répression sans nuance de l’opposition et de sérieuses irrégularités dans les listes électorales.

A Harare, bastion de l’opposition, la pagaille s’est emparée de plusieurs bureaux, qui ont tardé à ouvrir en raison de «retards logistiques». La commission électorale (ZEC) a reconnu que moins d’un quart des bureaux de la capitale avaient pu ouvrir à l’heure pour ces élections présidentielle, législatives et municipales.

Dans le quartier de Kambuzuma, Linda Phiri, 53 ans, arrivée à l’aube, est au comble de l’exaspération, alors qu’à 15 heures, aucun bulletin n’est encore déposé. «Je dors là s’il le faut. Je ne rentre pas à la maison, ma maison va venir ici», enrage-t-elle auprès de l’AFP.

«On nous a expliqué que les bulletins étaient en train d’être imprimés, c’est une mauvaise blague», soupire Boasz, un infimier de 37 ans qui ne veut pas donner son nom. «Ils cherchent à frauder», siffle entre ses dents Chrispen Marambakuwanda, chômeur de 45 ans.

L’opposition réunie au sein de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), forte dans les villes, compte engranger un vote protestataire ancré dans une grogne croissante liée à une économie sinistrée, marquée par un chômage record et l’hyperinflation.

Mais le président Emmerson Mnangagwa et son parti la Zanu-PF, au pouvoir depuis l’indépendance en 1980 de ce pays enclavé d’Afrique australe, semblent déterminés à s’accrocher au pouvoir.

A Kwekwe (centre), le président sortant, 80 ans, cheveux teints et écharpe aux couleurs du pays, a déposé son bulletin, entouré de nombreux partisans.

«Avec mon vote, j’espère que la mairie va me donner un bon travail», commentait Freddy Kondowe, chômeur d’une quarantaine d’années. «Je me suis levée tôt pour voter pour notre vieux», lance sa voisine qui ne veut pas donner son nom, une marque noire sur son petit doigt comme preuve de son vote.

Les résultats de ces élections doivent être publiés dans les cinq jours suivant le scrutin.

Liberté d’expression

«Ces vieillards sont au pouvoir depuis trop longtemps (...) Ils finissent par se comporter comme si le pays leur appartenait», désapprouve Changi Ratibu, soudeur de 36 ans, dans un quartier huppé de Harare où les langues se délient davantage.

Le chef de l’opposition Nelson Chamisa , avocat et pasteur de 45 ans, a dénoncé des intimidations.

La porte-parole du CCC Fadzayi Mahere a salué une «très forte participation». Mais elle signale des manoeuvres de partisans de la Zanu-PF - arrivés dans certains bureaux sous couvert de sondages de sortie des urnes - pour semer la peur et inciter à voter pour le pouvoir, «ce qui est complètement illégal».

«Le régime panique», a-t-elle affirmé. De fausses affiches ont aussi été distribuées mais «les citoyens ne se laisseront pas abuser».

«Entourloupes ou pas entourloupes, notre victoire est certaine», a lancé M. Chamisa, silhouette svelte et fine moustache, après avoir voté.

La veille, le porte-parole du gouvernement, Nick Mangwana affirmait à l’AFP que «le pays (était) calme» et souhaitait que «chaque Zimbabwéen accepte le choix du peuple». Comme si les jeux étaient faits.

Le président a promis inlassablement une élection équitable. Mais «la Zanu-PF est inarrêtable. La victoire est certaine», a-t-il répété samedi.

Les Zimbabwéens sont plongés depuis des années dans une profonde crise économique. Mais après des mois d’une campagne répressive à l’égard de l’opposition (arrestations, invisibilité dans les médias d’Etat...), peu croient aux chances de Nelson Chamisa, surnommé «le jeune homme».

Human Rights Watch a prédit un « processus électoral gravement défectueux ». Et d’importantes irrégularités ont été relevées sur les listes électorales par des organisations de la société civile, suscitant aussi des craintes de fraude lors du décompte des bulletins.

Ces inquiétudes sont «le fruit d’une imagination débordante», a balayé auprès de l’AFP Rodney Kiwa, vice-président de la ZEC. «Nous sommes prêts. S’il y a des problèmes, nous les réglerons».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 23/08/2023 à 17h02