Finance islamique: les sukuks pour payer les infrastructures en Afrique

DR

Le 09/04/2017 à 15h32, mis à jour le 09/04/2017 à 15h46

Les pays africains recourent de plus en plus aux sukuks (obligations souveraines conformes à la charia) pour financer leur développement. Plus de 2 milliards d’euros de sukuks ont été émis et plusieurs projets sont annoncés.

L’Afrique a besoin d’importantes ressources pour financer son développement. A titre d’exemple, rien que pour les infrastructures, il faut des investissements annuels estimés à plus de 90 milliards de dollars durant une décennie pour que le continent puisse combler son déficit.

Face aux difficultés à lever ces fonds par les biais classiques et à l’impossibilité de compter sur les ressources locales, de nombreux pays essaient de diversifier leurs sources de financement. Et dans ce cadre, le sukuk, certificat d’investissement conforme à la charia, est un outil financier considéré comme une alternative aux obligations classiques.

L’un des premiers à s'être lancé dans le financement via les sukuks est le Sénégal avec l’émission d’un premier sukuk en juin 2014 d’un montant de 100 milliards de FCFA (150 millions d’euros). Deux ans après, le pays a levé 305 millions d’euros. Idem pour la Côte d’Ivoire qui a levé en deux temps 300 millions d’euros. Le gouvernement ivoirien est engagé dans un Plan national de développement 2016-2020 d’un montant de 46 milliards d’euros visant à soutenir l’industrialisation du pays.

Quant au Togo, son émission porte sur 150 millions d’euros. Le plus gros montant a été lancé par l’Afrique du Sud avec un sukuk de 500 millions de dollars.

Outre les Etats, d’autres institutions africaines recourent aux sukuks. C’est le cas de notamment de l’Africa finance corporation (AFC), institution multilatérale spécialisée dans le développement de projets d’infrastructures en Afrique, qui a émis son premier sukuk en janvier dernier pour un montant de 140 millions d’euros.

D’autres pays ayant également utilisé cet instrument pour financer leur programme de développement des infrastructures, l’encours des sukuks émis depuis 2014 dépasse aujourd’hui les 2 milliards d’euros.

Et la tendance devrait s’accélérer dans les années à venir. Le Nigeria envisage ainsi d’émettre 10 milliards de dollars de sukuks. Quant au Niger, son programme porte sur 260 millions de dollars. La Tunisie prévoit l’émission d'un milliard de dinars tunisiens en Sukuks. Enfin le Kenya compte lui aussi se financer via cet instrument.

Par ce biais, les pays africains peuvent lever plus facilement des capitaux auprès des institutions islamiques et des pays du Golfe qui disposent d’importantes liquidités.

Ils touchent des investisseurs qui souhaitent investir dans des projets respectant les principes de l’islam. En outre, les sukuks ont l’avantage d’être plus directs, car devant servir au financement d’un projet défini.

Toutefois, ce mode de financement est adossé à l’existence d’un sous-jacent licite, généralement un patrimoine immobilier, dont le rendement sert à rémunérer les investisseurs du sukuk. Ainsi, les sukuks émis par la Côte d’Ivoire sont-ils adossés au patrimoine immobilier de l’Etat ivoirien dont le Centre de commerce international d’Abidjan, les tours administratives, etc. Pour l’émission sénégalaise, le sous-jacent est constitué d’une partie de l’aérogare de l’aéroport international Léopold Sédar-Senghor. Un actif valorisé à plus de 250 milliards de FCFA.

Face à l’engouement, la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) envisage d'adopter, dès cette année,un texte réglementant la finance islamique et donc les émissions de sukuks.

Enfin, il faut souligner qu’au niveau mondial en 2016, les émissions de sukuks ont atteint 74,8 milliards de dollars. La Malaisie s’accaparant à elle seule 46,5% de ces émissions.

Par Moussa Diop
Le 09/04/2017 à 15h32, mis à jour le 09/04/2017 à 15h46