Afrique: quand un bon maire de l'opposition est un maire en prison

Le maire de Dakar Khalifa Sall risque une lourde peine de prison.

Le maire de Dakar Khalifa Sall risque une lourde peine de prison.. DR/

Le 22/07/2017 à 08h48, mis à jour le 22/07/2017 à 10h09

Dakar au Sénégal, Niamey au Niger, Moundou au Tchad, Matadi en RD Congo... ont vu leur maire faire l'objet soit d'arrestation soit de destitution. Une situation inédite. S'il est vrai que certains élus locaux ne sont pas exempts de reproches, l'appartenance à l'opposition peut leur être fatale.

Ce que craignaient les partisans du maire de Niamey après la récente visite du président Mahamadou Issoufou, est finalement arrivé. Le communiqué est tombé avec froideur: "M. Hassane Seydou, maire président du conseil de la ville de Niamey est révoqué de ses fonctions". 

Une semaine avant, Mahamadou Issoufou dénonçait "l'insouciance incompréhensible" des élus de la capitale dans les rues desquelles jonchaient des tas d'immondices. 

Au Niger, en l'espace d'un mois, c'est la 7e fois qu'une pareille mesure est prise. Pas plus tard qu'à la fin du mois de juin, six autres édiles de modestes communes ont été destitués après que l'on a fait peser sur eux des soupçons de malversations. Au Nord du Niger, c'est tout le conseil municipal de Bilma qui a été dissout. Il s'agit d'une véritable opération "mains propres" qui concerne 200 municipalités. 

Détournements présumés

Ses détracteurs dont plusieurs élus lui reprocheraient un détournement de 3 milliards de Fcfa, un surendettement de la ville, des marchés attribués sans appels d'offres, etc. La fronde contre lui avait commencé en novembre dernier quand un courrier a été envoyé à la présidence. C'est dire qu'après sa destitution, il n'est pas exclu qu'il ait affaire à la justice. 

Mais pour le moment, le maire de Niamey peut s'estimer heureux d'être encore en liberté, puisque d'autres n'ont pas eu la même chance. Il y a notamment, le très emblématique édile de Dakar, Khalifa Sall, qui est pourtant pas tête de liste d'une coalition dans le cadre des élections législatives du 30 juillet prochain, mais qui doit rester en prison. Khalifa Sall a été accusé, en mars dernier, de détournement de fonds publics et autres chefs d'accusations qui justifient aux yeux de la loi sa détention provisoire. Il aurait détourné quelque 1,8 milliard de francs d'après le procureur de République. 

Imprudence ou naïveté

Lui crie son innoncence. Et il a le soutien de beaucoup de membres de l'opposition. Sa défense affirme mordicus qu'il s'agit de fonds sociaux pour lesquels les règles budgétaires du droit commun ne s'appliqueraient pas. En somme, les 2,7 millions d'euros qu'on lui reproche seraient issus d'une sorte de caisse noire. Pas sûr que cela convainque la justice, même si beaucoup savent que s'il était dans le camp présidentiel, il n'allait peut-être pas été inquiété. 

On quitte l'Afrique de l'Ouest pour le Tchad, dans la localité de Moundou. Laoukein Kourayo Ménard, maire de cette ville du nord du pays, vient de passer sa première semaine en prison. L'élu aurait commis l'imprudence d'avoir octroyé des marchés totalisant 600 millions de francs CFA, soit près d'un milliard d'euros, en faisant une entorse aux règles d'attribution.

Du mauvais côté du pouvoir

Une enquête a été menée par les responsables de région. Il faut dire qu'en matière de marchés publics au Tchad, la signature du maire seule ne suffit pas. Il faut en plus celle du gouverneur de région et du président du Conseil de la région. Très vite, le gouverneur dont dépend Moundou a demandé qu'une action en justice soit entamée contre le maire.

Mais, pour ce dossier également, les partisans du maire crient au règlement de comptes, alors que ses détracteurs disent s'appuyer sur des faits. Le fait est que l'ensemble de ces maires concernés sont effectivement des élus de l'opposition, ce qui est troublant comme coïncidence. Il n'empêche que dans un cas comme dans l'autre, si les faits qui leur sont reprochés sont avérés, il y a manifestement une certaine légèreté. 

La vérité est que la plupart des élus en Afrique estiment n'avoir de compte à rendre à personne, qu'il s'agisse d'élus locaux ou au sommet de l'Etat. Beaucoup de membres du gouvernement sont également dans ces cas. Mais, comme le parti au pouvoir se sent investi d'un pouvoir absolu, il est rare qu'il ait maille à partir avec la justice, tant qu'il reste du bon côté. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 22/07/2017 à 08h48, mis à jour le 22/07/2017 à 10h09