Sénégal: le président Macky Sall accusé de protéger un trafiquant de faux médicaments

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Le 09/08/2019 à 08h52, mis à jour le 09/08/2019 à 08h55

L’Ordre national des pharmaciens du Sénégal est très remonté contre le président Macky Sall, qui a gracié Mamadou Wouri Diallo, un trafiquant de faux médicaments d’origine guinéenne, alors que le mis en cause n'avait pas épuisé toutes les procédures, en appel et en cassation.

Mamadou Woury Diallo a été jugé en première instance et condamné, le 4 décembre 2018, à 5 ans de prison et à une amende de 200 millions de Fcfa. 

Cependant, il a bénéficié, le 4 avril 2019, d’une grâce présidentielle signée par le Chef de l’Etat sénégalais, à l'occasion de la fête nationale sénégalaise.

Les avocats de l’Ordre national des pharmaciens du Sénégal (ONPS), et leurs clients, soupçonnent en conséquence que Mamadou Woury Diallo est protégé par des proches de Macky Sall. Ils n'ont pas hésité à désigner nommément le chef de l'Etat lui-même. 

Maître Babou, un des avocats de l’ONPS ne comprend toujours pas le recours introduit par le parquet général après la condamnation, en deuxième instance, d’Amadou Woury Diallo et de son complice sénégalais Bara Sylla, dans l’affaire des faux médicaments de Touba-Bélel.

La condamnation de Bara Sylla à une peine de 7 ans de prison ferme avait pourtant été confirmée au cours du mois de juillet par la Cour d’appel de Thiès (70 km de Dakar).

Par la même occasion, la grâce présidentielle accordée à son complice Mamadou Woury par le Chef de l’Etat, Macky Sall, a été annulée par la justice.

Maitre Babou dénonce alors la réduction, via la grâce présidentielle, de la peine de prison de 7 à 5 ans pour Bara Sylla.

Par la même occasion, il fustige le parquet, qui continue de soutenir que la grâce accordée au trafiquant guinéen de médicaments est valable.

«C’est une surprise pour nous. Parce que le parquet général, c’est le ministère public. Ce dernier représente la société. Comment le ministère publique peut demander cela, devant une affaire aussi grave que le trafic de faux médicaments, car en se fondant sur les rapports de l’OMS, chaque année, 800 000 Africains meurent du fait des médicaments de la rue. Devant ce désastre, comment une autorité d’une institution qui doit protéger les Sénégalais, rame à contre courant des intérêts de ces mêmes Sénégalais?», s’est indigné Maitre Babou.

Cet avocat est persuadé, et soutient en détenir la preuve, que Mamadou Woury Diallo est protégé.

"On a la preuve que Woury Diallo est protégé", a-t-il affirmé.

Cet avocat accuse ainsi, sans le citer nommément, le président de la République.

En effet, c’est la signature de ce dernier qui se trouve sur la grâce dont a bénéficié le trafiquant guinéen de faux médicaments.

Pour étayer ses propos, l’avocat précise que c’est une voiture de luxe qui est venue "prendre Woury Diallo", lors de sa libération de la prison de Diourbel dans laquelle il était détenu.

"Une grâce obéit à des conditions. La condamnation de la personne doit être définitive donc qui n’est plus susceptible de recours. Si vous faites appel, le procès n’est pas encore terminé. Mamadou Woury Diallo n’était même pas éligible à présenter un dossier de grâce. Le président de la cour était stupéfait. Il n’a rien trouvé dans le dossier, même pas un seul papier qui parle de grâce. Or une personne condamnée, à la fin de sa condamnation, on lui délivré un acte d’élargissement", explique maître Babou. 

«C’est le plus gros scandale de la justice sénégalaise. On n’a jamais vu ça. C’est un cas unique dans l’histoire judiciaire du Sénégal. Il n’y a aucune trace, un seul objet qui montre que Mamadou Woury Diallo bénéficie d’une grâce ou d’une liberté provisoire", a-t-il ajouté.

Selon l’avocat, qui s’interroge sur le fait "que de pauvres types de rien du tout parviennent à réunir la somme de 1 milliard 500 millions de francs Cfa pour acheter de faux médicaments", tout porte à croire qu’il y a une vraie mafia dans cette affaire.

De puissants caïds tapis dans l’ombre sont donc à l'origine de ce trafic, selon lui. 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 09/08/2019 à 08h52, mis à jour le 09/08/2019 à 08h55