Sénégal: la sortie de l'ambassadeur français tourne à l'incident diplomatique

DR

Le 13/02/2020 à 08h23, mis à jour le 13/02/2020 à 08h28

Depuis la récente sortie médiatique de l'ambassadeur de France à Dakar, jugée malencontreuse par beaucoup de Sénégalais, il y a comme un coup de froid dans ses relations avec les autorités du pays de la Teranga.

Chose rare, ce mercredi matin, la presse non officielle, mais connue pour être proche du régime de Macky Sall, a étalé, in-extension, le contenu d'une missive diplomatique envoyée par le gouvernement sénégalais aux autorités françaises. Il s'agit en l'occurrence du quotidien L'Observateur.

En réalité, sous ce titre se cache le contenu d'un courrier, au ton plutôt inhabituel dans les relations entre les deux pays, envoyé par le gouvernement sénégalais aux autorités françaises. Cependant, la presse n'a pas précisé lequel du Quai-d'Orsay ou de l'Elysée en était le primo-destinataire, mais l'envoyeur est clairement identifié en la personne de Oumar Youm, actuel directeur de cabinet du Président Macky Sall.

"J'ai suivi hier l'interview de l'ambassadeur de France au Sénégal au cours de laquelle il s'est prononcé sur l'agenda du TER, en affirmant que la mise en service commerciale ne pourrait se faire en avril 2020, prenant ainsi le contre-pied du gouvernement, seul habilité à communiquer sur le sujet objet d'un marché entre l'état du Sénégal et des entreprises françaises", écrit celui qui est avocat de profession et qui fut plusieurs fois ministre.

Et d'ajouter: "l'ambassadeur de France semble privilégier les intérêts des entreprises françaises qui, dans ce chantier, font peu de cas du droit contractuel et des préoccupations des populations sénégalaises".

"Auparavant, la société Senac SA, autrement dit Eiffage, titulaire du marché le plus important du TER (Train express région, ndlr), avait fait, relativement à la concession de l'autoroute, une déclaration téméraire et aberrante sur la demande légitime de l'État, taxée d'arbitraire, avant de se raviser", poursuit Oumar Youm.

Ici, la présidence de la République fait référence à la demande adressée à l'entreprise pour renégocier le contrat d'exploitation de cette infrastructure, entre Dakar et Diamniadio, dont le coût d'investissement exorbitant la prédisposait à l'application des tarifs les plus chers du monde.

En effet, longue de 34 kilomètres à peine et construite sur un sol plat, elle a coûté quelque 440 millions de dollars. A titre de comparaison, l'autoroute Marrakech Agadir, passant entre monts et vallées et longue de 233 km, n'a coûté que 700 millions de dollars. C'est pourquoi pour aller de Dakar à Diamniadio, les Sénégalais sont obligé de débourser jusqu'à 1500 Fcfa, soit 3 dollars, contre 2,2 dollars entre Casablanca et Rabat, dont la fréquentation est comparable à celle de Dakar-Diamniado.

"En droite ligne de notre entretien lors de la récente visite du Premier ministre français au Sénégal, j'attire encore une fois votre attention sur ces attitudes dommageables à un partenariat fondé sur le respect et la confiance. Un commerce plus équitable est l'unique solution à ces mouvements citoyens de plus en plus nombreux qui posent la problématique de la refondation des termes de l'échange", se plaint toujours le directeur de cabinet du président Macky Sall.

Et de conclure: "En tout état de cause, dans le marché du TER, le Sénégal entend respecter strictement les termes du contrat le liant aux entreprises françaises et se réserve le droit d'appliquer des pénalités pour les retards indus. Au demeurant, l'ambassadeur de France doit rester dans son rôle de prêteur en s'abstenant de communiquer sur un agenda contractuel qui lie l'Etat à des entreprises privées".

Il faut rappeler que l'ambassadeur de France avait tenu des propos qui ont mis à mal le gouvernement sénégalais avec son opinion publique, notamment en contredisant les ministres qui annonçaient que le Train express régional allait être inauguré en avril.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 13/02/2020 à 08h23, mis à jour le 13/02/2020 à 08h28