Sénégal. Le décret présidentiel 2020-964 introuvable crée une vive polémique

Aminata Tall, ex-présidente du Conseil économique social et environnemental avec le président Macky Sall.

Aminata Tall, ex-présidente du Conseil économique social et environnemental avec le président Macky Sall. . DR

Le 26/05/2020 à 12h16, mis à jour le 26/05/2020 à 12h19

C’est l’histoire du décret présidentiel le plus célèbre, sans même avoir été publié dans le Journal officiel du pays. Récit.

Depuis un peu plus d’une semaine, le décret présidentiel portant le numéro 2020-964 est sur toutes les lèvres de l’opposition, il fait les choix gras des journaux de la place et les chroniqueurs de l’audiovisuel s’en délectent dans leurs quotidiens exercices de revue de presse. Dans les réseaux sociaux, l'opposition publie des documents qui tendent à prouver la gravité des faits imputés à la présidence de la République, alors que les partisans de Macky Sall crient à l'imposture. 

Selon les lanceurs d’alerte, des inspecteurs des impôts, mais également des militants du parti de l’opposant Ousmane Sonko, arrivé troisième lors de la dernière présidentielle de février 2019, il s’agit d’un véritable scandale d’Etat. En effet, en pleine pandémie de coronavirus, le président Macky Sall aurait pris la décision, dans ce décret introuvable sur les colonnes du Journal officiel, de créer la fonction de "président à titre honoraire du Conseil économique, social et environnemental (CESE)" en lui accordant de mirobolants avantages. Seuls peuvent être nommés à cette fonction honorifique les anciens présidents de l’institution, à leur demande.

A priori rien de grave, puisqu’il s’agit juste d’une fonction honorifique. Sauf que "le président honoraire" prévu par ce décret dont le fac-similé a fait tour de toute la presse pas qu’à titre honorifique, il est surtout pécuniaire. En effet, un salaire mensuel de 4,5 millions de francs CFA (soit 68.700 euros) est prévu, en plus d’une dotation de 500 litres de carburant, d'un chauffeur et d'un agent de sécurité rapprochée. Le tout porte ainsi les avantages à près de 6 millions de FCFA, soit pas moins de 9.200 euros. Certains n’ont pas hésité à faire la comparaison avec le salaire d’un président de la République française à la retraite qui est autour de 6.200 euros seulement.

Le problème c’est que ce décret datant du 17 avril, du fait de ses incidences financières, aurait été diffusé dans le réseau intranet des cadres du ministère des Finances comme l’ensemble des documents similaires.

Quand on épluche le Journal officiel, on trouve bien les décrets qui ont précédé notamment les numéros 2020-963 et 2020-962 et ceux qui l’ont suivi, les 2020-965 jusqu’à 2020-67. En revanche, pas de trace de celui-ci. Ce décret est introuvable.

Quand le scandale a été révélé, le service communication de la présidence, conscient des dégâts sur le plan politique d’une telle décision, a immédiatement diffusé un communiqué en affirmant qu’il s’agissait d’un faux document. Ce qui est juridiquement très grave puisque cela voudrait dire qu'on a imité la signature du président de la République. Et au cas où le document serait authentique, c’est ce même service qui risque d’être traduit en justice pour avoir qualifié de faux un document établi par le chef de l’Etat. Dans tous cas, les conséquences juridiques sont lourdes.

Avant-hier, un ancien responsable du service communication de la présidence, Yakham Mbaye, actuel président directeur général du journal Le Soleil, organe de l’Etat sénégalais, a accordé une interview au site Dakar Actu pour nier en bloc le contenu présumé du premier décret ayant fuité. Dans la foulée, il en a diffusé un second portant la même date du 17 avril, qui consacre effectivement la création de la cette fonction de président honoraire, sans les avantages précités. http://afrique.le360.ma/node/30663/edit

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 26/05/2020 à 12h16, mis à jour le 26/05/2020 à 12h19