Tout est parti de la révélation, par un site dakarois, d’une indemnisation de 12 milliards de FCFA consentie par le gouvernement sénégalais à l’homme d’affaires ivoirien Adama Bictogo, dans l’affaire dite des visas biométriques. Depuis lors, la toile et les journaux sénégalais bruissent de cette affaire aux allures de «scandale».Pour tenter de désamorcer la «bombe» et mettre fin aux multiples notes d’indignation distillées par l’opposition et la société civile dans la presse, le gouvernement multiplie les communiqués.D’abord, c’est le ministère de l’Economie, des finances et du plan, qui, la semaine dernière, pond un communiqué aux accents «sibyllins» pour affirmer que l’affaire a été réglée «à l’amiable», que l’homme d’affaires ivoirien «réclamait 19 milliards de FCFA» au Sénégal et que ce dernier a été «indemnisé», conformément aux termes du contrat, sans toutefois indiquer le montant de cette indemnisation, ni démentir la somme de 12 milliards avancée par la presse. Ce qui n’a fait que renforcer le scepticisme et la confusion dans l’opinion.Ensuite, c’est l’homme d’affaires ivoirien lui-même qui monte au créneau. Dans une interview accordée au quotidien «L’Observateur», cette semaine, Adama Bictogo a d’abord vanté ses relations avec le Sénégal, sa «seconde patrie», un pays où ses enfants viennent régulièrement «en vacances», avant de fustiger l’attitude des journalistes sénégalais toujours prompts à chercher la petite bête.Comme si cela ne suffisait pas, la Primature s’est fendu, elle aussi, hier, d’un communiqué pour expliquer encore et davantage non seulement la genèse de cette «affaire» mais aussi son dénouement.Dans ce communiqué, les services du Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne, expliquent que pour parer à la «situation d’insécurité régionale», le gouvernement du Sénégal a initié un important projet de modernisation d’équipement des services de sécurité et de l’administration territoriale.«Il a conclu, dans ce cadre, le 25 mars 2014, un contrat de partenariat avec la société SNEDAI (propriété d’Adama Bictogo), concessionnaire de services publics pour la production de visas biométriques».A la date de la rupture du contrat par l’Etat du Sénégal, explique le communiqué, la société SNEDAI avait remis à l’Etat du Sénégal, pour pleine propriété, «l’ensemble des équipements informatiques (matériels et logiciels) acquis dans le cadre de la mise en œuvre du système de visas biométriques, après négociations, à la valeur résiduelle, soit 582,8 millions de FCFA (pour des investissements d’un coût initial de 1,3 milliard de FCFA».Reprenant l’argumentaire déjà développé dans le communiqué du ministère de l’Economie, des finances et du plan, la Primature explique que les opérations en suspens (salaires, dettes aux fournisseurs, engagements bancaires, etc.) «avaient autorisé la société SNEDAI à réclamer à l’Etat du Sénégal, pour solde du contrat de partenariat, un montant de 19 milliards de FCFA».Le communiqué conclut sur une précision de taille: «L’Etat a finalement payé à la société SNEDAI la somme de… 13 milliards de FCFA (soit plus que les 12 milliards avancés par la presse)».Une précision qui n’est pas près de calmer le débat. Beaucoup de Sénégalais ne comprennent pas comment l’Etat a pu «donner» un tel montant à l’homme d’affaires ivoirien pour des investissements qui «ne dépassent pas un milliard». Certains vont même jusqu’à pointer les "interconnexions" entre l’homme d’affaires ivoirien et le pouvoir sénégalais…
Le 27/05/2016 à 16h57